Vu la requête enregistrée le 16 février 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. X..., demeurant ... à Paris-Armées 75997 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule, d'une part, la note du ministre de la défense, en date du 26 décembre 1983, d'autre part, les décisions du chef du contrôle général des armées, en date des 29 décembre 1983 et 31 janvier 1984, fixant le montant des sommes à retenir sur ses rémunérations au titre de l'écrêtement de sa rémunération de 1983 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi du 13 juillet 1972 ;
Vu le décret du 26 juillet 1983 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Schneider, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Dominique Latournerie, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre la note du ministre de la défense, en date du 26 décembre 1983 :
Considérant que cette note, d'ailleurs non publiée, qui se borne à donner une interprétation du décret n° 83-694 du 26 juillet 1983 et à adresser aux services des directives nécessaires à son application, est dépourvue de caractère réglementaire ; que M. X... n'est, par suite, pas recevable à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions dirigées contre les décisions du chef du contrôle général des armées, en date du 29 décembre 1983 et du 31 janvier 1984 :
En ce qui concerne les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre de l'économie, des finances et du budget :
Considérant qu'il ne résulte pas des pièces versées au dossier que les décisions attaquées aient été rapportées en tant qu'elles prévoient que seront prélevées sur les rémunérations perçues par M. X... les sommes qu'il avait perçues, antérieurement à la date d'entrée en vigueur du décret du 26 juillet 1983, au titre de la revalorisation de la partie de ses rémunérations de 1982 qui avait excédé 250 000 F ; que le ministre de l'économie, des finances et du budget n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les conclusions de la requête sont devenues partiellement sans objet ;
En ce qui concerne la légalité des décisions attaquées :
Considérant qu'en décidant que la partie de la rémunération des militaires ayant excédé 250 000 F en 1982 ne serait pas revalorisée en 1983, les auteurs du décret du 26 juillet 1983 n'ont pas institué une imposition qui, en vertu de l'article 34 de la Constitution, n'aurait pu être créée que par la loi ; que les dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1972, qui fixent les critères en fonction desquels des indemnités sont allouées aux militaires, ne faisaient pas obstacle à ce que le gouvernement pût légalement, par le décret du 26 juillet 1983, inclure ces indemnités dans la rémunération globale dont une partie ne devait pas être revalorisée en 1983 et prévoir qu'elles seraient "écrêtées" à concurrence des sommes excédant ces limites ; que si, en vertu de l'article 10 de la loi du 13 juillet 1972,l'existence de groupements professionnels à caractère syndical est incompatible avec les règles de la discipline militaire, le gouvernement n'a pas méconnu ces dispositions en décidant, dans l'exercice des pouvoirs qui sont les siens, d'appliquer aux militaires une mesure édictée à la suite d'une concertation avec des organisations syndicales de fonctionnaires civils ;
Mais considérant que si le décret du 26 juillet 1983 aboutit seulement à un "écrêtement" des primes ou compléments de primes payés postérieurement à son entrée en vigueur, les sommes ainsi écrêtées sont calculées de façon que la partie des rémunérations ayant excédé 250 000 F en 1982 ne fasse l'objet d'aucune revalorisation en 1983, y compris pendant la partie de cette année précédant la date d'entrée en vigueur du décret ; que dans la mesure où il a ainsi pour effet de modifier les conditions de revalorisation de rémunérations qui avaient été liquidées, conformément à la réglementation alors applicable, pendant une partie de l'année 1983 antérieure à son entrée en vigueur, ce décret comporte un effet rétroactif illégal ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que les décisions attaquées, ont été prises sur le fondement de dispositions réglementaires illégales et sont, par suite, entachées d'excès de pouvoir, en tant qu'elles prévoient que seront prélevées sur ses rémunérations de janvier et février 1984 les sommes qu'il avait perçues au titre de la revalorisation, entre le 1er janvier 1983 et la date d'entrée en vigueur du décret du 26 juillet 1983, de la partie de ses rémunérations de 1982 qui avait excédé 250 000 F ;
Article 1er : Les décisions du chef du contrôle général des armées, en date des 29 décembre 1983 et 31 janvier 1984 sont annulées en tant qu'elles prévoient que seront prélevées sur la rémunération de M. X... en janvier et février 1984, les sommes qu'il avait perçues au titre de la revalorisation entre le 1er janvier 1983 et la date d'entrée en vigueur du décret du 26 juillet 1983 de la partie de sa rémunération de 1982 qui avait excédé 250 000F.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X..., auministre de l'économie, des finances et du budget et au ministre de la défense.