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12/02/1986 | FRANCE | N°47532

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 12 février 1986, 47532


Vu le recours et le mémoire complémentaires, enregistrés les 16 décembre 1982 et 22 avril 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le ministre des postes et télécommunications, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement, en date du 8 octobre 1982, du tribunal administratif de Rouen, statuant sur une demande de M. Paul X..., en tant que, par l'article 1er de ce jugement, le tribunal l'a condamné à verser à M. X... une somme de 95 682 F en réparation du préjudice qu'il a subi, du fait de la pose, par la société Huré, d'un câb

le téléphonique le long de la clôture de sa propriété, sise à Mesnil-...

Vu le recours et le mémoire complémentaires, enregistrés les 16 décembre 1982 et 22 avril 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le ministre des postes et télécommunications, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement, en date du 8 octobre 1982, du tribunal administratif de Rouen, statuant sur une demande de M. Paul X..., en tant que, par l'article 1er de ce jugement, le tribunal l'a condamné à verser à M. X... une somme de 95 682 F en réparation du préjudice qu'il a subi, du fait de la pose, par la société Huré, d'un câble téléphonique le long de la clôture de sa propriété, sise à Mesnil-sur-Vienne, dans l'Eure, et, par l'article 2, a rejeté l'appel en garantie qu'il avait formé contre la société Huré ;
2- le décharge d'une partie des condamnations prononcées à son encontre ;
3- condamne l'entreprise Huré à le garantir des condamnations prononcées contre lui ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret du 30 juillet 1963, modifié par le décret du 16 janvier 1981 ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Cazin d' Honincthun, Maître des requêtes,
- les observations de Me Scemama, avocat de M. Paul X... et de Me Célice, avocat de l'entreprise Huré,
- les conclusions de M. Roux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., propriétaire dans la commune de Menil-sur-Vienne d'un "parcours de pêche", établi le long d'un canal de dérivation alimenté par les eaux de la Lévrière, avait fait dresser en 1976 une clôture sur l'étroite banquette qui séparait les bords de ce canal de la route départementale n° 14 ; qu'au cours du mois de juillet 1977 l'entreprise Huré, qui travaillait pour le compte du ministère des P.T.T., a ouvert sur la longueur de cette banquette une saignée, afin d'y poser un cable téléphonique ; que l'ameublissement du sol consécutif à cet affouillement a entraîné une dégradation de la berge sur plusieurs dizaines de mètres ainsi que le déchaussement des poteaux qui soutenaient le grillage de la clôture ; que le tribunal administratif de Rouen par l'article 1er de son jugement en date du 8 octobre 1982, a déclaré l'Etat et la société Huré entièrement responsables des dommages subis par M. X... et les a condamnés solidairement à lui verser une somme de 95 682 F ; que, par l'article 2 de son dispositif, il a rejeté l'appel en garantie formé par le ministre contre la société Huré ;
Sur la responsabilité :
Considérant que sans contester le principe de leur responsabilité solidaire le ministre des P.T.T. et la société Huré soutiennent qu'elle doit être réduite au motif que la dégradation de la berge ne serait pas seulement due aux travaux en question ;
Considérant, toutefois, qu'il ne résulte pas de l'intruction que la consistance du sol ait aggravé les effets de son affouillement, ni que la berge ait été mal entretenue ; que les eaux de ruissellement n'ont contribué à la dégradation de la rive que parce que la saignée pratiquée dans la banquette, ainsi que l'amollissement de la terre entre la route départementale et le canal avaient facilité leur travail d'érosion ; que les poteaux en béton armé étaient dotés de fondations suffisantes et avaient été correctement implantés ; que si l'éboulement de la berge est également dû au moins partiellement à des ébranlements provoqués par le passage des véhicules sur la route, cette circonstance n'est pas de nature à restreindre la responsabilité de l'Etat et de la société Huré envers M. X... ;

Considérant que si, dès le 19 novembre 1977, la société Huré a proposé à M. X... de lui verser une indemnité de 1 500 F, elle n'établit pas que cette somme était suffisante pour réparer l'ensemble des dommages qu'il avait subis ; que M. X..., après avoir refusé la somme en question, a alerté à plusieurs reprises les auteurs du dommage sur la nécessité d'y remédier promptement ; que, faute de parvenir à un accord, il a présenté au tribunal administratif de Rouen le 3 janvier 1979 une demande en référé en vue de la désignation d'un expert ; que, dans ces conditions, le ministre des P.T.T. et la société Huré ne sont pas fondés à soutenir que M. X... aurait sa part de responsabilité dans l'aggravation du dommage, faute d'avoir défendu avec suffisamment de diligence ses intérêts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des P.T.T. et la société Huré ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rouen a déclaré l'Etat et la société Huré entièrement et solidairement entièrement responsables des dommages subis par M. X... ;
Sur le montant des indemnités allouées par le jugement attaqué à M. X... ;
En ce qui concerne la réfection de la berge et de la clôture ;
Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de la demande qu'il présente par la voie du recours incident et qui tend au rehaussement de l'indemnité de 90 682 F que lui ont accordée les premiers juges, M. X... n'établit, ni que les diverses plantations qu'il envisage pour un coût supplémentaire de 9 715,35 F, seraient indispensables à la consolidation de la berge, ni que les fascines "constituées de pieux enfoncés en bordure de rive et entrelacées de branches de bois" que propose l'expert commis par les premiers juges pour un montant de 58 000 F ne suffiraient pas à préserver de l'érosion le pied des poteaux supportant sa clôture ;

Considérant, en second lieu, que l'évaluation des dommages causés aux immeubles doit être faite à la date où leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer ; que M. X... ne justifie d'aucune circonstance qui l'aurait empêché d'effectuer les travaux dès le dépôt du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif ; que, en particulier, il n'apporte pas la preuve que ces travaux auraient été retardés par l'impossibilité où il aurait été d'en assurer le financement ; qu'il n'établit pas davantage que les dommages se seraient aggravés après le 25 mai 1979, date du dépôt du rapport de l'expert ; qu'il suit de là que le coût des travaux doit être évalué à cette date, ainsi que l'ont estimé les premiers juges ;
Considérant, enfin, que, contrairement à ce que soutient le ministre, la simple stabilisation de la berge et de la clôture n'est pas génératrice d'une plus-value ; qu'il suit de là que le ministre n'est pas fondé à demander pour ce motif une réduction de l'indemnité accordée par les premiers juges ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ni le ministre des P.T.T., ni M. X..., par la voie du recours incident, ne sont fondés à soutenir que les premiers juges, en attribuant conformément aux propositions de l'expert la somme sus-indiquée de 90 682 F à M. X... auraient fait une estimation excessive, ou insuffisante, du montant de l'indemnité destinée à réparer les dommages en question ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'allocation d'une indemnité pour dépréciation de la propriété :

Considérant que M. X... ne justifie pas qu'après l'exécution des travaux de remise en état de la berge et de la clôture, sa propriété restera affectée d'une dépréciation définitive ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont refusé de lui allouer de ce chef une indemnité supplémentaire ;
En ce qui concerne les autres chefs de préjudice :
Considérant que le préjudice moral qu'aurait causé à M. X... le dommage dont il demande réparation n'est pas établi ; qu'en revanche, du fait de l'atteinte portée durant près de dix ans à son parcours de pêche, M. X... a subi des troubles de jouissance dont il lui est dû réparation ; que, dans les circonstances de l'affaire, il en sera fait une juste appréciation en portant à 10 000 F l'indemnité de 5 000 F accordée par le premier juge ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation des divers préjudices subis par M. X... en portant de 95 682 F à 100 682 F l'indemnité à laquelle il a droit ;
Sur les conclusions du ministre des P.T.T. tendant à ce que la société Huré garantisse l'Etat des condamnations prononcées à son encontre :
Considérant qu'aux termes de l'article 29 du cahier des clauses techniques particulières, applicables au marché conclu entre le ministre des P.T.T. et la société Huré : "L'entrepreneur doit avertir l'administration de toute difficulté susceptible d'apporter des motifications au projet, en ce qui concerne notamment l'implantation et la profondeur des fouilles", et "l'entrepreneur fait son affaire du mode d'utilisation de l'engin prévu au projet" ; que la société n'établit pas avoir attiré l'attention de l'administration sur les éboulements qu'était susceptible de provoquer le passage au ras de la berge de l'engin à lame vibrante qu'elle devait utiliser, et avoir sollicité une autre implantation des fouilles ; que cette omission est constitutive d'une faute de nature à engager l'entière responsabilité de la société à l'égard de l'Etat ; que, dans ces conditions, la société devait être condamnée à garantir l'Etat de la totalité de la condamnation mise à la charge de cette dernière ; que, dès lors, le ministre des P.T.T. est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du dispositif du jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à cet effet ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 8 octobre 1982 est annulé.

Article 2 : La somme de 95 682 F que l'Etat et la société Huré ont été condamnés conjointement et solidairement à payer à M. X... par le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 8 octobre 1982 est portée à 100 682 F.

Article 3 : La société Huré est condamnée à garantir l'Etat de la condamnation prononcée contre lui à concurrence d'un montant de 100 682 F.

Article 4 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 8 octobre 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Les conclusions de l'entreprise Huré et le surplus des conclusions du recours du ministre des P.T.T., ainsi que du recours incident de M. X... sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre des P.T.T., à l'entreprise Huré et à M. X....


Type d'affaire : Administrative

Analyses

51-02-01 POSTES ET TELECOMMUNICATIONS - TELECOMMUNICATIONS - TELEPHONE


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 12 fév. 1986, n° 47532
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Cazin d' Honincthun
Rapporteur public ?: Roux

Origine de la décision
Formation : 3 / 5 ssr
Date de la décision : 12/02/1986
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 47532
Numéro NOR : CETATEXT000007713648 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1986-02-12;47532 ?
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