Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 juillet 1983 et 25 novembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société Comutec, dont le siège social est ... , représentée par ses représentants légaux demeurant audit siège et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du 3 juin 1983 par lequel le tribunal administratif de Rouen sur renvoi par le conseil de prud'hommes du Havre du 14 mars 1983 de la question d'appréciation de la légalité de la décision en date du 8 novembre 1982 par laquelle l'inspecteur du travail du Havre a autorisé la Société Comutec à licencier Mlle X... a déclaré cette décision illégale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Stasse, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Roger, avocat de la Société Comutec,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;
Sur la portée de la question soumise au tribunal administratif de Rouen :
Considérant que, par jugement du 7 mars 1983, le Conseil de Prud'hommes du Havre avant-dire droit sur les conclusions des dommages et intérêts de Mlle X... à l'appui desquelles l'intéressée invoquait l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement, a sursis à statuer jusqu'à décision du tribunal administratif en application de l'article L.511-1 alinéa 3 du code du travail ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif a interprété la question dont il était saisi comme tendant à l'appréciation de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du Havre en date du 8 novembre 1982 ;
Sur la légalité de ladite décision :
Considérant qu'aux termes de l'article L.436-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 octobre 1982 : "Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ou d'un représentant syndical prévu à l'article L.433-1 est obligatoirement soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement" ;
Considérant que, dans le cas où l'intéressé, titulaire d'un de ces mandats à la date de la délibération du comité d'entreprise, obtient valablement un mandat différent après cette délibération et avant la décision de l'inspecteur du travail ou, le cas échéant, du ministre, le comité doit être saisi à nouveau de son cas ; qu'à défaut de cette nouvelle saisine l'autorité administrative n'est pas en mesure de se prononcer et que sa décision, dont la validité doit être examinée compte tenu des circonstances de fait et de droit à la date à laquelle elle est prise, est illégale ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de licenciement de Mlle X... a été soumis au cmité d'entreprise le 29 septembre 1982 à une date à laquelle elle avait la qualité de déléguée du personnel ; que, le 7 octobre 1982, Mlle X... a été désignée comme représentant syndical au comité d'entreprise, dans des conditions dont la régularité n'a pas été contestée devant la juridiction compétente ; que, dans ces conditions, le projet de licenciement aurait dû faire l'objet d'une nouvelle délibération du comité d'entreprise ; qu'en l'absence de cette délibération, l'inspecteur du travail ne pouvait légalement, par sa décision du 8 novembre 1982, autoriser le licenciement de Mlle X... ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé de l'autre moyen retenu par le tribunal, que la Société COMUTEC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rouen a déclarée illégale la décision de l'inspecteur du travail du
Article ler : La requête de la Société COMUTEC est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société COMUTEC, à Mlle X..., au greffe du tribunal de Prud'hommes du Havre et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.