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16/04/1986 | FRANCE | N°45213

France | France, Conseil d'État, 1 /10 ssr, 16 avril 1986, 45213


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 août 1982 et 21 décembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et les nouvelles observations, enregistrées le 26 juillet 1983, présentés pour l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES ACTIONNAIRES DE LA BANQUE REGIONALE DE L'AIN, dont le siège se trouve ... 01150 , représentée par son dirigeant légal, M. Pierre X..., domicilié en cette qualité audit siège, M. X..., actionnaire, demeurant ... à Lyon 69002 , et M. Y..., actionnaire, demeurant ... 01150 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

réforme une décision en date du 28 juin 1982 de la commission administ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 août 1982 et 21 décembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et les nouvelles observations, enregistrées le 26 juillet 1983, présentés pour l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES ACTIONNAIRES DE LA BANQUE REGIONALE DE L'AIN, dont le siège se trouve ... 01150 , représentée par son dirigeant légal, M. Pierre X..., domicilié en cette qualité audit siège, M. X..., actionnaire, demeurant ... à Lyon 69002 , et M. Y..., actionnaire, demeurant ... 01150 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme une décision en date du 28 juin 1982 de la commission administrative nationale d'évaluation fixant la valeur d'échange au 30 juin 1982 de l'action de la banque régionale de l'Ain à 182,74 F,
2° fixe à une valeur qui ne saurait être inférieure à 240 F la valeur d'échange au 30 juin 1982 de l'action de la banque régionale de l'Ain, en prenant en compte les intérêts dus et la capitalisation des intérêts, ou, s'il y a lieu, renvoie les requérants devant la commission administrative nationale d'évaluation en vue de la fixation de ladite valeur d'échange,

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 11 février 1982 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Azibert, Maître des requêtes,
- les observations de Me Cossa, avocat de l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES ACTIONNAIRES DE LA BANQUE REGIONALE DE L'AIN et autres,
- les conclusions de M. Boyon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 18 de la loi de nationalisation du 11 février 1982, "pour les sociétés mentionnées à l'article 12-II-b" de ladite loi, c'est-à-dire pour les banques non inscrites à la cote officielle et qui sont nationalisées dans les conditions prévues à l'article 13" il est constitué une commission administrative nationale d'évaluation composée du premier président de la Cour des comptes, président, du gouverneur de la Banque de France, du président de la section des finances du Conseil d'Etat, du président de la Chambre commerciale de la Cour de cassation et d'un membre du Conseil économique et social désigné par le président de cette assemblée. Cette commission est chargée de fixer au 30 juin 1982 la valeur d'échange à cette date des actions de ces sociétés. A cet effet, elle détermine la valeur de négociation des actions de chaque société au 31 décembre 1981 à partir de l'actif net et du bénéfice net, en tenant compte des rapports constatés entre, d'une part, la valeur boursière moyenne des actions et, d'autre part, l'actif net et le bénéfice net des banques mentionnées à l'article 12-II-a", c'est-à-dire des banques inscrites à la cote officielle qui, aux termes de la loi, sont nationalisées. "Cette valeur de négociation est actualisée pour tenir compte des événements qui l'auront affectée pendant les six premiers mois de l'année 1982" ;
Sur la régularité de la procédure suivie par la commission :
Considérant, d'une part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, ne faisait obligation à la commission, d'entendre contradictoirement les actionnaires ou les dirigeants des banques non cotées en bourse dont elle devait fixer la valeur de l'action au 30 juin 1982 ; qu'ainsi la commission, qui avait d'ailleurs recueilli auprès de la banque elle-même les éléments comptables servant au calcul de la valeur de l'action et qui a examiné tous les documents que lui ont soumis les dirigeants ou actionnaires, n'était tenue ni de procéder à l'audition de ceux-ci, ni de soumettre à leur examen l'ensemble des documents au vu desquels elle a statué, ni de les inviter à faire connaître leurs observations sur la valeur de l'action qu'elle se proposait de retenir avant de la fixer définitivement ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions précitées du 2° alinéa de l'article 18 de la loi du 11 février 1982 faisaient obligation à la commission de fixer au plus tard le 30 juin 1982 la valeur d'échange à cette date de l'action de chacune des banques non cotées nationalisées, par l'effet de la loi, à compter du 1er juillet 1982 ; que les réquerants ne sont donc pas fondés à soutenir que la commission aurait dû statuer postérieurement au 30 juin 1982 afin de disposer de davantage de données sur l'activité des banques au cours du premier semestre 1982 et d'étudier de façon plus approfondie les cas particuliers qui lui étaient soumis ;
Sur la détermination de la valeur d'échange de l'action de la banque régionale de l'Ain :
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article 18 de la loi de nationalisation que pour les banques non inscrites à la cote officielle, la commission "détermine la valeur de négociation de chaque société au 31 décembre 1981 à partir de l'actif net et du bénéfice net" ; que le législateur a ainsi écarté implicitement, pour le calcul de la valeur de négociation des titres de banques on inscrites à la cote officielle, qui peuvent le cas échéant être inscrites à un marché hors-cote, toute référence à la valeur des cours sur ce dernier marché ; qu'il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la commission aurait dû prendre en considération la valeur des cours de l'action de la banque régionale de l'Ain sur le marché hors-cote de la bourse de Lyon dans les mois qui ont précédé la nationalisation ;

Considérant que les dispositions précitées de la loi du 11 février 1982 n'imposaient pas de prendre en compte le fonds de commerce pour calculer l'actif net des banques cotées et non cotées ; qu'eu égard à la dispersion des valeurs du fonds de commerce de chaque banque obtenues selon la méthode retenue pour l'évaluation de ce fonds, dispersion que la commission a elle-même constatée, et alors surtout que le fonds de commerce n'est en principe pas pris en compte dans les méthodes usuelles d'évaluation des sociétés fondées sur la valeur de leur actif, la commission a pu légalement estimer qu'elle n'avait pas corriger la valeur de l'actif net comptable des banques cotées et non cotées du montant de leur fonds de commerce ;
Considérant en revanche que c'est à bon droit que la commission a corrigé la valeur de l'actif net comptable de la banque régionale de l'Ain pour tenir compte, d'une part, des plus-values latentes et, d'autre part, de la nécessité de réévaluer les immeubles figurant au bilan à la date du 31 décembre 1981 ; qu'il résulte de l'instruction que pour estimer le montant des plus-values latentes, qui, en l'espèce, sont, pour l'essentiel, des plus-values sur le portefeuille de titres de la banque, à 2 255 000 F, la commission s'est appuyée sur les résultats de l'enquête effectuée par l'inspecteur désigné par la commission du contrôle des banques et n'a commis aucune erreur de raisonnement ou de calcul ; que, de même, la valeur de l'écart de réévaluation, fixée à 18 809 000 F, résulte de l'application de coefficients de réévaluation, calculés à partir de l'indice officiel du coût de la construction établi par l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques et figurant en annexe à la décision attaquée, à la valeur nette comptable des immeubles figurant au bilan au 31 décembre 1981 ; que les requérants, qui se bornent à faire état d'une valeur plus élevée de l'écart de réévaluation sans en préciser le mode de calcul, n'établissent pas que la valeur retenue par la commission repose sur des bases de calcul erronnées et soit de ce fait insuffisante ; qu'il suit de là que la commission a pu légalement retenir pour valeur de l'actif net corrigé de la banque régionale de l'Ain au 31 décembre 1981 un montant de 122 516 000 F ;

Considérant que, pour fixer la valeur de négociation au 31 décembre 1981 de l'action de chacune des banques non inscrites à la cote officielle nationalisées au 1er juillet 1982, la commission administrative nationale d'évaluation a constitué, à l'aide de deux séries de huit ratios permettant de cerner les principes caractéristiques, économiques et financières des établissements bancaires en cause, et selon une méthode statistique communément utilisée, deux groupes de banques, contenant chacun des banques inscrites à la cote officielle et des banques non inscrites à la cote officielle, et formant deux ensembles homogènes au regard des caractéristiques économiques et financières des banques les constituant ; que, pour chacun des groupes, elle a déterminé, selon une autre méthode statistique usuelle, une relation linéaire entre, d'une part, l'actif net et le bénéfice net et, d'autre part, la valeur boursière des banques inscrites à la cote officielle appartenant au groupe en cause ; qu'elle a ensuite appliqué cette relation aux valeurs de l'actif net et du bénéfice net, le cas échéant corrigés et consolidés, des banques non inscrites à la cote officielle appartenant au groupe correspondant, afin de déterminer la valeur de négociation de leurs titres au 31 décembre 1981 ; qu'en procédant de la sorte, la commission s'est conformée aux dispositions précitées de l'article 18 de la loi de nationalisation, en tant qu'elles imposaient, d'une part, de prendre en compte uniquement l'actif net et le bénéfice net pour calculer la valeur de négociation et, d'autre part, d'opérer par rapprochement avec le seul groupe des banques cotées nationalisées ; qu'en dépit des inconvénients pouvant résulter du petit nombre et de la diversité des banques cotées de référence ces dispositions s'imposaient à la commission dans l'élaboration de sa méthode statistique ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le choix des ratios financiers et la constitution des groupes auxquels la commission a procédé n'aient pas permis de tenir compte des caractéristique essentielles des banques constituant l'échantillon ; qu'enfin si, au terme des calculs effectués sur le fondement de la méthode statistique retenue et en vue de parvenir à une juste indemnisation des actionnaires de chacune des banques, la commission avait le pouvoir et, le cas échéant, l'obligation de vérifier qu'il n'existait pas, pour telle ou telle banque non cotée, de spécificités telles qu'une correction de la valeur d'échange ainsi obtenue eût été nécessaire, il ne résulte pas de l'instruction que tel ait été le cas de la banque régionale de l'Ain ; qu'en conséquence, la commission a pu, sans méconnaître les dispositions de la loi du 11 février 1982, ni la chose jugée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du même jour, ni encore l'exigence d'une juste indemnisation des actionnaires, appliquer sans correction à la banque régionale de l'Ain la méthode statistique qu'elle avait retenue et estimer ainsi que la valeur de négociation des actions de cette banque s'établissait à 80 520 589 F au 31 décembre 1981 ; qu'il n' y a pas lieu sur ce point de faire droit à la demande d'expertise sollicitée par les requérants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants, qui ne critiquent pas la méthode retenue par la commission pour l'actualisation de la valeur de négociation en fonction des événements intervenus pendnat les six premiers mois de l'année 1981, ne sont pas fondés à soutenir que, par la décision attaquée, qui est suffisamment motivée, la commission administrative nationale d'évaluation a fait une évaluation insuffisante de la valeur d'échange au 30 juin 1982 de l'action de la banque régionale de l'Ain en la fixant à 182,74 F ; que les conclusions de la requête tendant à l'octroi d'intérêts sur les sommes prétendument dues au requérant, doivent en conséquence, et en tout état de cause, être également rejetées ;
Article ler : La requête de ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES ACTIONNAIRES DE LA BANQUE REGIONALE DE L'AIN, de M. X... et de M. Y... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES ACTIONNAIRES DE LA BANQUE REGIONALE DE L'AIN, à M. X..., à M. Y... et au ministre de l'économie, des finances et du budget.


Synthèse
Formation : 1 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 45213
Date de la décision : 16/04/1986
Type d'affaire : Administrative

Analyses

43-005 NATIONALISATIONS ET ENTREPRISES NATIONALES. - NATIONALISATIONS


Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 1986, n° 45213
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Azibert
Rapporteur public ?: Boyon

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:45213.19860416
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