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16/04/1986 | FRANCE | N°45270

France | France, Conseil d'État, 1 /10 ssr, 16 avril 1986, 45270


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 août 1982 et 29 décembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BANCO AMBROSIANO HOLDING, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le siège est ..., représentée par son administrateur provisoire, M. René X..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat, annule pour excès de pouvoir la décision en date du 28 juin 1982 par laquelle la commission administrative nationale d'évaluation a fixé la valeur d'échange au 30 juin 1982 des actions de la banque de l'Union Euro

péenne à 158,39 F ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 août 1982 et 29 décembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BANCO AMBROSIANO HOLDING, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le siège est ..., représentée par son administrateur provisoire, M. René X..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat, annule pour excès de pouvoir la décision en date du 28 juin 1982 par laquelle la commission administrative nationale d'évaluation a fixé la valeur d'échange au 30 juin 1982 des actions de la banque de l'Union Européenne à 158,39 F ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 11 février 1982 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Azibert, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE BANCO AMBROSIANO HOLDING,
- les conclusions de M. Boyon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 18 de la loi de nationalisation du 11 février 1982, "pour les sociétés mentionnées à l'article 12-II-b" de ladite loi, c'est-à-dire pour les banques non inscrites à la cote officielle et qui sont nationalisées dans les conditions prévues à l'article 13, "il est constitué une commission administrative nationale d'évaluation composée du premier président de la Cour des comptes, président, du gouverneur de la Banque de France, du président de la section des finances du Conseil d'Etat, du président de la chambre commerciale de la Cour de cassation et d'un membre du conseil économique et social désigné par le président de cette assemblée. Cette commission est chargée de fixer au 30 juin 1982 la valeur d'échange à cette date des actions de ces sociétés. A cet effet, elle détermine la valeur de négociation des actions de chaque société au 31 décembre 1981 à partir de l'actif net et du bénéfice net, en tenant compte des rapports constatés entre, d'une part, la valeur boursière moyenne des actions et, d'autre part, l'actif net et le bénéfice net des banques mentionnées à l'article 12-II-a", c'est-à-dire des banques inscrites à la cote officielle qui, aux termes de la loi, sont nationalisées. "Cette valeur de négociation est actualisée pour tenir compte des événements qui l'auront affectée pendant les six premiers mois de l'année 1982" ;
Considérant, en premier lieu, que dans sa décision susvisée, la commission administrative nationale d'évaluation, après avoir visé l'ensemble des documents concernant la Banque de l'Union Européenne qu'elle avait recueillis au cours de la procédure, et rappelé les termes de la loi du 11 février 1982 et de la décision du même jour du Conseil Constitutionnel, a indiqué les éléments retenus pour calculer l'actif net et le bénéfice net corrigés ainsi que le montant obtenu pour chacune de ces valeurs dans le cas de la Banque de l'Union Européenne ; q'elle a pu, à cet égard, sans fournir davantage d'explications, se référer aux valeurs de l'actif net et du bénéfice net consolidés dès lors notamment que, dans sa décision du 11 février 1982, le Conseil Constitutionnel lui recommandait de tenir compte "de l'existence de comptes consolidés" ; qu'elle a précisé qu'elle retenait, au titre du bénéfice net consolidé, la moyenne des bénéfices afférents aux exercices 1980, après actualisation, et 1981 afin "de mieux apprécier la rentabilité réelle" de la Banque de l'Union Européenne ; qu'elle a ensuite décrit la méthode utilisée pour rapprocher les banques cotées des banques non cotées, en donnant la composition du groupe des sept banques cotées avec lesquelles la Banque de l'Union Européenne a été mise en relation, en précisant la liste des ratios financiers ayant servi à constituer ledit groupe, et en indiquant les valeurs des coefficients multiplicateurs respectivement de l'actif net et du bénéfice net dans la formule mathématique permettant de calculer, pour les banques appartenant au groupe auquel a été rattachée la Banque de l'Union Européenne, la valeur de négociation des titres ; qu'ainsi, et alors même que la commission n'a pas indiqué tous les éléments permettant de reconstituer ses calculs et notamment les valeurs prises par les ratios financiers pour les banques de référence, elle a suffisamment motivé sa décision ;

Considérant, en second lieu, qu'en retenant, pour calculer le bénéfice net consolidé de la Banque de l'Union Européenne, ainsi qu'elle l'a fait pour toutes les banques, une période de référence portant sur les exercices 1980 et 1981, et permettant donc d'atténuer l'incidence des aléas de la toute dernière période, la commission, qui n'était liée sur ce point par aucune disposition impérative de la loi de nationalisation, n'a pas méconnu l'obligation qui pesait sur elle de rechercher une valeur du bénéfice net aussi objective que possible ; qu'en effet, alors même que la conjoncture bancaire avait été marquée en 1981 par une forte hausse des taux sur le marché monétaire ayant affecté la rentabilité des établissements qui, comme la Banque de l'Union Européenne, sont structurellement emprunteurs sur ce marché, il n'appartenait pas à la commission d'écarter comme non significatifs les résultats de 1981 dès lors que lesdits résultats avaient nécessairement une influence sur l'estimation de la valeur de l'action de la Banque de l'Union Européenne au 31 décembre 1981 ; que, de même, la commission a pu à bon droit considérer qu'il ne lui appartenait pas de prendre en compte les résultats des exercices antérieurs à 1980 ; qu'en conséquence elle a pu légalement se référer aux résultats des deux années 1980 et 1981 alors même que la Banque de l'Union Européenne a enregistré un résultat déficitaire de 1981, et sans avoir à rechercher si cette perte aurait été fiscalement imputable sur les résultats des exercices suivants ; que, d'ailleurs, la commission a, dans le souci de ne pas pénaliser les actionnaires de ladite banque, considéré dans son calcul que le bénéfice net consolidé de 1981 était nul et déduit la perte nette consolidée de 1981 du montant de l'actif net ; que le moyen tiré de ce que la commission aurait méconnu l'exigence d'une juste indemnisation des actionnaires en fondant partiellement sa décision sur les résultats prétendument accidentels de l'exercice 1981 doit en conséquence être rejeté ;

Considérant, en troisième lieu, que, pour fixer la valeur de négociation au 31 décembre 1981 des actions de chacune des banques non inscrites à la cote officielle nationalisées au 1er juillet 1982, la commission administrative nationale d'évaluation a constitué, à l'aide de deux séries de huit ratios permettant de cerner les principales caractéristiques économiques et financières des établissements bancaires en cause, et selon une méthode statistique communément utilisée, deux groupes de banques, comprenant chacun des banques inscrites à la cote officielle et des banques non inscrites à la cote officielle, et formant deux ensembles homogènes au regard des caractéristiques économiques et financières des banques les constituant ; que, pour chacun des groupes, elle a déterminé, selon une autre méthode statistique usuelle, une relation entre, d'une part, l'actif net et le bénéfice net et, d'autre part, la valeur boursière des banques cotées appartenant au groupe en cause ; qu'elle a ensuite appliqué cette relation aux valeurs de l'actif net et du bénéfice net, le cas échéant corrigés et consolidés, des banques non inscrites à la cote officielle appartenant au groupe correspondant, afin de déterminer la valeur de négociation de leurs titres au 31 décembre 1981 ; qu'en procédant de la sorte, la commission s'est conformée aux dispositions précitées de l'article 18 de la loi de nationalisation, en tant qu'elles imposaient, d'une part, de prendre en compte uniquement l'actif net et le bénéfice net pour fixer la valeur de négociation de l'action et, d'autre part, d'opérer par rapprochement avec le seul groupe des banques cotées nationalisées ; qu'en dépit des inconvénients pouvant résulter du petit nombre et de la diversité des banques cotées de référence, ces dispositions s'imposaient à la commission dans l'élaboration de sa méthode statistique ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que le choix des ratios financiers, et la constitution des groupes auxquels la commission a procédé n'aient pas permis de tenir compte des caractéristiques essentielles des banques constituant l'échantillon ; qu'enfin si, aux termes des calculs effectués sur le fondement de la méthode statistique retenue, et en vue de parvenir à une juste indemnisation des actionnaires de chacune des banques, la commission avait le pouvoir et, le cas échéant à l'obligation de vérifier qu'il n'existait pas, pour telle ou telle banque non cotées, de spécificités telles qu'une correction de la valeur d'échange ainsi obtenue eût été nécessaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que tel ait été le cas de la Banque de l'Union Européenne, dont les spécificités alléguées, et notamment le fait qu'elle est structurellement emprunteuse sur le marché monétaire, ne justifiaient pas que soient appliquées des corrections aux résultats obtenus par la méthode décrite ci-dessus ; qu'en conséquence la commission a pu, sans méconnaître les dispositions de la loi du 11 février 1982, ni la chose jugée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du même jour, ni encore l'exigence d'une juste indemnisation des actionnaires, appliquer sans correction à la Banque de l'Union Européenne la méthode statistique qu'elle avait retenue et estimer ainsi que la valeur de négociation des actions de cette banque s'établissait à 343 308 884 F au 31 décembre 1981 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Banco Ambrosiano, qui ne conteste pas les modalités d'actualisation de la valeur des titres de la Banque de l'Union Européenne en fonction des événements survenus au cours du premier semestre de l'année 1982 que la commission a retenues, n'est pas fondée à soutenir que la commission a fait une insuffisante évaluation de la valeur d'échange de l'action de la Banque de l'Union Européenne au 30 juin 1982 en la fixant à 158,39 F ;

Article 1er : La requête de la société Banco Ambrosiano est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Banco Ambrosiano et au ministre de l'économie, des finances et du budget.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

43-005 NATIONALISATIONS ET ENTREPRISES NATIONALES. - NATIONALISATIONS


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 16 avr. 1986, n° 45270
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Azibert
Rapporteur public ?: Boyon

Origine de la décision
Formation : 1 /10 ssr
Date de la décision : 16/04/1986
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 45270
Numéro NOR : CETATEXT000007701459 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1986-04-16;45270 ?
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