La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/1986 | FRANCE | N°43402

France | France, Conseil d'État, 7 / 8 ssr, 21 avril 1986, 43402


Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 juin 1982, et le mémoire complémentaire, enregistré le 20 septembre 1982, présentés pour M. Y...
X... demeurant à Paris, 16ème arrrondissement, ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- annule le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 27 mai 1982 en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'imposition à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquels il a été assujetti au titre, respectivement, des années 1971 à 1973 e

t 1973 sous les articles 50 370, 50 372, 50 373 et 52 170 des rôles de la v...

Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 juin 1982, et le mémoire complémentaire, enregistré le 20 septembre 1982, présentés pour M. Y...
X... demeurant à Paris, 16ème arrrondissement, ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- annule le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 27 mai 1982 en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'imposition à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquels il a été assujetti au titre, respectivement, des années 1971 à 1973 et 1973 sous les articles 50 370, 50 372, 50 373 et 52 170 des rôles de la ville de Paris mis en recouvrement le 31 décembre 1978,
2° lui accorde la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code civil et la loi n° 70-459 du 4 juin 1970 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu l'article 93-II de la loi du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Toutée, Maître des requêtes,
- les observations de Me de Grandmaison, avocat de M. Y...
X...,
- les conclusions de Mme Latournerie, Commissaire du gouvernement ;
Sur le principe de l'imposition en France de M. Z...
X... au titre des années 1971, 1972 et 1973 :

Considérant qu'aux termes de l'article 164 2 du code général des impôts applicable en 1971, 1972 et 1973 "En ce qui concerne les contribuables, de nationalité française ou étrangère, n'ayant pas leur domicile réel en France mais y possédant une ou plusieurs résidences, le revenu imposable est fixé à une somme égale à cinq fois la valeur locative de la ou des résidences qu'ils possèdent en France, à moins que les revenus de source française des intéressés n'atteignent un chiffre plus élevé, auquel cas ce dernier chiffre sert de base à l'impôt" ;
Considérant qu'il est constant que M. Z...
X..., qui était de nationalité cambodgienne au cours des années en litige, n'avait alors pas de domicile réel en France, mais y possédait une résidence ; que, par suite, les dispositions précitées du code général des impôts lui étaient applicables et qu'il était tenu de produire la déclaration de ses revenus en vertu de l'article 170 du même code ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne les années 1971 et 1972 :
Considérant que M. X... fait valoir qu'il n'était pas en situation d'être taxé d'office pour défaut de déclaration au titre des années 1972 et 1973, en application de l'article 179 du code général des impôts, dès lors que son épouse avait souscrit des déclarations de revenus au titre de ces deux années ;
Considérant qu'aux termes des dispositions, alors en vigueur, de l'article 6 du code général des impôts : "1- Chaque chef de famille est imposable à 'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de sa femme..." ; et qu'aux termes de l'article 170 du même code : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices et de ses charges de famille" ; que les dispositions de l'article 213 du code civil, qui prévoyaient que "le mari est le chef de la famille" ont été remplacées, en vertu de la loi n° 70-459 du 4 juin 1970, par des dispositions aux termes desquelles "les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille" ; qu'en l'état des textes résultant de cette modification, la déclaration souscrite par l'un ou l'autre des époux faisait obstacle à ce que l'administration pût procéder à une taxation d'office pour défaut de déclaration, sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, de l'article 179 du code ; que, dès lors, M. X..., dont l'épouse avait souscrit la déclaration prévue à l'article 170 du code au titre de chacune des années 1971 et 1972, n'était pas en situation d'être taxé d'office et est, par suite fondé à se prévaloir, pour demander la décharge des impositions qui lui ont été assignées au titre de ces deux années, de l'irrégularité non contestée de la procédure contradictoire suivie par l'adminitration ;
Sur le bien-fondé de l'imposition établie au titre de l'année 1971 :
En ce qui concerne les droits en principal :

Considérant que l'administration avait, en application de l'article 176 du code général des impôts, demandé à M. X..., qui n'avait pas déposé de déclaration de revenus au titre de l'année 1971, de justifier de l'origine des sommes qui figuraient sur ses comptes bancaires et lui avaient été versées par quatre sociétés ayant leur siège social en France ; qu'elle a regardé les explications fournies par l'intéressé comme insuffisantes ; qu'estimant que ces sommes, qui dépassaient cinq fois la valeur locative de la résidence en France de M. X..., avaient, en fait, la nature de commissions payées en rémunération de travaux et démarches personnellement réalisés par lui, elle les a assujetties à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
Considérant que, M. X... établit que ces sommes n'ont pas rémunéré une activité d'intermédiaire exercée en France, mais ont été versées sur ses comptes personnels d'étranger non résidant, pour le compte des sociétés "X... YOUHAK" et "LAO de Construction", dont il était dirigeant et actionnaire, en règlement de travaux effectués par elles, au Cambodge et au Laos ; que, par suite, ces sommes ne pouvaient être regardées comme des revenus de source française, au sens de l'article 164,2 du code général des impôts ; qu'ainsi le requérant apporte la preuve que lesdites sommes ne devaient pas être comprises dans ses bases d'imposition et que, celles-ci doivent être ramenées à une somme égale à cinq fois la valeur locative de sa résidence en France ;
En ce qui concerne les pénalités :

Considérant que le moyen tiré de ce que les pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts ne seraient pas applicables au contribuable qui n'a pas souscrit de déclaration concerne le champ d'application de la loi et est, par suite, d'ordre public ; que, dès lors, le ministre de l'économie, des finances et du budget n'est pas fondé à soutenir que M. X... n'est pas recevable à soulever pour la première fois ce moyen devant le Conseil d'Etat ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : "Lorsqu'une personne physique ou morale... tenue de souscrire ou de présenter une déclaration comportant l'indication de bases ou éléments à retenir pour l'assiette... de l'un des impôts... établis... par la direction générale des impôts déclare ou fait apparaître une base ou des éléments d'imposition insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits éludés est majoré soit de l'indemnité de retard prévue à l'article 1727 s'il s'agit des versements, impôts ou taxes énumérés audit article, soit d'un intérêt de retard calculé dans les conditions fixées à l'article 1734..." ; qu'aux termes de l'article 1729 du même code, dans sa rédaction applicable en 1971 : "1. lorsque la bonne foi du redevable ne peut être admise, les droits correspondant aux infractions définies à l'article 1728 sont majorés de : ... -50 % si le montant des droits est supérieur à la moitié des droits réellements dus ; ... -3. Les majorations prévues au présent article sont applicables aux droits correspondant aux insuffisances, inexactitudes ou omissions afférentes aux déclarations mêmes souscrites tardivement" ; qu'enfin, aux termes de l'article 1733 du code : "1. En cas de taxation d'office à défaut de déclaration dans les délais prescrits, les droits mis à la charge du contribuable sont majorés du montant de l'intérêt de retard prévu à l'article 1728, sans que ce montant puisse être inférieur à 10 % des droits dus pour chaque période d'imposition" ; qu'il résulte de ces dispositions que seuls sont passibles des majorations au taux de 50 % prévu à l'article 1729, les redevables qui ont sciemment déclaré ou fait apparaître une base ou des éléments d'imposition inexacts, incomplets ou insuffisants ; que ceux qui se sont seulement abstenus de souscrire une déclaration n'encourent que les intérêts de retard prévus à l'article 1733 ;

Considérant qu'il est constant que M. X... n'a souscrit aucune déclaration en 1971 ; qu'il est, dès lors, fondé à demander la décharge des majorations mises à sa charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ; qu'il y a lieu de substituer à ces majorations les intérêts de retard dans la limite des pénalités primitivement assignées au contribuable ;
Article 1er : M. X... est déchargé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1972 et 1973, de la majoration exceptionnelle à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1973 et des pénalitéscorrespondantes.

Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu assigné à M. X... au titre de l'année 1971 sont réduites de la différence entre les bases sur lesquelles il a été imposé et les bases correspondant àcinq fois la valeur locative de sa résidence en France en 1971, située ....

Article 3 : Dans la limite du montant des pénalités primitivement assignées à M. X..., les cotisations à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1971 seront assorties d'intérêts de retard calculés selon les dispositions des articles 1733 et 1734 du code général des impôts.

Article 4 : M. X... est déchargé de la différence entre les impositions et pénalités auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1971 et celles résultant des articles 2 et 3 ci-dessus.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 mai 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'économie, des finances et du budget.


Synthèse
Formation : 7 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 43402
Date de la décision : 21/04/1986
Sens de l'arrêt : Réformation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES - PENALITES - MAJORATIONS [1] - RJ1 Absence de bonne foi - Absence de déclaration - Inapplicabilité [1] - Moyen d'ordre public - [2] - RJ1 Majorations pour mauvaise foi et manoeuvres frauduleuses - Inapplicabilité en l'absence de déclaration [1] - Moyen d'ordre public.

19-01-04[1], 19-01-04[2], 19-02-01-02-02 Le moyen tiré de ce que les pénalités prévues à l'article 1729 du C.G.I. ne sont pas applicables à un contribuable qui n'a pas souscrit de déclaration [1] est d'ordre public.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - QUESTIONS COMMUNES - POUVOIRS DU JUGE FISCAL - MOYENS D'ORDRE PUBLIC - Existence - Champ d'application de la loi - Inapplicabilité des pénalités de l'article 1729 en l'absence de déclaration.

19-04-01-02-01, 19-04-01-02-05-02-01 Imposition au titre des années 1971 et 1972. Aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article 6 du C.G.I. : "Chaque chef de famille est imposable à l'impôt sur le revenu tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de sa femme". Les dispositions de l'article 213 du code civil, qui prévoyaient que "le mari est le chef de famille" ayant été remplacées, en vertu de la loi n° 70-459 du 4 juin 1970, par des dispositions aux termes desquelles "les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille", la déclaration souscrite par l'un ou l'autre des époux faisait obstacle à ce que l'administration pût procéder à une taxation d'office pour défaut de déclaration.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - PERSONNES PHYSIQUES IMPOSABLES - Contribuable marié - Personne tenue de faire la déclaration - Notion de chef de famille [régime de la loi du 4 juin 1970].

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT OU INSUFFISANCE DE DECLARATION - Contribuable marié - Effet d'une déclaration faite par le conjoint [régime de la loi du 4 juin 1970].


Références :

CGI 164 2, 170, 6 1, 179, 176, 1729, 1728, 1729 1, 1733 1
Code civil 213
Loi 70-459 du 04 juin 1970

1.

Cf. 1985-10-28, 38165


Publications
Proposition de citation : CE, 21 avr. 1986, n° 43402
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. M. Bernard
Rapporteur ?: M. Toutée
Rapporteur public ?: Mme Latournerie

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:43402.19860421
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award