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23/04/1986 | FRANCE | N°23372

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 23 avril 1986, 23372


Vu la décision en date du 28 mai 1982 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a ordonné une expertise en vue de déterminer le nombre de traversées qu'aurait du effectuer le transbordeur "Chantilly" de l'armement naval SNCF-Sealink pendant son immobilisation due à un accident survenu le 31 mai 1976 et le préjudice résultant de leur annulation sans solution de remplacement compte tenu des coefficients de remplissage escomptés en cette période de l'année ;
Vu les conlusions incidentes, enregistrées le 10 juin 1985, présentées pour l'ARMEMENT NAVAL SNCF-SEALINK tend

ant à ce que le Conseil d'Etat homologue le rapport de l'expert...

Vu la décision en date du 28 mai 1982 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a ordonné une expertise en vue de déterminer le nombre de traversées qu'aurait du effectuer le transbordeur "Chantilly" de l'armement naval SNCF-Sealink pendant son immobilisation due à un accident survenu le 31 mai 1976 et le préjudice résultant de leur annulation sans solution de remplacement compte tenu des coefficients de remplissage escomptés en cette période de l'année ;
Vu les conlusions incidentes, enregistrées le 10 juin 1985, présentées pour l'ARMEMENT NAVAL SNCF-SEALINK tendant à ce que le Conseil d'Etat homologue le rapport de l'expert et condamne l'Etat à lui verser la somme de 1 260 296 F avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 1977 et les intérêts de ces intérêts, qu'à supporter les frais d'expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Jacques Durand, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Le Prado, avocat de l'ARMEMENT NAVAL SNCF-SEALINK,
- les conclusions de M. Dominique Latournerie, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par décision en date du 28 mai 1982, le Conseil d'Etat statuant au Contentieux : d'une part a confirmé le jugement du 7 janvier 1980 par lequel le tribunal administratif de Lille en déclarant l'Etat responsable de l'accident survenu au transbordeur "Chantilly" le 31 mai 1976 à l'entrée du port de Calais, l'a condamné à réparer l'intégralité du dommage subi de ce fait par l'ARMEMENT NAVAL SNCF-SEALINK et accordé à celui-ci au titre des frais de réparation du navire et des dépenses engagées pour son remplacement pendant la période d'immobilisation des sommes s'élevant, dans le montant global de l'indemnité qu'il allouait, respectivement à 266 686 F et 353 345 F pour ces deux chefs de préjudice ; d'autre part, en ce qui concerne un troisième chef de préjudice résultant selon le transporteur des pertes supplémentaires d'exploitation causées par la nécessité d'annuler, sans solution possible de remplacement, un certain nombre de traversées qu'aurait effectuées le "Chantilly" pendant son immobilisation, a ordonné avant-dire-droit une expertise en vue de déterminer le nombre de ces traversées et le préjudice résultant de leur annulation compte tenu des coefficients de remplissage escomptés en cette période de l'année ;
Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise déposé le 2 mars 1985 que le nombre de 25 voyages annulés en raison de l'immobilisation du "Chantilly", sans qu'il fût possible d'y parer par une solution de remplacement, doit être regardé comme justifié ; que, suivant le coefficient de remplissage retenu par comparaison avec l'année précédente et concernant tant les passagers et les voiturs particulières que les véhicules commerciaux, la perte subie du fait de l'annulation de ces 25 voyages est estimée à 739 875 F, soit, après déduction de l'économie des dépenses correspondante s'élevant à 99 610 F, une perte nette indemnisable de 640 265 F, que ces évaluations, qui n'ont pas fait l'objet d'observations du ministre des transports, ni devant l'expert qui les lui avait communiquées avant le dépôt de son rapport, ni devant le Conseil d'Etat, sont assorties de justifications suffisantes pour être admises ;

Considérant, toutefois, que si, à la suite du dépôt du rapport d'expertise, l'armement naval S.N.C.F.-SEALINK a demandé, par la voie du recours incident, que la somme ci-dessus de 640 265 F lui soit versée dans son intégralité, le montant de l'indemnisation globale auquel il peut prétendre en réparation du préjudice que lui a causé l'accident du "Chantilly" ne saurait excéder le montant de l'indemnisation qu'il a sollicitée à ce titre dans sa demande de première instance lequel s'élevait à 1 444 806 F ; qu'il s'ensuit que, compte tenu des sommes susrappelées précédemment allouées en vertu de la décision du Conseil d'Etat du 28 mai 1982, d'un montant total de 620 031 F, ces conclusions incidentes ne peuvent être accueillies que dans la limite de 524 775 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que l'ARMEMENT NAVAL SNCF-SEALINK a droit aux intérêts de la somme de 524 775 F à compter de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Lille ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 10 juin 1985 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1954 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : L'indemnité due par l'Etat à l'ARMEMENT NAVAL SNCF-SEALINK en réparation du chef de préjudice sur lequel a porté l'expertise ordonnée par le Conseil d'Etat dans sa décision du 28 mai 1982 est portée à 524 775 F. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 16 février 1977. Les intérêts échus le 10 juin 1985 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Lille en date du 7 janvier 1980 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre des transports et le surplus des conclusions incidentes de l'ARMEMENTNAVAL SNCF-SEALINK sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ARMEMENT NAVAL SNCF-SEALINK et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.


Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - CONCLUSIONS - Conclusions aux fins de majoration des indemnités déjà allouées présentées devant le Conseil d'Etat - par la voie du recours incident - après remise d'un rapport d'expertise révélant toute l'étendue du préjudice subi - Limites de la réparation - Montant de l'indemnisation sollicitée dans la demande de première instance [1].

54-07-01-03, 60-04-03 Conseil d'Etat ayant, par un premier jugement, d'une part, confirmé un jugement de tribunal administratif en tant qu'il déclarait l'Etat responsable de l'accident survenu au transbordeur "Chantilly" le 31 mai 1976 à l'entrée du port de Calais, condamné l'Etat à réparer la totalité du préjudice subi par le propriétaire et accordé à celui-ci des indemnités au titre des frais de réparation du navire et des dépenses engagées pour son remplacement pendant la période d'immobilisation et, d'autre part, en ce qui concerne un troisième chef de préjudice, résultant selon le transporteur des pertes supplémentaires d'exploitation causées par la nécessité d'annuler un certain nombre de traversées, ordonné avant dire-droit une expertise en vue de déterminer le nombre de ces traversées et le préjudice résultant de leur annulation. Si, à la suite du dépôt du rapport d'expertise, le transporteur a demandé, par la voie du recours incident, que la somme résultant de l'évaluation de l'expert pour ce troisième chef de préjudice lui soit versée dans son intégralité, le montant de l'indemnisation auquel il peut prétendre en réparation du préjudice que lui a causé l'accident du Chantilly ne saurait excéder le montant de l'indemnisation qu'il a sollicité à ce titre dans sa demande de première instance. Il s'ensuit que, compte tenu des sommes précédemment allouées en vertu de la première décision du Conseil d'Etat, ces conclusions incidentes ne peuvent être accueillies que partiellement, alors même que l'évaluation faite par l'expert du troisième chef de préjudice est admise.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - Pouvoirs et devoirs du juge - Recevabilité de conclusions en appel - Cas où une expertise ordonnée en appel révèle l'existence d'un préjudice d'un montant supérieur [1].


Références :

1.

Rappr. Section, 1968-11-08, Entreprise Poroli et dame Marin, p. 561 ;

Section, 1984-11-19, Boehrer, p. 433


Publications
Proposition de citation: CE, 23 avr. 1986, n° 23372
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Gazier
Rapporteur ?: M. Durand
Rapporteur public ?: M. Latournerie

Origine de la décision
Formation : 3 / 5 ssr
Date de la décision : 23/04/1986
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 23372
Numéro NOR : CETATEXT000007688770 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1986-04-23;23372 ?
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