La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/1986 | FRANCE | N°48466

France | France, Conseil d'État, 8 / 7 ssr, 23 juin 1986, 48466


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 février 1983 et 3 juin 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Y..., demeurant ... à Rouen 76000 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule un jugement en date du 3 décembre 1982 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en réduction des suppléments d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle de cet impôt auxquels il a été assujetti au titre des années 1971, 1972, 1973 et 1974 dans les rôles de la commune de Rouen ;
2° l

ui accorde la réduction de l'imposition contestée,
Vu les autres pièces d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 février 1983 et 3 juin 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Y..., demeurant ... à Rouen 76000 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule un jugement en date du 3 décembre 1982 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en réduction des suppléments d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle de cet impôt auxquels il a été assujetti au titre des années 1971, 1972, 1973 et 1974 dans les rôles de la commune de Rouen ;
2° lui accorde la réduction de l'imposition contestée,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu la loi du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984, notamment son article 93-II ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Quandalle, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Piwnica, Molinié, avocat de M. Pierre X...
Y...,
- les conclusions de M. de Guillenchmidt, Commissaire du gouvernement ;

Sur la charge de la preuve :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1971, 1972, 1973 et 1974 et de majoration exceptionnelle de cet impôt au titre de l'année 1973, que l'administration a assignés à M. Y... procèdent notamment du redressement des revenus de capitaux mobiliers et des revenus fonciers qu'il avait déclarés ; qu'il a contesté les redressements que l'administration lui a notifiés alors que le délai de trente jours prévu à l'article 1649 quinquies A du code général des impôts alors en vigueur était expiré ; qu'il lui appartient, dès lors, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
Sur les revenus de capitaux mobiliers :
Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : "1- Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices" ; que, selon l'article 110 : "Pour l'application de l'article 109-I-1° les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés" ;
Considérant, d'une part, que pour contester la réintégration dans son revenu imposable, au titre des années 1971, 1972, 1973 et 1974, de sommes qui lui ont été versées par la société anonyme
Y...
à titre d'allocations forfaitaires pour frais d'emploi et qui ont été regardées par l'administration comme des revenus distribués, M. Y... soutient que ces allocations lui ont été versées par cette société, dont il est le fondateur et le principal associé,en contrepartie des services qu'il a continué à lui rendre après avoir cessé en 1970 d'en être le président-directeur général et qu'elles entraient, par suite, dans les frais généraux de la société et avaient à tort été réintégrées par l'administration dans ses bénéfices ; qu'à l'appui de ces prétentions, M. Y... n'a produit aucun acte écrit définissant les missions qu'il affirme avoir reçues de la société pendant les années susmentionnées ; que les attestations qu'il a versées au dossier n'établissent pas de façon suffisamment précise la nature et l'importance des services qu'il aurait continué à rendre à la société pendant ces années ; que, dès lors, M. Y..., qui, ainsi qu'il a été dit, a la charge de la preuve, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les sommes qui lui ont été versées à titre d'allocations forfaitaires pour frais d'emploi ont été réintégrées dans les bénéfices imposables de la société et regardées en conséquence, faute d'avoir été mises en réserve ou incorporées au capital, comme des revenus distribués au sens des dispositions combinées des articles 109-1° et 110 précités ;

Considérant, d'autre part, qu'en admettant que les versements effectués à M. Y... par la société à responsabilité limitée "Teinturerie de Picardie", dont il est l'un des associés, n'aient pas été prélevés sur les bénéfices, ils constituent des revenus distribués en application du 2° de l'article 109 ;
Sur les revenus fonciers :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans ses déclarations, M. Y... a fait mention du revenu de deux maisons, l'une et l'autre sises à Mont Saint-Aignan Seine-Maritime et respectivement occupées par deux de ses fils ; que le montant des revenus ainsi déclarés correspond aux sommes que ses fils lui avaient versées, soit 2 500 F par an pour l'un, 1 800 F en 1971 et en 1972, 2 500 F en 1973 et en 1974 pour l'autre ; que l'administration a rehaussé les montants susindiqués en prenant en compte la valeur locative de ces immeubles, telle qu'elle résultait des estimations retenues lors de la révision des évaluations cadastrales opérée en 1970, et augmentée de 10 % par année ultérieurement écoulée ; que les revenus correspondants ont été portés en conséquence, au titre de chacune des années d'imposition, aux sommes respectivement de 10 800 F, 11 900 F, 13 000 F et 14 300 F pour la maison qu'occupe M. Pierre Y..., et 15 500 F, 17 000 F, 18 700 F et 20 500 F pour celle qu'occupe M. Jean Y... ;
En ce qui concerne le principe du redressement :
Considérant que si, aux termes du II de l'article 156 du code général des impôts, "les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance, ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu", il résulte de l'instruction que les deux maisons dont il s'agit avaient fait l'objet de baux entre le requérant et chacun de ses fils ; que ces actes sont opposables à M. Y... père, qui, par suite, ne peut utilement prétendre qu'ils étaient fictifs en raison des circonstances particulières de leur passation et de la modicité des loyers qui y étaient stipulés ; que si le bail conclu avec M. Jean Y... est venu à son terme en 1972, ce dernier, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, est demeuré dans les lieux au moins jusqu'à la fin de 1974 et n'a cessé jusqu'alors de verser le loyer convenu ; qu'ainsi M. Y... père n'est fondé ni à soutenir qu'il avait la jouissance des deux maisons durant les quatre années en litige, ou de l'une d'elles seulement à partir de 1972, ni à prétendre que leur revenu n'était pas imposable et ne pouvait, par suite, faire l'objet d'aucun redressement ;
En ce qui concerne le montant du redressement :

Considérant que, lorsque comme en l'espèce, en l'absence de toute circonstance indépendante de la volonté du propriétaire, le loyer d'un immeuble est notablement inférieur à sa valeur locative réelle, l'administration est en droit de retenir cette dernière pour le calcul du revenu foncier imposé en vue de tenir compte de la somme dont le contribuable a disposé en renonçant à la percevoir ;
Considérant que M. Y... n'établit pas qu'en estimant que la valeur locative réelle de son appartement était, en 1970, égale à la valeur locative cadastrale, l'administration en ait fait une appréciation exagérée ; qu'en revanche il critique à juste titre la méthode de revalorisation sur la base de taux annuel de 10 %, qui a été utilisée par l'administration pour calculer, à partir de la valeur locative de 1970, celle des années d'imposition 1971 à 1974 ; qu'il est fondé à soutenir que ses bases d'imposition seraient déterminées avec une précision meilleure en se référant aux variations annuelles de l'indice du coût de la construction, qui ont été de 5 % en 1971, 5,62 % en 1972, 7,37 % en 1973 et 11,06 % en 1974 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sauf en ce qui concerne l'indice de revalorisation utilisé pour calculer la valeur locative de ses deux appartements, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en réduction des impositions contestées ;
Article 1er : Pour le calcul des revenus fonciers à raisondesquels M. Y... est assujetti à l'impôt sur le revenu au titre de chacune des années 1971 à 1974 dans les rôles de la commune de Rouen, le loyer des maisons sises à Mont Saint-Aignan et louées aux fils de M. Y... est déterminé en augmentant la valeur locative cadastrale de ces maisons pour l'année précédente de 5 % en 1971, 5,62 % en 1972, 7,37 % en 1973 et 11,06 % en 1974.

Article 2 : M. Y... est déchargé de la différence entre les compléments d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle du même impôt auxquels il a été assujetti et ceux qui résultent de l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen, en date du 3 décembre 1982, est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 8 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 48466
Date de la décision : 23/06/1986
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-02-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS FONCIERS ET PLUS-VALUES ASSIMILABLES - REVENUS FONCIERS -Redressements - Loyers évalués par rapport à la valeur locative réelle du local - Méthode d'évaluation.

19-04-02-02-01 Lorsque, en l'absence de circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire, le loyer d'un immeuble est notablement inférieur à sa valeur locative réelle, l'administration est en droit de retenir cette dernière pour le calcul du revenu foncier imposé en vue de tenir compte de la somme dont le contribuable a disposé en renonçant à la percevoir. Pour évaluer la valeur locative réelle, l'administration a pu retenir la valeur locative cadastrale en 1970 corrigée, pour les années suivantes, par l'application d'un indice de revalorisation. En revanche, en retenant pour cet indice un taux forfaitaire annuel de 10 %, elle a déterminé la valeur locative réelle avec une moindre précision que si elle s'était référée aux variations annuelles de l'indice du coût de la construction. Réduction des bases d'impositions.


Références :

CGI 1649 quinquiès A, 109 1 1, 110, 109 1 2, 156 II


Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 1986, n° 48466
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. M. Bernard
Rapporteur ?: M. Quandalle
Rapporteur public ?: M. de Guillenchmidt

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:48466.19860623
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award