Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 septembre 1984 et 13 décembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE, dont le siège est ... à Neuilly-sur-Marne 93330 , représenté par son directeur en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1 annule le jugement du 9 juillet 1984, par lequel le tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser la somme de 20 000 F à Mme Y... et celle de 10 000 F à chacun de ses enfants, en réparation du préjudice moral résultant pour eux du décès de leur fils et frère, Jacques X... ;
2 rejette les demandes présentées devant le tribunal administratif de Paris par Mme Y..., et ses enfants ;
3 subsidiairement réduise les condamnations prononcées à la somme de 5 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pêcheur, Maître des requêtes,
- les observations de Me Célice, avocat du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE et de la S.C.P. Boré, Xavier , avocat de Mme Y... Raymonde et autres,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'examiné par le centre psychiatrique d'orientation et d'accueil de Sainte-Anne dans la nuit du 3 au 4 mai 1979, M. A..., qui se trouvait dans un état dépressif et angoissé et qui n'avait pas alors un comportement violent ou agressif, a été adressé au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE ou, vers trois heures du matin, il a été hospitalisé en service libre ; que pris d'une crise soudaine de démence deux heures plus tard, il a agressé les autres malades présents dans le dortoir, égorgeant M. Jacques X... et trois autres malades et blessant un cinquième malade ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier spécialisé :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que malgré l'alerte qui a été immédiatement donnée par l'infirmière de garde qui a réussi à mettre en sécurité le premier malade auquel M. A... s'était attaqué et qui, sérieusement menacée à son tour a dû se réfugier avec quelques malades dans un bureau voisin, une dizaine de minutes se sont écoulées avant que soient réunis les moyens nécessaires pour maîtriser ce dément, laissé seul avec d'autres malades auxquels il s'est attaqué ; que l'inefficacité prolongée du service à faire face à une situation dangereuse pour les malades placés sous sa garde et qui n'avait pas un caractère imprévisible dans un établissement spécialisé, révèle un défaut dans l'organisation du service, de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE ; que celui-ci n'est, dès lors, pas fondé à soutenir quec'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Paris l'a condamné à réparer le préjudice subi par Mme Raymonde Y... du fait du décès de son fils Jacques X... et par MM. René et Robert X... et par Mme Jacqueline X... du fait du décès de leur frère ;
Sur le préjudice :
Considérant que le tribunal administratif a fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme Raymonde Y... du fait du décès de son fils en l'évaluant à 20 000 francs ; que le préjudice de même nature subi par MM. René X... et Robert X... et par Mme Jacqueline X... du fait du décès de leur frère doit être évalué à 6 000 F pour chacun d'eux ; que le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE est par suite fondé à demander que le montant de l'indemnité qu'il a été condamné à verser à MM. René X... et Robert X... à Mme Jacqueline X... soit ramené pour chacun d'eux de 10 000 à 6 000 F ; que le surplus de ses conclusions ainsi que les conclusions de l'appel incident de Mme Y... et des consorts X... tendant à la majoration du montant des indemnités qui leur ont été allouées doivent être rejetées ;
Article 1er : La somme de 10 000 F que le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE a été condamné, par le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 juillet 1984, à verser respectivement à M. René X..., à M. Robert X... et à MmeJacqueline X..., épouse Z... est ramenée à 6 000 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 juillet 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE est rejeté, ensemble les conclusions du recours incident de Mme Y..., MM. René et Robert X..., et de Mme Jacqueline Z....
Article 4 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE, à Mme Y..., à MM. René et Robert X..., à Mme Jacqueline X..., épouse Z..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et del'emploi, chargé de la santé et de la famille.