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04/07/1986 | FRANCE | N°46773;46809;46724

France | France, Conseil d'État, 6 ss, 04 juillet 1986, 46773, 46809 et 46724


Vu 1° sous le n° 46 773, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 novembre 1982 et 18 janvier 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de MONTCEAU-LES-MINES, représentée par son maire en exercice, dûment habilité, domicilié à l'hôtel de ville de Montceau-les-Mines Saône et Loire , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 25 août 1982 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Potain-Poclain-Matériel la somme de 320 355 F en réparatio

n des conséquences dommageables d'une inondation survenue le 24 octobre 1977...

Vu 1° sous le n° 46 773, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 novembre 1982 et 18 janvier 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de MONTCEAU-LES-MINES, représentée par son maire en exercice, dûment habilité, domicilié à l'hôtel de ville de Montceau-les-Mines Saône et Loire , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 25 août 1982 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Potain-Poclain-Matériel la somme de 320 355 F en réparation des conséquences dommageables d'une inondation survenue le 24 octobre 1977 et a rejeté son action en garantie ;
- la décharge de toute condamnation ;
- subsidiairement réduise le montant des indemnités allouées à la société Potain-Poclain-Matériel,
Vu 2° sous le numéro 46 724, le recours enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 novembre 1982 présenté par le ministre de l'urbanisme, du logement et des transports et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 25 août 1982 par lequel le tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser à la société Potain-Poclain-Matériel, la somme de 608 674,50 F en réparation des dommages subis à la suite d'une inondation ;
- accueille son appel en garantie contre la ville de MONTCEAU-LES-MINES ;
- la décharge de sa condamnation,
Vu, 3° sous le numéro 46 809, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 17 novembre 1982 et 17 mars 1983 présentés pour la chambre de commerce et d'industrie de Chalon-sur-Saône dont le siège est ... à Chalon-sur-Saône représentée par son président en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 25 août 1982 par lequel le tribunal administratif de Dijon l'a condamnée solidairement avec l'Etat, la ville de MONTCEAU-LES-MINES et la communauté urbaine du Creusot-Montceau-les-Mines à réparer les conséquences de l'inondation survenue le 24 octobre 1977 dans l'usine Poclain-Potain-Matériel ;
- accueille son appel en garantie contre l'Etat,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Denis-Linton, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde , avocat de la Commune de MONTCEAU-LES-MINES, de Me Célice, avocat de la société Potain Poclain Matériel, de Me Delvolvé avocat de la chambre de commerce et d'industrie de Chalon-sur-Saône, Authun et Louhans et de la SCP Boré, Xavier, avocat de la communauté urbaine du Creusot-Montceau-les-Mines,
- les conclusions de M. Guillaume, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du ministre de l'urbanisme, du logement et des transpors, la requête de la chambre de commerce et d'industrie de Chalon-sur-Saône et celle de la Commune de Montceau-les-Mines sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert commis par les premiers juges que le tribunal administratif de Dijon a jugé à bon droit que l'inondation survenue le 25 octobre 1977 à la suite d'un orage dans l'usine Poclain-Potain-Matériel implantée dans la zone industrielle de la Saule sur la commune de Saint-Vallier est imputable pour 85 % à la canalisation ovoïde d'un diamètre insuffisant pour recueillir les eaux du rû du Vernois ; que la proximité de la construction en cours d'une rocade par la communauté urbaine du Creusot Montceau-les-Mines avec l'assistance technique de l'Etat a aggravé les conséquences de l'inondation dans une proportion de 15 % ; que les précipitations tombées le 24 octobre 1977 n'ont pas revêtu le caractère d'un événement de force majeure ; que le défaut de curage allégué de la canalisation n'a pas eu d'influence sur le niveau de l'inondation et ne saurait ainsi et en tout état de cause être invoqué ; que la circonstance que le délai de la garantie décennale était expiré ne saurait être opposée à la victime des dommages ; qu'enfin aucune faute ne peut être reprochée à la société Poclain-Potain-Matériel dans l'implantation de son usine ;

Considérant que le partage par moitié entre l'Etat et la communauté urbaine de la fraction des 15 % opéré par le tribunal administratif n'est pas contesté devant le Conseil d'Etat ;
Considérant qu'en ce qui concerne les 85 % restants, le tribunal administratif a condamné la ville de Montceau-les-Mines en qualité de maître de l'ouvrage à en supporter 25 %, la chambre de commerce et d'industrie de Chalon-sur-Saône qui a réalisé les travaux 20 % et enfin l'Etat chargé des études techniques 40 % ;
Considérant que, si la couverture du rû du Vernois a été réalisée à la demande et pour le compte de la ville de Montceau-les-Mines, il est constant qu'à la suite de la création par le décret du 13 janvier 1970 de la communauté urbaine du Creusot Montceau-les-Mines, les équipements de la zone industrielle de la Saule au nombre desquels figure l'ouvrage de canalisations en cause ont été transférés de plein droit à cette dernière ; que la ville de Montceau-les-Mines ayant perdu, à la date du sinistre, la qualité de maître de l'ouvrage, est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a mis à sa charge 25 % de 85 % du montant des réparations et à demander à être mise hors de cause ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le tribunal administratif de Dijon a, dans les circonstances de l'espèce, fait une juste appréciation du préjudice subi par la société Poclain-Potain-Matériel en l'estimant à la somme de 1 281 420 F ; que cette somme n'était pas susceptible d'être augmentée du montant des travaux de réfection des calques et dessins, la réalité de ce dommage n'étant pas établie, ni réduite des frais résultant de l'arrêt du fonctionnement de l'usine et de la relance de son activité lesquels n'ont pas été surestimés ou des majorations qui ont été appliquées par les caisses de sécurité sociale à la société en raison du retard apporté pour chaque versement de ses cotisations ; que, par suite, ni la chambre de commerce et d'industrie de Chalon-sur-Saône par voie de l'appel principal ni la société Poclain-Potain-Matériel par la voie de son appel incident ne sont fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a fixé à 1 281 420 F avec intérêts de droit à compter du jour de la demande le montant du préjudice subi par la société Poclain-Potain-Matériel ;
Sur les conclusions d'appel en garantie de la chambre de commerce et d'industrie de Chalon-sur-Saône contre l'Etat :

Considérant que par convention en date du 16 juillet 1965, la commune de MONTCEAU-LES-MINES a confié à la chambre de commerce et d'industrie de Chalon-sur-Saône la direction et la responsabilité des travaux de couverture du rû de Vernois ; que cette dernière qui avait la qualité de maître d'ouvrage délégué a obtenu le concours technique du service des Ponts-et-Chaussées le 10 décembre 1968 ; que la mission de la chambre de commerce s'est achevée après la réception définitive prononcée le 24 janvier 1968 ; qu'à compter de cette date, seul le propriétaire de l'ouvrage avait qualité pour invoquer la garantie décennale qui pèse sur les constructeurs en application des principes dont s'inspirent les articles 1752 et 2270 du code civil ; que, dès lors et l'action contractuelle ne pouvant plus être mise en jeu par la chambre de commerce à l'égard des constructeurs après le 24 janvier 1968, les conclusions en garantie de la chambre de commerce et d'industrie de Chalon-sur-Saône présentées le 4 août 1980 ne sauraient être accueillies ;
Sur les conclusions d'appel en garantie de l'Etat contre le maître d'ouvrage :
Considérant que le ministre de l'équipement a, dans son mémoire en réplique présenté devant le tribunal administratif de Dijon, formé des conclusions tendant à appeler en garantie le maître d'ouvrage ; que le jugement attaqué a omis de répondre à ces conclusions ; qu'il doit pour ce motif être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions présentées par l'Etat devant le tribunal administratif de Dijon ;

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la réception définitive sans réserve a été prononcée le 24 janvier 1968 ; que le maître de l'ouvrage n'a pas mis en cause l'Etat dans le délai de la garantie décennale ; qu'il doit donc supporter l'intégralité des condamnations qui ont été prononcées au bénéfice de la société Potain-Poclain-Matériel en raison des dommages imputables à l'ouvrage ; que, par suite, l'Etat est fondé à demander que la communauté urbaine le Creusot-Montceau-les-Mines la garantisse de la part des condamnations que les premiers juges ont mis à sa charge envers la société POCLAIN ;
Sur les conclusions de la société Potain-Poclain-Matériel dirigée contre la communauté urbaine du Creusot-Montceau-les-Mines :
Considérant que la société Potain est recevable et fondée à demander que la communauté urbaine soit condamnée à lui payer la somme de 320 555 F mise, à tort, par le jugement attaqué, à la charge de la ville de MONTCEAU-LES-MINES ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que la part des frais d'expertise à laquelle la ville de MONTCEAU-LES-MINES a été condamnée par le jugement attaqué doit être supportée par la communauté urbaine du Creusot-Montceau-les-Mines ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 25 août 1982 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions en garantie formées par l'Etat contre le maître de l'ouvrage et en tant qu'il a condamné la commune de MONTCEAU-LES-MINES à verser 320 355 F à la société Potain-Poclain-Matériel.

Article 2 : La communauté urbaine le Creusot-Montceau-les-Mines est condamnée à garantir l'Etat des condamnations prononcées contre lui.

Article 3 : La communauté urbaine le Creusot-Montceau-les-Mines est condamnée à verser à la société Potain-Poclain-Matériel la somme de 320 355 F.

Article 4 : La demande présentée par la société Potain-Poclain-Matériel devant le tribunal administratif de Dijon estrejetée en tant qu'elle est dirigée contre la commune de MONTCEAU-LES-MINES.

Article 5 : La requête de la chambre de commerce et d'industrie de Chalon-sur-Saône et le surplus des recours incidents de la sociétéPotain-Poclain-Matériel sont rejetés.

Article 6 : La part de frais d'expertise mise à la charge de la communauté urbaine du Creusot-Montceau-les-Mines est portée à 32,5 %.

Article 7 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 25 août 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à la ville de MONTCEAU-LES-MINES, au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports, à la chambre de commerce et d'industrie de Chalon-sur-Saône, à la communauté urbaine du Creusot-Montceau-les-Mines, à la société anonyme Potain-Poclain-Matériel.


Synthèse
Formation : 6 ss
Numéro d'arrêt : 46773;46809;46724
Date de la décision : 04/07/1986
Sens de l'arrêt : Annulation partielle réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - ACTIONS EN GARANTIE - Action en garantie de l'entrepreneur contre le maître de l'ouvrage - Possibilité d'action en garantie après l'expiration du délai de garantie décennale.

39-06-01-06, 67-02-05-01-01 Dans le cas où la victime d'un dommage dû aux désordres affectant un ouvrage public a attrait le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur, et que le juge partage entre eux la responsabilité, l'entrepreneur non seulement n'a pas à garantir le maître de l'ouvrage après l'expiration du délai de garantie décennale [1], mais peut demander que le maître de l'ouvrage, le délai de garantie décennale étant expiré, prenne à sa charge la part de responsabilité supportée par l'entrepreneur.

- RJ1 TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - PERSONNES RESPONSABLES - COLLECTIVITE PUBLIQUE OU PERSONNE PRIVEE - ACTION EN GARANTIE - Action en garantie de l'entrepreneur contre le maître de l'ouvrage après expiration du délai de garantie décennale.


Références :

Code civil 1752, 2270
Décret du 13 janvier 1970

1.

Cf. Section, 1980-07-04, S. A. Forrer et Cie, p. 307


Publications
Proposition de citation : CE, 04 jui. 1986, n° 46773;46809;46724
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: Mme Denis-Linton
Rapporteur public ?: M. E. Guillaume

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:46773.19860704
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