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11/07/1986 | FRANCE | N°51385

France | France, Conseil d'État, 10/ 1 ssr, 11 juillet 1986, 51385


Vu la requête enregistrée le 16 juin 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le directeur général de l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule la décision en date du 16 mars 1983 par laquelle la commission du contentieux de l'indemnisation de Paris a fait droit à la demande des consorts X... tendant à la réformation des décisions des 6 juin 1980 et 19 août 1981 portant attribution du complément d'indemnisation prévu par la loi du 2 janvier 1978 au titre de la perte des bi

ens dont ils étaient propriétaires en Algérie,
2° rejette la demand...

Vu la requête enregistrée le 16 juin 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le directeur général de l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule la décision en date du 16 mars 1983 par laquelle la commission du contentieux de l'indemnisation de Paris a fait droit à la demande des consorts X... tendant à la réformation des décisions des 6 juin 1980 et 19 août 1981 portant attribution du complément d'indemnisation prévu par la loi du 2 janvier 1978 au titre de la perte des biens dont ils étaient propriétaires en Algérie,
2° rejette la demande présentée par les consorts X... devant la commission du contentieux de l'indemnisation de Paris,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 61-1429 du 26 décembre 1961 ;
Vu la loi n° 69-992 du 6 novembre 1969 ;
Vu la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970, modifiée par la loi n° 74-1114 du 27 décembre 1974 ;
Vu la loi n° 78-1 du 2 janvier 1978 ;
Vu le décret n° 70-720 du 5 août 1970 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lecat, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Van Ruymbeke, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions relatives au nombre d'actions que possédait Mme Lucienne X... dans le capital social de la société anonyme "Gentlemen" :
Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, le droit à indemnisation des associés des sociétés civiles ou commerciales est subordonné à la preuve " que les parts sociales ou actions leur appartiennent à la date de la demande d'indemnisation et ont été acquises avant ces dates prévues à l'article 14" ; que le demandeur doit, aux termes de l'article 3 du décret n° 70-720 du 5 août 1970 "produire les titres ou tout document administratif de nature à établir son droit de propriété" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des certificats nominatifs d'actions que Mme Lucienne X... née Y... était titulaire de 120 parts dans le capital social de la société anonyme "Gentlemen" qui exploitait en Algérie un fonds de commerce de vente au détail de confection de lingerie ; qu'au 5 septembre 1962, date du décès de son père, M. Moïse Y..., lequel était propriétaire de 216 actions, l'intéressée a reçu en sa qualité d'ayant-droit, une quote-part fixée à 63 actions, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté ; que par suite, à la date de sa demande d'indemnisation, Mme Lucienne X... était titulaire de 183 actions dans la société litigieuse comme l'a constaté à bon droit la commission du contentieux de l'indemnisation de Pais par la décision attaquée ; que les conclusions du directeur général de l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer tendant à ce que l'indemnité allouée à Mme Lucienne X... soit calculée sur la base de 96 actions doivent, dès lors être rejetées ;
Sur les conclusions relatives à l'imputation sur le complément d'indemnisation des intérêts consentis aux consorts X... par la Caisse Centrale de Crédit hôtelier, industriel et commercial :

Considérant qu'en vertu de l'article 2 de la loi du 6 novembre 1969 instituant des mesures de protection juridique en faveur des rapatriés et des personnes dépossédés de leurs biens outre-mer, l'exécution des obligations financières contractées auprès des organismes de crédit ayant passé des conventions avec l'Etat par les rapatriés et les personnes dépossédés de leurs biens outre-mer a été suspendue jusqu'à l'entrée en vigueur des mesures d'indemnisation qui devaient faire l'objet d'une loi ultérieure ; qu'aux termes de l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France dans la rédaction que leur a donnée l'article 24-I de la loi de Finances rectificative du 27 décembre 1974 : "...avant tout paiement, l'indemnité revenant au bénéficiaire est affectée... au remboursement des prêts qui lui ont été consentis par l'Etat ou par les organismes ayant passé une convention avec l'Etat en vue de sa réinstallation en France... L'indemnité est affectée, dans l'ordre, au règlement des intérêts échus avant le 6 novembre 1969 et non payés et des annuités d'amortissement du capital emprunté échues à la date de la liquidation et non effectivement remboursées à cette date" ; qu'enfin la loi du 2 janvier 1978 relative à l'indemnisation des Français rapatriés d'outre-mer dépossédés de leurs biens dispose, dans son article 3, que : "Sont, le cas échéant et dans l'ordre suivant, déduits du complément d'indemnisation : -les prêts mentionnés à l'article 45 de la loi du 15 juillet 1970 pour le solde non acquitté à la date de liquidation du complément d'indemnisation ; -les intérêts non payés des prêts mentionnés à l'article 46 de ladite loi échus avant le 6 novembre 1969 et entre les dates de liquidation de la contribution nationale et du complément d'indemnisation..." ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les intérêts des prêts consentis à des rapatriés par les organismes de crédit ayant passé des conventions avec l'Etat, dont le cours a été suspendu à compter du 6 novembre 1969, ne pouvait recommencer à courir à l'encontre de chaque débiteur qu'à compter de la liquidation à son profit, soit de la contribution nationale prévue par la loi du 15 juillet 1970, soit du complément d'indemnisation prévu par la loi du 2 janvier 1978 ; que la solidarité existant entre plusieurs rapatriés au titre d'un même contrat de prêt ne peut avoir pour effet, contrairement à ces dispositions, de faire courir à nouveau les intérêts contre l'ensemble des co-débiteurs à compter de la date de la liquidation à l'un d'entre eux de la contribution nationale ou du complément d'indemnisation ;
Considérant que si, par décisions en date des 25 avril 1980 et 12 juillet 1981, le Conseil d'Etat statuant au Contentieux a jugé que les indemnités dues à MM. Raoul et Gaston X... en vertu de la loi du 15 juillet 1970 pouvaient être affectées en application de l'article 46 de cette loi au remboursement de la totalité des sommes dont ils étaient tenus solidairement avec leur frère M. Sylvain X..., au titre des intérêts dus avant le 6 novembre 1969 et non payés et de l'amortissement du capital emprunté, ces décisions n'ont pas l'autorité de la chose jugée dans le présent litige, qui porte sur l'imputation, en vertu de l'article 2 de la loi du 3 janvier 1978, des intérêts échus après le 6 novembre 1969 sur le complément d'indemnisation prévu par cette loi ; que c'est par une exacte application des dispositions précitées que la commission du Contentieux de l'Indemnisation de Paris a jugé que, pour l'application de cet article, MM. Gaston et Sylvain X... et Mme Lucienne X... ne sont tenus que des intérêts échus soit avant le 6 janvier 1969, soit depuis la date de la notification qui leur a été faite à chacun personnellement de l'indemnité liquidée à leur profit en vertu de la loi du 15 juillet 1970 ou de la loi du 3 janvier 1978 ; que le directeur général de l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer n'est pas fondé à soutenir que les intérêts sont dus par l'ensemble des intéréssés à compter du 8 mars 1976, date à laquelle a été liquidée l'indemnité allouée à M. Raoul X..., en application de la loi du 15 juillet 1970 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le directeur général de l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, la commission du contentieux de l'indemnisation de Paris a réformé ses décisions en date des 6 juin 1980 et 19 août 1981 ;
Article 1er : La requête du directeur général de l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au directeur général de l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer, aux consorts X... et au ministre d'Etat, chargé de l'économie, des finances et de la privatisation.


Synthèse
Formation : 10/ 1 ssr
Numéro d'arrêt : 51385
Date de la décision : 11/07/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

46-06-03,RJ1 OUTRE-MER - INDEMNISATION DES FRANCAIS DEPOSSEDES - FIXATION DE L'INDEMNITE -Imputation des intérêts des prêts consentis à des rapatriés sur le montant du complément d'indemnisation prévu par la loi du 2 janvier 1978 - Effets de la solidarité [1].

46-06-03 Il résulte de l'ensemble des dispositions de l'article 2 de la loi du 6 novembre 1969, de l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970 et de l'article 3 de la loi du 2 janvier 1978 que les intérêts des prêts consentis à des rapatriés par les organismes de crédit ayant passé des conventions avec l'Etat, dont le cours a été suspendu à compter du 6 novembre 1969, ne pouvaient recommencer à courir à l'encontre de chaque débiteur qu'à compter de la liquidation à son profit, soit de la contribution nationale prévue par la loi du 15 juillet 1970, soit du complément d'indemnisation prévu par la loi du 2 janvier 1978. La solidarité existant entre plusieurs rapatriés au titre d'un même contrat ne peut avoir pour effet, contrairement à ces dispositions, de faire courir à nouveau les intérêts contre l'ensemble des co-débiteurs à compter de la date de la liquidation au bénéfice de l'un d'entre eux de la contribution nationale ou du complément d'indemnisation. Aussi, pour l'application de l'article 3 de la loi du 2 janvier 1978 relatif à l'imputation des intérêts échus sur le complément d'indemnisation prévu par cette loi, les consorts A. ne sont tenus que des intérêts échus soit avant le 6 novembre 1969, soit depuis la date de la notification qui leur a été faite à chacun personnellement de l'indemnité liquidée à leur profit en vertu de la loi du 15 juillet 1970 ou de la loi du 2 janvier 1978.


Références :

Décret 70-720 du 05 août 1970 art. 3
Loi 69-992 du 06 novembre 1969 art. 2
Loi 70-632 du 15 juillet 1970 art. 9, art. 46
Loi 74-1114 du 27 décembre 1974 art. 24-1 finances rectificative
Loi 78-1 du 02 janvier 1978 art. 3

1. Comp. s'agissant de la déductibilité du capital et des intérêts échus avant le 6 novembre 1969 : 1980-04-25, A.N.I.F.O.M. c/ Ayache, p. 200


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 1986, n° 51385
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. M. Bernard
Rapporteur ?: M. Lecat
Rapporteur public ?: M. Van Ruymbeke

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:51385.19860711
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