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25/07/1986 | FRANCE | N°58443

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 25 juillet 1986, 58443


Vu le recours enregistré le 13 avril 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté au nom de l'Etat par le ministre des transports, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- annule le jugement du 10 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser à la Compagnie française d'assurances européennes une indemnité de 720 000 F en réparation du préjudice subi à la suite de l'accident, survenu le 15 février 1978, d'un aéronef Beech Craft 99, exploité par la société Air-Rouergue, sur l'aérodrome du Puy-Loudès,

2°- rejette la demande présentée par la Compagnie française d'assurances e...

Vu le recours enregistré le 13 avril 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté au nom de l'Etat par le ministre des transports, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- annule le jugement du 10 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser à la Compagnie française d'assurances européennes une indemnité de 720 000 F en réparation du préjudice subi à la suite de l'accident, survenu le 15 février 1978, d'un aéronef Beech Craft 99, exploité par la société Air-Rouergue, sur l'aérodrome du Puy-Loudès,
2°- rejette la demande présentée par la Compagnie française d'assurances européennes devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Mallet, Auditeur,
- les observations de la SCP Nicolas, Masse-Dessen, Georges, avocat de la compagnie française d'assurances européennes C.F.A.E. ,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant d'une part qu'il ressort des articles L.221-1 et suivants du code de l'aviation civile que la création et l'exploitation d'un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique peuvent être confiées par l'Etat à une personne de droit public ou de droit privé ; que si l'Etat reste chargé, en application de l'article R.221-6 du même code, de l'aménagement, de l'entretien et de l'exploitation des installations destinées à assurer sur les aérodromes le contrôle de la circulation aérienne, il ressort des annexes aux articles D.131-7 à D.131-10 du même code, dites "règles de l'air" que lorsque le niveau du trafic ne justifie pas la mise en place de telles installations, il incombe au gestionnaire de l'aérodrome de mettre en place un "service opération" dont les attributions se limitent à des missions déterminées décrites par l'annexe dite "RAC 4", qui comprennent notamment l'assistance aux pilotes, auxquels ils doivent transmettre, lorsqu'ils disposent d'une station radiotéléphonique, des renseignements sur la situation météorologique du moment et l'état de l'aérodrome ; que si les personnels chargés de ce service incombant à l'exploitant doivent être agréés par le chef du district aéronautique, autorité relevant de l'Etat, et sont soumis à son contrôle, ils ne sont pas placés sous son autorité, nonobstant les termes de la circulaire invoquée par la Compagnie française d'assurances européennes, qui n'a aucun caractère réglementaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur les fautes commises, selon lui, par l'agent chargé du "service opération" de l'aérodrome du Puy-Loudès en fournissant des indications erronées et incomplètes l'équipage d'un avion de la société "Air-Rouergue" qui se préparait à atterrir, pour déclarer l'Etat partiellement responsable de l'accident survenu à cet avion le 15 février 1978 ; que la Compagnie française d'assurances européennes, subrogée aux droits du propriétaire de l'appareil, pouvait seulement rechercher de ce chef, si elle s'y croyait fondée, la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie du Puy et d'Yssingeaux, gestionnaire de l'aérodrome et employeur dudit agent ;

Considérant d'autre part qu'il résulte de l'instruction que les renseignements météorologiques fournis à l'équipage de l'avion de la société Air-Rouergue par les services de l'aéroport de Lyon-Satolas avant son départ comprenaient un message diffusé par la station météorologique du Puy, composé des prévisions pour la soirée et des "observations actuelles" effectuées à 16 heures ; qu'il appartenait au commandant de bord, en vertu des responsabilités générales qui lui incombent pour assurer la sécurité des vols dont il a la charge, de demander lui-même s'il l'estimait nécessaire, un complément d'information sur les données météorologiques les plus récentes, conformément au règlement pour l'assistance météorologique à la navigation aérienne ; que si, postérieurement à la remise des renseignements précités, un nouveau "message sur la situation observée", précisant qu'il y avait eu une chute de neige sur Le Puy-Loudès est bien parvenu à Lyon-Satolas peu avant le décollage qui a été effectué à 19 h 50, les services du contrôle aérien de cet aéroport, qui relèvent de l'Etat, n'ont pas commis de faute, dans les circonstances de l'espèce, en ne prenant pas l'initiative d'alerter alors eux-mêmes l'équipage de l'appareil en partance ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des transports est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'Etat à allouer à la Compagnie française d'assurances européennes une indemnité de 720 000 F, et que, par voie de conséquence, les conclusions du recours incident de ladite compagnie tendant à la majoration de cette indemnité doivent être rejetées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 10 janvier 1984 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la Compagnie française d'assurances européennes devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, ainsi que le recours incident de la Compagnie française d'assurances européennes sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Compagnie française d'assurances européennes et au ministre de l'équipement, dulogement, de l'aménagement du territoire et des transports.


Sens de l'arrêt : Annulation totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE DE L'AVIATION CIVILE - Exploitation des aérodromes - [1] Responsabilité du gestionnaire de l'aérodrome à raison de fautes commises par un agent du "service opération" mis en place par ce gestionnaire - [2] Contrôle de la circulation aérienne - Transmission de données météorologiques - Absence de faute en l'espèce.

60-02-07[1], 65-03[2], 65-03-04-01 Il ressort des articles L.221-1 et suivants du code de l'aviation civile que la création et l'exploitation d'un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique peuvent être confiées par l'Etat à une personne de droit public ou de droit privé. Si l'Etat reste chargé, en application de l'article R.221-6 du même code, de l'aménagement, de l'entretien et de l'exploitation des installations destinées à assurer sur les aérodromes le contrôle de la circulation aérienne, il ressort des annexes aux articles D.131-7 à D.131-10 du même code, dites "règles de l'air", que lorsque le niveau du trafic ne justifie pas la mise en place de telles installations, il incombe au gestionnaire de l'aérodrome de mettre en place un "service opération" dont les attributions se limitent à des missions déterminées décrites par l'annexe dite "RAC 4", qui comprennent notamment l'assistance aux pilotes auxquels ils doivent transmettre, lorsqu'ils disposent d'une station radiotéléphonique, des renseignements sur la situation météorologique du moment et l'état de l'aérodrome. Si les personnels chargés de ce service incombant à l'exploitant doivent être agréés par le chef du district aéronautique, autorité relevant de l'Etat, et sont soumis à son contrôle, ils ne sont pas placés sous son autorité. Un agent du "service opération" de l'aéroport du Puy-Loudès ayant fourni des indications erronées et incomplètes à l'équipage d'un avion de la société Air-Rouergue qui se préparait à atterrir, et qui a de ce fait été accidenté, la compagnie d'assurances, subrogée aux droits du propriétaire de l'appareil, pouvait seulement rechercher, si elle s'y croyait fondée, la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie du Puy et d'Yssingeaux, gestionnaire de l'aérodrome et employeur dudit agent.

TRANSPORTS - TRANSPORTS AERIENS - Contentieux de la responsabilité - [1] Responsabilités générales incombant au commandant de bord pour assurer la sécurité des vols - Recherche d'informations complémentaires sur les données météorologiques - [2] Contrôle de la circulation aérienne sur les aérodromes - Règles de l'air - "Service opération" mis en place par le gestionnaire de l'aéroport - Responsabilité de la chambre de commerce à raison des fautes commises par un agent appartenant à ce service.

60-02-07[2], 65-03[1] Avion de la société Air-Rouergue accidenté sur l'aérodrome du Puy-Loudès en raison des mauvaises conditions météorologiques. Les renseignements méréorologiques fournis à l'équipage de l'avion par les services de l'aéroport de Lyon-Satolas avant son départ comprenaient un message diffusé par la station météorologique du Puy, composé des prévisions pour la soirée et des "observations actuelles" effectuées à 16 heures. Il appartenait au commandant de bord, en vertu des responsabilités générales qui lui incombent pour assurer la sécurité des vols dont il a la charge, de demander lui-même, s'il l'estimait nécessaire, un complément d'information sur les données météorologiques les plus récentes, conformément au règlement pour l'assistance météorologique à la navigation aérienne. Si, postérieurement à la remise des renseignements précités, un nouveau "message sur la situation observée", précisant qu'il y avait eu une chute de neige sur le Puy-Loudès est bien parvenu à Lyon-Satolas peu avant le décollage qui a été effectué à 19h50, les services du contrôle aérien de cet aéroport, qui relèvent de l'Etat, n'ont pas commis de faute, dans les circonstances de l'espèce, en ne prenant pas l'initiative d'alerter alors eux-mêmes l'équipage de l'appareil en partance.

TRANSPORTS - TRANSPORTS AERIENS - AEROPORTS - CONTROLE DE LA NAVIGATION AERIENNE - Contrôle de la circulation aérienne sur les aéroports - Règles de l'air - "Service opération" mis en place par le gestionnaire de l'aéroport - Responsabilité de la chambre de commerce à raison des fautes commises par un agent appartenant à ce service.


Références :

Code de l'aviation civile L221-1, R221-6, D131-7, D131-8, D131-9, D131-10


Publications
Proposition de citation: CE, 25 jui. 1986, n° 58443
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Mallet
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Formation : 2 / 6 ssr
Date de la décision : 25/07/1986
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 58443
Numéro NOR : CETATEXT000007697196 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1986-07-25;58443 ?
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