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01/10/1986 | FRANCE | N°37665

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 01 octobre 1986, 37665


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 octobre 1981 et 2 février 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Y..., demeurant ... 52200 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 29 juin 1981 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant d'une part à l'annulation de la décision en date du 21 mars 1978 par laquelle le directeur de la comptabilité publique lui a refusé le remboursement de bons du Trésor qui lui avaient été volés et ordonné le versement d'u

ne somme de 20 973 F payée par les services du Trésor, et, d'autre part...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 octobre 1981 et 2 février 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Y..., demeurant ... 52200 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 29 juin 1981 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant d'une part à l'annulation de la décision en date du 21 mars 1978 par laquelle le directeur de la comptabilité publique lui a refusé le remboursement de bons du Trésor qui lui avaient été volés et ordonné le versement d'une somme de 20 973 F payée par les services du Trésor, et, d'autre part, à ce que l'Etat soit condamné à lui payer le montant des bons du Trésor pour lesquels elle avait fait une déclaration de perte, abondés des intérêts légaux,
2° annule ladite décision,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil, notamment l'article 1251-3° ;
Vu le décret n° 64-1183 du 27 novembre 1964 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lambron, Auditeur,
- les observations de Me Hennuyer, avocat de Mme Y..., épouse séparée de corps et de biens de M. X... et de Me Pradon, avocat de M. Z...,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention de M. Z... :
Considérant que la décision à prendre sur la requête de Mme Y... est susceptible de préjudicier aux droits de M. Z... ; que, dès lors, l'intervention de celui-ci est recevable ;
Sur la requête de Mme Y... :
Considérant que, par un jugement de la Cour d'Appel de Paris en date du 18 avril 1975, confirmé par un arrêt de la Cour de Cassation en date du 5 novembre 1975, M. Z... a été déclaré coupable du vol de bons du Trésor au préjudice de Mme Y... et a été condamné à verser à celle-ci la somme de 99 000 F représentant la valeur de 99 bons du Trésor qui n'avaient été ni retrouvés ni remboursés par le Trésor public, ainsi que 1 000 F de dommages-intérêts, et à restituer à Mme Y... 33 bons dûment saisis ; que M. Z... a payé à celle-ci, en exécution dudit jugement, une somme de 124 389,27 F y compris les intérêts légaux ;
Considérant que Mme Y... a sollicité de l'Etat le remboursement différé des bons en cause, en application de l'article 17 du décret du 27 novembre 1964, aux termes duquel "les valeurs du Trésor non inscrites au grand livre de la dette publique peuvent, en cas de perte, donner lieu à remboursement différé si, à l'expiration d'un délai de cinq ans compté à partir de la date de leur amortissement ou de leur échéance terminale, elles n'ont pas été remboursées ou n'ont fait l'objet d'aucune revendication. Le Trésor est définitivement libéré par ce remboursement et toute persone qui présenterait ultérieurement les valeurs ainsi remboursées pourrait seulement exercer un recours contre les bénéficiaires de ces opérations" ; qu'en 1977 le Trésor a versé à l'intéressée, sur le fondement de cette disposition, une somme de 20 973 F, représentant la valeur de 16 bons échus depuis plus de cinq ans, augmentée, conformément à l'article 20 du décret du 27 novembre 1964, de l'intérêt, pendant le délai de cinq ans mentionné à l'article 17, du capital représenté par les bons perdus ; que, toutefois, par lettre du 21 mars 1978, le ministre de l'économie et des finances a fait connaître à Mme Y... que, dès lors qu'elle avait reçu, en exécution des décisions précitées du juge pénal, une somme correspondant à la valeur des 99 bons volés, elle ne pouvait prétendre obtenir le remboursement de ces bons sur le fondement du décret du 27 novembre 1964 et qu'un ordre de reversement de la somme de 20 973 F qu'elle avait perçue à ce titre serait émis à son encontre ; que Mme Y... a déféré cette décision au tribunal administratif de Paris et fait appel du jugement qui a rejeté sa requête ;

Considérant, d'une part, que les articles 17 à 23 du décret du 27 novembre 1964 relatif au remplacement ou au remboursement des titres d'emprunt émis par l'Etat, détériorés, détruits, perdus ou volés organisent, en cas de perte, en faveur des propriétaires de valeurs du Trésor non inscrites au grand-livre de la dette publique un mode de dédommagement consistant dans le remboursement différé de ces valeurs à l'expiration d'un délai de cinq ans compté à partir de la date de leur amortissement ou de leur échéance terminale, assorti de l'intérêt, pendant ce délai de cinq ans, du capital représenté par la valeur perdue ; que ce dédommagement ne saurait toutefois être cumulé avec l'indemnisation constituée par le paiement de la valeur des titres effectué en exécution des décisions du juge pénal ; qu'ainsi Mme Y... est fondée à demander le bénéfice des dispositions des articles 17 à 23 du décret du 27 novembre 1964 dans la mesure où les sommes auxquelles elle peut prétendre en application de ce décret excédent les sommes qu'elle a reçues en exécution des jugements pénaux précités ; que, dans ces conditions, Mme Y... est fondée à demander l'annulation de l'ordre de reversement de 20 973 F émis à son encontre, mais que, l'état de l'instruction ne permettant pas au Conseil d'Etat de déterminer le montant des sommes auxquelles la requérante peut prétendre, en application du décret du 27 novembre 1964, ni par suite le montant des sommes qui peuvent lui être dues après déduction des sommes perçues en exécution du jugement pénal, il y a lieu de renvoyer à cette fin l'intéressée devant le ministre de l'économie, des finances et de la privatisation ;

Considérant, d'autre part, en ce qui concerne le surplus de la demande de Mme Y... que si la requérante soutient que l'Etat, en n'ayant pas à supporter le remboursement des 99 bons du Trésor, réaliserait un enrichissement sans cause, elle ne saurait utilement invoquer cet enrichissement, dès lors qu'ayant, du fait de l'exécution des décisions du juge pénal et de la présente décision, reçu réparation intégrale du préjudice qui était résulté pour elle de la perte de ces bons, elle ne subit aucun appauvrissement patrimonial corrélatif à l'enrichissement allégué ;

Article 1er : L'intervention de M. Z... est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 29juin 1981 et l'ordre de reversement émis à l'encontre de Mme Y... pour un montant de 20 973 F sont annulés.

Article 3 : Mme Y... est renvoyée devant le ministre de l'économie, des finances et de la privatisation en vue dedéterminer le montant de la différence entre la somme correspondant au remboursement dans les conditions fixées par le décret du 27 novembre 1964 des bons du Trésor volés et non retrouvés et la somme qu'elle a perçue en exécution des décisions du juge pénal.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Y..., M. Z... et au ministre d'Etat, chargé de l'économie, des finances et de la privatisation.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 37665
Date de la décision : 01/10/1986
Sens de l'arrêt : Annulation totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-05 COMPTABILITE PUBLIQUE - DETTES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - AUTRES QUESTIONS -Remboursement de titres d'emprunts émis par l'Etat perdus ou volés [article 17 à 23 du décret du 27 novembre 1964] - Dédommagement non cumulable avec l'indemnisation allouée par le juge pénal à l'occasion de la condamnation de l'auteur d'un vol de bons du Trésor.

18-05 Les articles 17 à 23 du décret du 27 novembre 1964 relatif au remplacement ou au remboursement des titres d'emprunt émis par l'Etat, détériorés, détruits, perdus ou volés organisent, en cas de perte, en faveur des propriétaires de valeurs du Trésor non inscrites au grand livre de la dette publique un mode de dédommagement consistant dans le remboursement différé de ces valeurs à l'expiration d'un délai de cinq ans compté à partir de la date de leur amortissement ou de leur échéance terminale, assorti de l'intérêt, pendant ce délai de cinq ans, du capital représenté par la valeur perdue. Ce dédommagement ne saurait toutefois être cumulé avec l'indemnisation constituée par le paiement de la valeur des titres effectué en exécution des décisions du juge pénal. Ainsi Mme B., qui avait reçu, en exécution de décisions du juge pénal, une somme correspondant à la valeur de 99 bons du Trésor qui lui avaient été volés, et qui, ayant été ultérieurement perdus par le voleur, n'avaient jamais été présentés au remboursement n'est fondée à demander le bénéfice des dispositions des articles 17 à 23 du décret du 27 novembre 1964 que dans la mesure où les sommes auxquelles elle peut prétendre en application de ce décret excédent les sommes qu'elle a reçues en exécution des jugements pénaux.


Références :

Décret 64-1183 du 27 novembre 1964 art. 17 à 23, art. 20


Publications
Proposition de citation : CE, 01 oct. 1986, n° 37665
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Lambron
Rapporteur public ?: Mme Hubac

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:37665.19861001
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