Vu, 1°, sous le n° 59 170, le recours sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 mai 1984 et 17 septembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le Secrétaire d'Etat, auprès du ministre des transports, chargé de la mer, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement, en date du 28 décembre 1983, par lequel le tribunal administratif de Lille a déclaré l'Etat responsable du préjudice subi par la société Angleterre-Lorraine-Alsace du fait du blocage du port de Dunkerque par des marins-pêcheurs en août 1980 et a ordonné avant-dire-droit une expertise sur le préjudice subi ;
2° rejette la demande présentée par la société Angleterre-Alsace-Lorraine devant le tribunal administratif,
Vu, 2°, sous le n° 59 208, le recours du Ministre de l'intérieur et de la décentralisation, enregistré le 14 mai 1984, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement, en date du 28 décembre 1983, par lequel le tribunal administratif de Lille a déclaré l'Etat responsable du préjudice subi par la société Angleterre-Lorraine-Alsace du fait du blocage du port de Dunkerque par les marins-pêcheurs en août 1980 ;
2° rejette la demande présentée par la société Angleterre-Lorraine-Alsace devant le tribunal administratif,
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Garcia, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Bouthors, avocat de la ville de Dunkerque, et de Me Odent, avocat de la société de navigation Angleterre-Lorraine-Alsace,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les recours du secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'urbanisme, du logement et des transports, chargé de la mer et du Ministre de l'intérieur et de la décentralisation sont dirigés contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que le dommage résultant de l'abstention des autorités administratives de prendre des mesures de prévention pour empêcher la formation des barrages établis par les marins-pêcheurs à l'entrée du port de Dunkerque et de recourir à la force pour les disperser ne saurait être regardé, dès lors que cette manifestation ne présente pas le caractère d'un événement de force majeure, et si ce dommage revêt une gravité suffisante, notamment s'il excède une certaine durée, comme une charge incombant normalement aux usagers du port ; que si un très grand nombre d'entreprises dont le fonctionnement est lié directement ou indirectement à l'activité portuaire ont été affectées par le mouvement dont s'agit qui a revêtu une ampleur nationale, il résulte de l'instruction qu'eu égard aux caractères spécifiques du transpot maritime de passagers et de véhicules de Grande-Bretagne en France, particulièrement pendant la période estivale, les firmes concernées, au nombre desquelles se trouve la société Angleterre-Lorraine-Alsace ont subi, du fait de la fermeture pendant plusieurs jours du port de Dunkerque, un préjudice dont la spécialité et la gravité ont été suffisantes pour qu'il soit regardé comme excédant les charges que les usagers doivent normalement supporter ; que les premiers juges ont fait une correcte appréciation de la partie du préjudice revêtant un caractère anormal en limitant la réparation mise à la charge de l'Etat aux pertes subies au-delà des premières vingt-quatre heures de la période de fermeture du port ; que dès lors, le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'urbanisme, du logement et des transports, chargé de la mer et le Ministre de l'intérieur et de la décentralisation ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont reconnu engagée la responsabilité de l'Etat du 17 août 1980 à 19 heures au 23 août 1980 à 20 heures ;
Article ler : Les recours du secrétaire d'Etat auprès duministre de l'urbanisme, du logement et des transports, chargé de la mer et du Ministre de l'intérieur et de la décentralisation sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Angleterre-Lorraine-Alsace, à la ville de Dunkerque, au secrétaire d'Etat à la mer et au ministre de l'intérieur.