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17/11/1986 | FRANCE | N°54239

France | France, Conseil d'État, 10/ 7 ssr, 17 novembre 1986, 54239


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 septembre 1983 et 13 janvier 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société anonyme LUCHAIRE, dont le siège est ... 75382 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 6 juillet 1983 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, statuant sur le recours en appréciation de validité formé par M. X..., a déclaré que la décision en date du 25 juillet 1978, par laquelle l'inspecteur du travail de Soissons Aisne l'a autorisée à licencier M. X..., étai

t illégale ;
2° déclare que cette décision est légale ;
Vu les autres...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 septembre 1983 et 13 janvier 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société anonyme LUCHAIRE, dont le siège est ... 75382 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 6 juillet 1983 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, statuant sur le recours en appréciation de validité formé par M. X..., a déclaré que la décision en date du 25 juillet 1978, par laquelle l'inspecteur du travail de Soissons Aisne l'a autorisée à licencier M. X..., était illégale ;
2° déclare que cette décision est légale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Richer, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Martin Martinière, Ricard , avocat de la Société anonyme LUCHAIRE et de la S.C.P. Desaché, Gatineau , avocat de M. X... Guy,
- les conclusions de M. Massot, Commissaire du gouvernement ;

Sur la procédure de première instance :
Considérant que le premier alinéa de l'article R 106 du code des tribunaux administratifs dispose que "les demandes présentées contre une décision ministérielle ou contre une décision prise pour le compte de l'Etat et les demandes présentées contre l'Etat et mettant en cause sa responsabilité en matière de travaux publics sont directement communiquées par le tribunal administratif saisi aux ministres intéressés" ;
Considérant que la requête dont était saisi le tribunal administratif d'Amiens tendait, après que le Conseil de prud'hommes de Paris eût décidé de surseoir à statuer sur cette question préjudicielle, à l'appréciation de la légalité de la décision en date du 25 juillet 1978 par laquelle l'inspecteur du travail de Soissons Aisne a autorisé le licenciement de M. X... par la société LUCHAIRE ; qu'elle constituait une demande présentée contre une décision prise pour le compte de l'Etat au sens des dispositions susrappelées ; qu'en omettant de communiquer la requête au ministre du travail, ledit tribunal a méconnu les dispositions précitées de l'article R.106 du code des tribunaux administratifs et par suite entâché le jugement qu'il a rendu d'un vice de procédure que l'avis d'audience notifié à ce ministre n'a pu réparer ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 6 juillet 1983 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Sur la recevabilité de la demande formée devant le tribunal administratif :

Considérant d'une part que la Société anonyme LUCHAIRE soutient que la juridiction administrative aurait été saisie directement par le conseildes prud'hommes de Paris, et donc irrégulièrement, alors qu'il n'était pas fait application des dispositions de l'article L.511-1 du code du travail : qu'il ressort des pièces du dossier que le greffe du conseil des prud'hommes s'est borné à transmettre au tribunal administratif copie du jugement par lequel il a sursis à statuer sur le litige opposant ladite société à M.
X...
et a renvoyé les parties devant le tribunal administratif d'Amiens ; qu'ainsi le moyen manque en fait ;
Considérant d'autre part qu'une demande en appréciation de la légalité d'une décision administrative sur renvoi de l'autorité judiciaire n'est soumise à aucune condition de délai ; que la Société anonyme LUCHAIRE n'est ainsi pas fondée à soutenir que la requête de M. X..., présentée le 17 juin 1983 et tendant à ce que le tribunal administratif déclare illégale l'autorisation de le licencier accordée à cette société le 25 juillet 1978, était tardive ;
Sur la légalité de l'autorisation de licenciement :
Considérant que le licenciement d'un salarié investi d'un mandat représentatif ne peut être autorisé, dans le cas où il est motivé par un comportement fautif, que si les faits reprochés sont d'une gravité suffisante pour justifier cette mesure, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant que pour demander l'autorisation de licencier M. X..., membre suppléant du comité d'entreprise, la Société anonyme LUCHAIRE a allégué que celui-ci se serait indûment approprié des documents confidentiels auxquels il n'avait pas accès, relatifs aux fabrications de l'entreprise, et qu'il ne les aurait pas restitués ; qu'elle a simultanément porté plainte pour les mêmes faits à l'encontre de M. X... devant la juridiction pénale ;
Considérant en premier lieu qu'il ressort des pièces du dossier que la Société anonyme LUCHAIRE avait déchargé M. X... de ses responsabilités de chef de fabrication à l'atelier d'armement dès le mois de janvier 1978 ; que son successeur n'a pas alors vérifié la présence de tous les documents de fabrication dont il prenait la charge et ne s'est pas assuré de leur conservation ; que la société n'apporte aucun élément permettant d'établir que l'absence de certains d'entre-eux, constatée en mai 1978, puisse être imputée à M. X..., comme l'avait d'ailleurs déjà estimé la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Amiens dans son ordonnance de non-lieu en date du 3 février 1980 ;
Considérant en second lieu qu'il n'est pas contesté que M. X... a fait faire pour son compte, sans autorisation, des photocopies de documents relatifs aux "prix standard 1978" des pièces fabriquées dans l'atelier dont il avait auparavant la responsabilité ; que si M. X... a ainsi commis une faute, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette faute ait, dans les circonstances de l'espèce et alors qu'il n'est pas établi que M. X... ait conservé ces documents ni qu'il ait tenté de les utiliser contre les intérêts de la société LUCHAIRE, soit d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'autorisation de licencier M. X..., accordée le 25 juillet 1978 par l'inspecteur du travail de Soissons à la Société anonyme LUCHAIRE est illégale ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 6 juillet 1983 est annulé.

Article 2 : Il est déclaré que la décision du 25 juillet 1978 par laquelle l'inspecteur du travail de Soissons a autorisé la Société anonyme LUCHAIRE à licencier M. X... est illégale.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société anonyme LUCHAIRE, à M. X..., au ministre des affaires sociales et del'emploi et au conseil des Prud'hommes de Paris.


Sens de l'arrêt : Annulation totale, évocation, déclaration d'illégalité
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de légalité

Analyses

PROCEDURE - INSTRUCTION - CARACTERE CONTRADICTOIRE DE LA PROCEDURE - COMMUNICATION DES MEMOIRES ET PIECES - Obligation de communication - Existence - Question préjudicielle relative à la légalité d'une autorisation de licenciement - Absence de communication de la demande au ministre du travail par le tribunal administratif - Irrégularité.

54-04-03-01, 66-07-02-05-03 Le premier alinéa de l'article R.106 du code des tribunaux administratifs dispose que "les demandes présentées contre une décision ministérielle ou contre une décision prise pour le compte de l'Etat et les demandes présentées contre l'Etat et mettant en cause sa responsabilité en matière de travaux publics sont directement communiquées par le tribunal administratif saisi aux ministres intéressés". La requête dont était saisi le tribunal administratif d'Amiens tendait, après que le conseil de prud'hommes de Paris avait décidé de surseoir à statuer sur cette question préjudicielle, portait sur l'appréciation de la légalité de la décision en date du 25 juillet 1978 par laquelle l'inspecteur du travail de Soissons [Aisne] a autorisé le licenciement de M. B. par la société L.. Elle constituait une demande présentée contre une décision prise pour le compte de l'Etat au sens des dispositions susrappelées. En omettant de communiquer la requête au ministre du travail, ledit tribunal a méconnu les dispositions précitées de l'article R.106 du code des tribunaux administratifs et par suite entaché le jugement qu'il a rendu d'un vice de procédure que l'avis d'audience notifié à ce ministre n'a pu réparer.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES NON PROTEGES - LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - APPRECIATION DE LEGALITE SUR RENVOI PREJUDICIEL DU JUGE PRUD'HOMAL - Règles de procédure - Méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure.


Références :

Code des tribunaux administratifs R106 al. 1
Code du travail L511-1


Publications
Proposition de citation: CE, 17 nov. 1986, n° 54239
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: M. Richer
Rapporteur public ?: M. Massot

Origine de la décision
Formation : 10/ 7 ssr
Date de la décision : 17/11/1986
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 54239
Numéro NOR : CETATEXT000007697395 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1986-11-17;54239 ?
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