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21/11/1986 | FRANCE | N°55327

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 21 novembre 1986, 55327


Vu 1°, sous le n° 55 327, la requête enregistrée, le 25 novembre 1983, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Stéphane Z..., architecte, demeurant ... à PARIS 75015 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° - annule le jugement du 7 juillet 1983 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamné solidairement et conjointement avec les entreprises Quillery-Lumy ET CIMT Lorraine à verser à la commune de Chilly-Mazarin la somme de 379 115 F en réparation des désordres affectant le collège d'enseignement secondaire "Les Dines-Chiens

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2° - condamne la commune de Chilly-Mazarin d'une part à lui pa...

Vu 1°, sous le n° 55 327, la requête enregistrée, le 25 novembre 1983, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Stéphane Z..., architecte, demeurant ... à PARIS 75015 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° - annule le jugement du 7 juillet 1983 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamné solidairement et conjointement avec les entreprises Quillery-Lumy ET CIMT Lorraine à verser à la commune de Chilly-Mazarin la somme de 379 115 F en réparation des désordres affectant le collège d'enseignement secondaire "Les Dines-Chiens" ;
2° - condamne la commune de Chilly-Mazarin d'une part à lui payer des intérêts sur les sommes qu'il serait appelé à lui payer en exécution du jugement attaqué et d'autre part, à supporter tous les dépens y compris les frais d'expertise ;
3° - rejette la demande présentée par la commune de Chilly-Mazarin devant le tribunal administratif de Versailles ;

Vu 2°, sous le n° 55 377, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 novembre 1983 et le 28 mars 1984 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Chilly-Mazarin et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° - réforme le jugement du 7 juillet 1983 par lequel le tribunal administratif de Versailles a condamné solidairement et conjointement M. Z... et les entreprises Quillery-Lumy et CIMT Lorraine à lui verser une indemnité de 379 115 F qu'elle estime insuffisante en réparation du préjudice créé par des désordres affectant le C.E.S. Dines-Chients ;
2° - adjuger à l'exposante l'entier bénéfice de ses conclusions de première instance et déclarer M. Z... et les entreprises précitées responsables des désordres litigieux affectant le C.E.S. Les Dines-Chiens ;
3° - condamne M. Z... et les entreprises en cause à payer à la commune la somme de 569 289,20 F et de 211 915 F à titre provisionnel sauf à parfaire, avec les intérêts légaux et les intérêts des intérêts ; dire que seront inclus le coût des travaux de fouille, soit 203 327 F dans le montant des frais d'expertise 18 984 F qu'elle a réglés et demande le remboursement et ordonne que les intérêts échus soient capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts au 22 décembre 1981 et au 23 décembre 1982 et l'année suivante ;
4° - à titre subsidiaire condamne M. Z... à garantir le paiement de toutes les sommes mises à la charge de la société Quillery-Gourmy ;
5° - réserver dans l'état de l'instruction le montant des sommes devant être mises à la charge des constructeurs pour les désordres faisant l'objet de la deuxième expertise ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. X..., Matre des requêtes,
- les observations de Me Boulloche, avocat de M. A...

Z..., de la SCP Vier, Barthélémy, avocat de la commune de Chilly-Mazarin et de Me Choucroy, avocat de la société CIMT Lorraine,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. Z... et de la COMMUNE DE CHILLY-MAZARIN présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Sur la computation du délai de garantie décennale :
Considérant que, sauf stipulation contraire du contrat, le point de départ du délai de l'action en garantie décennale dont le maître de l'ouvrage dispose sur la base des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil à l'encontre des entrepreneurs et des architectes doit être fixé à la date de la prise de possession des ouvrages achevés, lorsque celle-ci est antérieure à la réception définitive ;
Considérant d'une part, qu'il est constant que la COMMUNE DE CHILLY-MAZARIN a effectivement pris possession du bâtiment d'enseignement général du collège d'enseignement secondaire construit pour son compte par les sociétés Quillery-Goumy et Cimt-Lorraine sous la direction de M. Y..., architecte, à la date du 15 septembre 1969 ; qu'il résulte de l'instruction qu'à cette date ce bâtiment était achevé, même si certaines vérifications de l'installation électrique n'avaient pas été encore effectuées ; que le délai de garantie décennale était dès lors expiré, en ce qui concerne ce bâtiment, à la date de l'enregistrement de la demande de la COMMUNE DE CHILLY-MAZARIN au greffe du tribunal administratif de Versailles, intervenu le 21 décembre 1979 ;
Considérant d'autre part qu'il résulte de l'instruction que les trois autres bâtiments étaient achevés au plus tard à la date de la réception provisoire, intervenue le 8 octobre 1970, et que la commune en avait pris possession à cette date ; que, contrairement à ce que soutiennent M. Z... et la société Cimt-Lorraine, la demande de la commune enregistrée, comme il a été dit ci-dessus, le 21 décembre 1979, c'est-à-dire dans le délai de garantie, faisait état de désordres concernant l'étanchéïté des terrasses des trois bâtiments concernés ; qu'en revanche ce n'est que dans un mémoire enregistré le 22 décembre 1981, postérieurement à l'expiration du délai de garantie, que la commune a pour la première fois fait état de désordres concernant les bétons des façades ;

Considérant qu'il suit de là que la COMMUNE DE CHILLY-MAZARIN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions concernant le bâtiment d'enseignement général ; que M. Z..., et, par voie d'appel provoqué, la société Cimt-Lorraine, sont seulement fondés à demander en se fondant sur l'expiration du délai de la garantie à être déchargés de la somme de 72 100 F mise à leur charge par le jugement attaqué au titre des réparations des désordres affectant les bétons des façades des autres bâtiments ;
Sur les désordres concernant l'étanchéïté des bâtiments autres que le bâtiment d'enseignement général :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que ces désordres sont imputables en partie à la conception des ouvrages, comportant une protection insuffisante, bien qu'elle fût conforme aux normes en vigueur à l'époque de la construction, et en partie à une mauvaise exécution en ce qui concerne notamment les formes de pente et les relevés d'acrotères ; qu'ainsi ces désordres sont imputables tant à l'Etat, maître d'ouvrage délégué, auquel la commune se trouve substituée, au titre du choix du procédé de construction, qu'aux entreprises qui avaient participé à la conception des ouvrages et qui en ont assuré l'exécution ; que toutefois l'insuffisance du contrôle de l'architecte a concouru à la réalisation des désordres ; que la circonstance que M. Z... a demandé en vain, entre la réception provisoire et la réception définitive, la pose d'une "protection lourde" de l'étanchéïté n'est pas de nature, dans les circonstances de l'affaire, à atténuer sa responsabilité ; qu'il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en laissant à la charge de la commune 30 % des réparations nécessaires, et en maintenant à 60 % du surplus la garantie que les entreprises ont été condamnées à apporter à l'architecte ;

Considérant que si c'est à tort que les premiers juges ont tenu compte de la plus-value apportée aux bâtiments par les travaux préconisés par l'expert, dès lors que ces travaux étaient nécessaires pour les rendre conformes à leur destination, il résulte de l'instruction que les désordres concernant l'étanchéïté n'ont commencé à se manifester que six ans environ après la prise de possession des bâtiments ; qu'eu égard à la durée de vie normale d'une étanchéïté de ce type, il y a lieu de pratiquer un abattement de 30 % sur le montant des travaux concernant le bâtiment d'enseignement spécialisé, montant évalué par l'expert à 115 080 F hors taxes, soit 135 334,08 F taxes comprises ; que, compte tenu du partage de responsabilité susmentionné, M. Z... et, par voie d'appel provoqué, la société Cimt-Lorraine sont fondés à demander que la somme de 80 100 F mise à leur charge par le jugement attaqué à ce titre soit ramenée à 66 313,70 F ; que les conclusions de la COMMUNE DE CHILLY-MAZARIN tendant à la majoration de cette somme doivent être écartées ;
Sur les désordres concernant l'installation électrique :
Considérant que M. Z... ne justifie pas, en l'état de l'instruction, son affirmation selon laquelle ces désordres seraient imputables en tout ou en partie aux dégradations commises par les élèves du collège ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir que la nouvelle expertise ordonnée, sur ce chef de préjudice, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, aurait un caractère frustratoire ;
Sur les désordres concernant les réseaux extérieurs enterrés d'eau, de gaz, d'électricité et de chauffage :

Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que, si les quelques sondages effectués ont permis de déceler avec certitude l'existence de malfaçons sur ces réseaux, leur ampleur et le montant des travaux nécessaires pour y remedier ne pourront être connus qu'après l'exécution d'une fouille générale ; que dès lors M. Z... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont ordonné sur ce point une nouvelle expertise ; qu'il est en revanche fondé à soutenir que c'est à tort, comme l'admet d'ailleurs la COMMUNE DE CHILLY-MAZARIN, qu'ils ont inclus le coût de cette fouille générale dans l'indemnité qu'ils allouaient au maître de l'ouvrage ; que c'est également à tort qu'ils ont inclus dans cette indemnité la réparation des malfaçons décelées par les premiers sondages, la bonne administration de la justice impliquant, dans les circonstances de l'affaire, que les travaux nécessaires soient évalués globalement, après fouille générale et nouvelle expertise ; qu'il appartiendra alors au tribunal administratif de statuer sur l'indemnité éventuellement due à la commune au titre de l'ensemble de ces désordres, et sur la charge des frais d'expertise, au nombre desquels devra figurer le coût des investigations à ordonner par l'expert ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité mise à la charge des constructeurs par le jugement attaqué doit être ramenée à 81 313,70 F ;
Sur les intérêts :
Considérant d'une part que la COMMUNE DE CHILLY-MAZARIN n'a chiffré pour la première fois ses prétentions que dans un mémoire enregistré le 22 décembre 1981 ; que M. Z..., et par voie d'appel provoqué, la société Cimt-Lorraine sont fondés à demander à ce que le point de départ des intérêts de la somme qui lui est due soit fixé à cette date, et non à celle de la demande introductive d'instance ;

Considérant d'autre part que ni la société Cimt-Lorraine ni M. Z... ne sont fondés à demander au Conseil d'Etat la réparation, sous forme d'intérêts au taux légal, du préjudice éventuellement subi par eux du fait du versement à la COMMUNE de CHILLY-MAZARIN de sommes dont ils sont déchargés par la présente décision, dès lors qu'ils étaient tenus à ce versement en raison du caractère exécutoire du jugement ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les intérêts dus par les constructeurs à la COMMUNE DE CHILLY-MAZARIN n'ont commencé à courir que le 22 décembre 1981 ; que par suite sa demande de capitalisation des intérêts présentée à cette même date n'était pas recevable ; qu'en revanche, plus d'une année s'étant écoulée aux dates des 23 décembre 1982, 28 mars 1984 et 19 avril 1985 auxquelles la commune a demandé à nouveau la capitalisation des intérêts celle-ci doit être ordonnée, par application de l'article 1154 du code civil ;

Article 1er : La somme que M. Z... et les entreprises Quillery-Goumy et Cimt-Lorraine ont été condamnés par l'article 2 du jugement attaqué à verser à la COMMUNE DE CHILLY-MAZARIN est ramenée à 81 313,70 F. Cette somme portera intérêts à compter du 22 décembre 1981. Les intérêts échus les 23 décembre 1982, 28 mars 1984 et 19 avril 1985 seront capitalisés à cesdates pour porter eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Les entreprises Quillery-Goumy et Cimt-Lorraine garantiront M. Z... à concurrence de 60 % de la somme mentionnée à l'article 1er.

Article 3 : La demande de la COMMUNE DE CHILLY-MAZARIN tendant àla réparation des dommages affectant les bétons des façades du collège d'enseignement secondaire dont s'agit est rejetée.

Article 4 : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Versailles, en date du 7 juillet 1983, sont réformésen ce qu'ils ont de contraire à la présente décision.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. Z... et de la COMMUNE DE CHILLY-MAZARIN et de l'appel provoquéde la société Cimt-Lorraine est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE CHILLY-MAZARIN, à M. Z..., aux sociétés Quillery-Goumy et Cimt-Lorraine et au ministre de l'éducation nationale.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 55327
Date de la décision : 21/11/1986
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - ARCHITECTES ET ENTREPRENEURS


Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 1986, n° 55327
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Dubos
Rapporteur public ?: Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:55327.19861121
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