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24/11/1986 | FRANCE | N°50202

France | France, Conseil d'État, 7 / 9 ssr, 24 novembre 1986, 50202


Vu la requête, enregistrée le 26 avril 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jacques X..., grossiste en fruits et légumes au marché d'intérêt national de Rungis, demeurant ..., à Garges-lès-Gonesse 95140 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- annule le jugement du 13 janvier 1983 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1973 dans les rôles de la commune de Garges-lès-Gon

esse ;
2°- lui accorde la réduction sollicitée ;
Vu les autres pièces d...

Vu la requête, enregistrée le 26 avril 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jacques X..., grossiste en fruits et légumes au marché d'intérêt national de Rungis, demeurant ..., à Garges-lès-Gonesse 95140 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- annule le jugement du 13 janvier 1983 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1973 dans les rôles de la commune de Garges-lès-Gonesse ;
2°- lui accorde la réduction sollicitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Leclerc, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour demander la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1973, M. X... soutient que c'est à tort que l'administration a regardé comme devant figurer au nombre des recettes de son commerce en gros de fruits et légumes une indemnité de 82 500 F qu'il a perçue à l'occasion de la cession amiable en 1973 à la commune de Saint-Denis, dans le cadre d'une opération d'expropriation, de biens immobiliers dont il était propriétaire en commun avec son épouse ;
Considérant que l'administration avait initialement établi l'imposition en regardant comme imposable à l'impôt sur le revenu, sous le régime des plus-values à long terme, l'ensemble de l'indemnité de 500 000 F que la commune de Saint-Denis a versée à M. X... à l'occasion de la cession ; que, constatant que les bien cédés ne figuraient pas à l'actif du bilan de l'entreprise commerciale à l'exception des installations frigorifiques, le directeur des services fiscaux du Val d'Oise, statuant sur la réclamation contentieuse de M. X..., a renoncé à cette imposition comme dépourvue de fondement légal mais, opposant la compensation prévue par les dispositions du 1 de l'article 1955 du code général des impôts alors en vigueur, a maintenu partiellement la cotisation contestée en soutenant que, à concurrence d'une somme non contestée et de la somme susmentionnée de 82 500 F relative aux installations frigorifiques, l'indemnité reçue par M. X... constituait une plus-value à court terme imposable au taux de droit commun ;

Considérant qu'il résulte clairement du protocole d'accord passé entre la commune de Saint-Denis, auquel renvoie l'acte de cession amiable de l'immeuble exproprié, que l'indemnité de 82 500 F avait pour objet de compenser, d'une part, les frais de transfert et de réinstallation de compresseurs, estimés récupérables, servant à refroidir des chambres froides, d'autre part l'abandon par M. X... de ces chambres froides, situées dans le local professionnel exproprié et qui s'avèraient matériellement intransférables ; qu'il ressort des indications chiffrées figurant au dossier que l'indemnité doit être regardée comme destinée, pour un quart, à compenser les frais de transfert et de réinstallation des compresseurs, et, pour les trois-quarts, à indemniser le contribuable de la cession des chambres froides ;
Considérant que le premier quart de l'indemnité, soit 20 625 F, dès lors qu'il était destiné à compenser des frais par nature déductibles du bénéfice imposable, constitue, au sens de l'article 38 du code général des impôts, une recette de l'exercice au cours duquel l'indemnité a été allouée ;
Considérant, en revanche, qu'aux termes du 2 de l'article 39 duodecies du code général des impôts : "Le régime des plus-values à court terme est applicable : ... b Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenues depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits de l'assiette de l'impôt" ; que la cession des chambres froides a produit une plus-value égale à la différence entre les trois-quarts de l'indemnité allouée à M. X..., soit 61 875 F, et la valeur résiduelle comptable, figurant au bilan, de ces chambres froides, soit 35 400 F ; que le montant de cette différence, s'élevant à 26 475 F, constitue une plus-value à court terme dès lors qu'il était inférieur aux amortissements que M. X... avait antérieurement pratiqués sur ces équipements ;

Considérant toutefois qu'aux termes du 4 du même article 39 duodecies : "Le régime des moins-values à court terme s'applique : ... b aux moins-values subies lors de la cession de biens amortissables quelle que soit la durée de leur détention" ; que la disparition d'un élément d'actif amortissable figurant au bilan d'une entreprise équivaut pour celle-ci à la réalisation d'une moins-value à court terme ; qu'il résulte de l'instruction que M. X..., estimant que l'usure des compresseurs utilisés par les chambres froides rendait impossible leur récupération, les a livrés à la casse ; que cette destruction a entraîné pour l'entreprise la réalisation d'une moins-value à court terme égale au montant de la valeur comptable résiduelle pour lequel cet équipement figurait encore au bilan, soit 11 800 F ; que l'administration ne peut, en tout état de cause, valablement contester l'existence de cette moins-value en indiquant que le contribuable a omis d'inscrire dans son bilan la traduction comptable de la disparition des équipements détruits, dès lors qu'elle se borne à comparer les bilans des exercices 1973 et 1974 alors que seule la comparaison entre le bilan de l'exercice 1973 au cours duquel est intervenue la destruction, et le bilan de l'exercice précédent, soit l'exercice 1972, aurait permis de vérifier l'exactitude de ses allégations ; que, par suite, M. X... est fondé à demander, pour le calcul de son bénéfice imposable de l'année 1973, par voie de compensation, la prise en compte de la moins-value à court terme de 11 800 F que son entreprise à subie au cours de l'exercice 1973 ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts, le montant net des plus-values à court terme "s'entend de l'excédent de ces plus-values sur les moins-values de même nature qui ont été effectivement subies au cours de l'exercice" et qu'aux termes du 1 ter du même article : "Par dérogation aux dispositions du 1, la plus-value nette à court terme réalisée à la suite de la perception d'indemnités d'assurances ou de l'expropriation d'immeubles figurant à l'actif, peut être répartie, par parts égales, sur l'année de sa réalisation et sur les neuf années suivantes, dans la mesure où elle provient, soit d'éléments amortissables selon le mode linéaire sur une période supérieure à cinq ans, soit d'éléments amortissables selon le mode dégressif sur une période supérieure à huit ans. La plus-value nette à court terme visée à l'alinéa précédent ne peut pas excéder le montant global de la plus-value nette à court terme de l'exercice" ;
Considérant que M. X... a demandé, dans le délai de réclamation, la répartition sur dix ans de la plus-value nette à court terme, dont le montant susmentionné s'élève à 26 475 F qu'il a réalisé à l'occasion de la cession amiable ; qu'il ne peut toutefois, en application du dernier paragraphe du 1 ter de l'article 39 quaterdecies précité, prétendre à cet étalement que pour le montant global de la plus-value nette à court terme que son entreprise a réalisé au cours de l'exercice 1973, c'est-à-dire pour le montant de la plus-value subsistant après imputation sur la plus-value à court terme de 26 475 F de la moins value à court terme de 11 800 F ; que, par suite, le contribuable est fondé à demander, pour le calcul de son bénéfice imposable, la répartition sur dix ans à compter de l'année 1973 d'une plus-value à court terme de 14 675 F ; qu'il y a lieu de rattacher au bénéfice imposable de l'année 1973, un dixième de cette somme, soit 1 467,50 F ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité de 82 500 F allouée à M. X... pour les chambres froides ne doit être incluse dans l'assiette de ses bénéfices industriels et commerciaux de l'année 1973 qu'à concurrence d'une somme de 22 092,50 F, qui résulte de l'addition de la part de l'indemnité qui constituait une recette de l'exercice, soit 20 625 F et d'une dixième de la plus-value globale nette à court terme dont le contribuable a demandé l'étalement, soit 1 467,50 F ; que M. X... est, dans cette mesure, fondé à demander la réduction du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de 1973 à raison du redressement de ses bénéfices imposables, ainsi que la réformation en ce sens du jugement attaqué ;
Article 1er : L'assiette des bénéfices industriels et commerciaux réalisés par M. X... en 1973 sera calculée en n'y incluant l'indemnité de 82 500 F qui lui a été allouée pour ses chambres froides à l'occasion de l'expropriation dont il a fait l'objet qu'à concurrence de 22 092,50 F.

Article 2 : Il est accordé à M. X... la décharge de la différence entre le montant de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1973 et le montant qui résulte de la base définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 17 novembre 1983 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 7 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 50202
Date de la décision : 24/11/1986
Sens de l'arrêt : Réformation, réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-03-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - B.I.C. - EVALUATION DE L'ACTIF - PLUS ET MOINS-VALUES DE CESSION -Indemnité d'expropriation - Qualification et imposition des sommes au regard des différents chefs d'indemnisation.

19-04-02-01-03-03 Une indemnité perçue à l'occasion de la cession à l'amiable d'un bien immobilier consistant en des installations frigorifiques dans le cadre d'une opération d'expropriation peut être regardée comme, pour une partie, destinée à compenser les frais de transfert et de réinstallation du matériel et pour le reste à indemniser le contribuable de la cession des chambres froides. Si la première partie de l'indemnité, dès lors qu'elle était destinée à compenser des frais par nature déductibles du bénéfice imposable, constitue au sens de l'article 38 du C.G.I., une recette de l'exercice au cours duquel l'indemnité a été allouée, la partie restante doit être soumise en application de l'article 39 duodecies 2 du C.G.I. au régime des plus-values à court terme, le montant de la plus-value étant égal au montant de l'indemnité diminué de la valeur résiduelle comptable des éléments d'actif en cause.


Références :

CGI 1955 1, 38 b, 39 duodecies 4 b, 39 duodecies 2, 39 quaterdecies 1, 39 quaterdies 1 ter dernier par.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 nov. 1986, n° 50202
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. M. Bernard
Rapporteur ?: M. Leclerc
Rapporteur public ?: M. Fouquet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:50202.19861124
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