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12/01/1987 | FRANCE | N°57910

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 12 janvier 1987, 57910


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars 1984 et 28 juin 1984, présentés pour la société "Le Bellecour", société à responsabilité limitée dont le siège social est ... à Paris 75007 , représentée par ses gérants en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 5 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er avril 1975 au 31 mars 1979 ai

nsi que des pénalités y afférentes,
2° lui accorde la décharge des imposition...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars 1984 et 28 juin 1984, présentés pour la société "Le Bellecour", société à responsabilité limitée dont le siège social est ... à Paris 75007 , représentée par ses gérants en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 5 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er avril 1975 au 31 mars 1979 ainsi que des pénalités y afférentes,
2° lui accorde la décharge des impositions et des pénalités contestées,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,
- les observations de Me Jousselin, avocat de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LE BELLECOUR",
- les conclusions de M. Racine, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
En ce qui concerne l'imposition établie au titre de la période du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1979 :

Considérant que par un jugement en date du 24 février 1984, devenu définitif faute d'avoir été frappé d'appel, le tribunal de grande instance de Paris ayant constaté que M. X..., tant à titre personnel qu'en sa qualité de gérant de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LE BELLECOUR" qui exploite un restaurant, avait procédé à des achats sans facture et omis de comptabiliser une partie de ses recettes, l'a déclaré "coupable de soustraction frauduleuse de la société "LE BELLECOUR" au paiement partiel de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période allant du 1er janvier 1977 au 31 mars 1979" et "d'omission d'écritures" ; que l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux constatations de fait du juge pénal s'oppose à ce que le Conseil d'Etat examine les prétentions de la société requérante tendant à démontrer que les écritures comptables étaient propres à justifier les déclarations de chiffre d'affaires taxable au titre de cette période ; que, dès lors, l'administration, qui disposait en vertu de l'article 58 du code général des impôts alors en vigueur, modifié par l'article 3, I, 2, de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977, du pouvoir de rectifier d'office les déclarations des contribuables portant sur leur chiffre d'affaires taxable à la taxe sur la valeur ajoutée, lorsque la comptabilité produite présente de graves irrégularités, pouvait rectifier d'office le chiffre d'affaires taxable de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LE BELLECOUR" pour la période du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1979 ; qu'il appartient, par suite, à la société reuérante d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition au titre de cette période ;
En ce qui concerne l'imposition établie au titre de la période du 1er avril 1975 au 31 décembre 1976 :

Considérant que l'autorité de la chose jugée par le jugement susmentionné du 24 février 1984 ne s'étend pas, eu égard aux termes mêmes dudit jugement, à la période du 1er avril 1975 au 31 décembre 1976 ; que la circonstance que la société LE BELLECOUR n'ait pas été pour cette période à même de produire à l'appui de sa comptabilité une série de doubles de notes de clients n'est pas de nature, à elle seule, à établir le caractère irrégulier de ses écritures, ni davantage à démontrer l'insincérité desdites écritures, alors surtout que le montant des recettes est peu éloigné de celui qui a été déterminé par le vérificateur ; que, c'est, par suite, à tort que l'administration a écarté la comptabilité afférente à la période du 1er avril 1975 au 31 décembre 1976 ; qu'il suit de là que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée assigné à la société au titre de cette période a, irrégulièrement, été établi par voie de rectification d'office ; que la société requérante est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé de la décharger de cette fraction de l'imposition litigieuse et des pénalités correspondantes ;
Sur le bien-fondé de l'imposition établie au titre de la période du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1979 :
Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LE BELLECOUR", le service a été conduit, en raison de l'amplitude des variations des coefficients de marge brute, à opérer une distinction entre la période correspondant aux premiers exercices et celle portant sur le dernier ; que, pour reconstituer le chiffre d'affaires taxable de la période allant du 1er avril 1975 au 31 mars 1978 le vérificateur, après avoir déterminé, à partir du dépouillement de plusieurs centaines de notes de clients, la répartition moyenne des recettes entre celles provenant , d'une part, de la vente de l'alimentation soit 75 % du total et, d'autre part, de la vente de boissons soit 25 %, a appliqué aux achats revendus de boissons, dont il avait déduit 6 % pour tenir compte des quantités offertes à la clientèle ou consommées en cuisine, un coefficient de 2,60 calculé à partir des vins les plus couramment vendus ; que, par application de ces coefficients, il a déterminé les recettes totales de ladite période ; qu'enfin, pour tenir compte des achats d'alimentation non comptabilisés au cours des deuxième et troisième exercices vérifiés, l'administration, après avoir déterminé elle-même à partir des données relatives à l'exercice clos en 1976 un coefficient du bénéfice brut de 3,65, l'a appliqué aux achats d'alimentation pour déterminer les recettes d'alimentation reconstituées pour les exercices clos en 1977 et 1978 ; que pour la reconstitution du chiffre d'affaires de la période du 1er avril 1978 au 31 mars 1979 le vérificateur, estimant que le montant des achats revendus de boissons avait été minoré, a utilisé une méthode différente consistant, en premier lieu, à ajouter aux achats comptabilisés de produits alimentaires la somme de 10 000 F représentant les achats non comptabilisés, en second lieu, à appliquer au chiffre ainsi obtenu un coefficient multiplicateur réduit de 3,65 à 3,30 pour tenir compte d'un changement de cuisinier intervenu au début de cette période, et, enfin, à obtenir les recettes totales par application du coefficient de répartition 75 %-25 % ;

Considérant qu'en retenant successivement l'une et l'autre de ces méthodes pour la reconstitution du chiffre d'affaires taxable et en les appliquant dans les conditions précédemment indiquées, le vérificateur n'a pas, contrairement aux allégations de la société, méconnu les conditions concrètes de fonctionnement de l'entreprise et négligé en particulier, de tenir compte suffisamment des boissons offertes ou consommées en cuisine ; que la société requérante, qui ne conteste pas l'exactitude du coefficient général de répartition entre les recettes provenant des ventes de boissons et celles qui proviennent de l'alimentation, n'apporte pas la preuve qui lui incombe que le chiffre d'affaires taxable serait évalué avec une meilleure approximation en appliquant à l'ensemble des achats revendus sans distinction entre les boissons et les denrées alimentaires, un coefficient multiplicateur moyen uniforme de 3,38, alors surtout que le montant des recettes reconstituées en application de la méthode ainsi proposée par la société serait, en ce qui concerne la période correspondent à l'exercice clos en 1977, inférieur au chiffre d'affaires déclaré ;
Considérant, toutefois, que la société n'étant pas, ainsi qu'il a déjà été dit, en situation de taxation d'office en ce qui concerne l'exercice clos en 1976, le vérificateur ne pouvait légalement, pour déterminer les coefficients multiplicateurs applicables aux recettes d'alimentation reconstituées des autres exercices, prendre en considération les résultats de la société tels qu'il les avait reconstitués pour le premier exercice vérifié, ni utiliser un coefficient général de répartition défini pour partie à partir de notes de clients dressées au cours de ce même exercice ;

Considérant que l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat de fixer les chiffres d'affaires taxables réalisés par la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LE BELLECOUR" ; que, par suite, il y a lieu d'ordonner une expertise à l'effet de déterminer, le chiffre d'affaire réalisé par la société requérante au cours de la période du 1er janvier 1977 au 31 mars 1979, soit en utilisant la méthode du vérificateur, sous réserve de calculer de nouveaux coefficients de bénéfice brut et un nouveau coefficient général de répartition à partir de la comptabilité de l'exercice clos en 1976, soit, au cas où les éléments nécessaires pour procéder à un tel calcul feraient défaut, par toute autre méthode tenant compte des constatations de fait opérées par le jugement susmentionné du 24 février 1984 et des aveux faits par M. X... relatifs aux achats sans facture et aux dissimulations de recettes ;
Article 1er : Il est accordé à la SOCIETE A RESPONSABILITELIMITEE "LE BELLECOUR" décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités ou y afférant qui lui ont été assignés au titre de période du 1er avril 1975 au 31 décembre 1976.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LE BELLECOUR", procédé par un expert désigné par le président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat à une expertise en vue de déterminer, dans les conditions ci-dessus précisées, le montant du chiffre d'affaires effectivement réalisé par la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LE BELLECOUR" au cours de la période du 1er janvier 1977 au 31 mars 1979.

Article 3 : L'expert prêtera serment par écrit ; le rapport d'expertise sera déposé au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat dans le délai de 4 mois suivant la prestation du serment.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LE BELLECOUR" et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 57910
Date de la décision : 12/01/1987
Sens de l'arrêt : Décharge expertise
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-05 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS ASSIS SUR LES SALAIRES OU LES HONORAIRES VERSES


Références :

CGI 58
Loi 77-1453 du 29 décembre 1977 art. 3


Publications
Proposition de citation : CE, 12 jan. 1987, n° 57910
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Dulong
Rapporteur public ?: Racine

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:57910.19870112
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