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16/01/1987 | FRANCE | N°46070

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 16 janvier 1987, 46070


Vu la requête enregistrée le 5 octobre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Alice X..., épouse Y..., demeurant ... à Paris 75017 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 29 juin 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire en date du 9 mars 1979 refusant de la réintégrer dans ses fonctions de professeur de danse, à l'annulation de la décision du directeur du conservatoire en date du 7 juillet 1978 la licenciant, et à la condamnation

de la ville de Stains à lui verser les rémunérations dues depuis l...

Vu la requête enregistrée le 5 octobre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Alice X..., épouse Y..., demeurant ... à Paris 75017 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 29 juin 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire en date du 9 mars 1979 refusant de la réintégrer dans ses fonctions de professeur de danse, à l'annulation de la décision du directeur du conservatoire en date du 7 juillet 1978 la licenciant, et à la condamnation de la ville de Stains à lui verser les rémunérations dues depuis la cessation de ses fonctions ;
2° annule pour excès de pouvoir la décision du maire de Stains en date du 9 mars 1979, ensemble la décision du directeur du conservatoire en date du 7 juillet 1978 ;
3° condamne la ville de Stains à lui payer la somme de 112 000 F en réparation du préjudice subi,

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu la loi du 22 avril 1905 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Denis-Linton, Maître des requêtes,
- les observations de Me Pradon, avocat de Mme Alice Y... et de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de la ville de Stains,
- les conclusions de M. Marimbert, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que la lettre du directeur du conservatoire reçue par Mme Y... le 6 juillet 1978 constitue une décision de licenciement à l'encontre de la requérante ; que bien que prise par une autorité incompétente et sans que Mme Y... ait été invitée en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, à prendre connaissance de son dossier, cette décision n'est pas inexistante et fait grief à l'intéressée ; qu'il résulte de ses termes mêmes que la lettre du 5 septembre 1978 de Mme Y... n'est pas un recours gracieux et que le recours gracieux qu'elle a adressé au maire le 6 février 1979 était tardif ; que la décision du 9 mars 1979 du maire de Stains était dès lors purement confirmative ; que par suite les conclusions de sa demande dirigées contre la décision la licenciant enregistrées au greffe du tribunal administratif le 22 mars 1979, soit après l'expiration du délai de recours contentieux étaient tardives ; que c'est à bon droit que le tribunal administratif les a rejetées comme irrecevables ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant que les manquements de Mme Y... professeur de danse à temps partiel au conservatoire municipal de Stains, vis-à-vis des directives qui lui étaient adressées dans l'exercice de ses fonctions, étaient de nature à justifier l'application d'une sanction disciplinaire ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, le directeur du conservatoire municipal de Stains a commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant de licencier l'intéressée ; que l'illégalité de la mesure d'éviction dont Mme Y... a ainsi fait l'objet lui ouvre droit à la réparation intégrale du préjudice qu'elle a subi ;

Considérant d'une part qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral résultant du licenciement illégal de Mme Y... en fixant l'évaluation, compte tenu des circonstances de l'espèce, à 2 000 F ;
Considérant d'autre part que si en l'absence de service fait, l'intéressée ne peut prétendre au versement des rémunérations qu'elle aurait perçues si elle était restée en fonctions, elle a néanmoins droit à une indemnité égale au montant des rémunérations dont elle a été illégalement privée, déduction devant être faite des rémunérations éventuellement perçues par elle au titre d'une activité professionnelle exercée pendant la même période et qui ne l'auraient pas été si Mme Y... avait conservé son emploi à temps partiel au conservatoire de Stains ; que l'état du dossier ne permet pas de déterminer le montant de l'indemnité ainsi due ; qu'il y a lieu dès lors de renvoyer Mme Y... devant le maire de Stains pour être procédé à la liquidation de cette indemnité dans la limite de 110 000 F, somme à laquelle -déduction faite de l'indemnité de 2 000 F qui lui est accordée par la présente décision- Mme Y... a, en appel, limité ses prétentions de première instance, lesquelles, tendaient à obtenir le versement des rémunérations qu'elle aurait perçues et doivent ainsi être regardées comme ayant été chiffrées ;
Sur les intérêts :
Considérant que les intérêts sont dus à compter du 1er mars 1979 date à laquelle la ville de Stains a accusé réception de la demande d'indemnité de Mme Y... ; que la somme de 2 000 F allouée à Mme Y... portera intérêts à compter de cette date ainsi que l'indemnité qui lui est due par la commune de Stains, devant laquelle l'intéressée est renvoyée pour liquidation ;

Considérant que de tout ce qui précède, il résulte que Mme Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que l'article 1er du jugement attaqué a rejeté ses conclusions à fin d'indemnité et qu'il encourt, dans cette limite l'annulation ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 29 juin 1982 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'indemnité de la demande présentée par Mme Y... devant ce tribunal.

Article 2 : La commune de Stains est condamnée à verser à Mme Y... la somme de 2 000 F, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 1er mars 1979.

Article 3 : Mme Y... est renvoyée devant le maire de Stains pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle elle a droit sur les bases et dans les limites précisées par la présente décision. Cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter du 1er mars 1979.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y... et de sa demande devant le tribunal administratif de Paris est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Y..., à la commune de Stains et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 46070
Date de la décision : 16/01/1987
Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-10-06 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CESSATION DE FONCTIONS - LICENCIEMENT -Licenciement d'un professeur de danse - Erreur manifeste d'appréciation - Préjudice moral.


Références :

Loi du 22 avril 1905 art. 65


Publications
Proposition de citation : CE, 16 jan. 1987, n° 46070
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Denis-Linton
Rapporteur public ?: Marimbert

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:46070.19870116
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