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16/01/1987 | FRANCE | N°76992;77050;77065

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 16 janvier 1987, 76992, 77050 et 77065


Vu 1° sous le n° 76 992, la protestation, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 25 mars 1986, présentée pour M. Jules Carlos Jean Max XA..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule l'ensemble des opérations électorales qui se sont tenus le 16 mars 1986 dans le département de la Haute-Corse pour l'élection des membres de l'assemblée de Corse ;
2° décide que la présidence des bureaux de vote des villes de Bastia, San-Martino-di-Lota, Penta-di-Casinca, Verdese et Palasca sera assurée, lors des élections consécutives à l

'annulation des opérations électorales susvisées par des personnes désign...

Vu 1° sous le n° 76 992, la protestation, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 25 mars 1986, présentée pour M. Jules Carlos Jean Max XA..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule l'ensemble des opérations électorales qui se sont tenus le 16 mars 1986 dans le département de la Haute-Corse pour l'élection des membres de l'assemblée de Corse ;
2° décide que la présidence des bureaux de vote des villes de Bastia, San-Martino-di-Lota, Penta-di-Casinca, Verdese et Palasca sera assurée, lors des élections consécutives à l'annulation des opérations électorales susvisées par des personnes désignées par le président du tribunal de grande instance ;
Vu 2° sous le n° 77 050, la protestation, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 26 mars 1986, présentée par M. Emile A..., demeurant ... à Paris 75016 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule l'ensemble des opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 1986 dans le département de la Haute-Corse pour l'élection des membres de l'assemblée de Corse ;
2° annule par voie de conséquence l'élection du président de l'assemblée de Corse et du bureau de cette assemblée ;
3° décide que la présidence des bureaux de vote sera assurée, lors de l'élection consécutive à l'annulation, des opérations électorales susvisées par une personne désignée par le président du tribunal de grande instance ;
Vu 3° sous le n° 77 065 le recours, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 26 mars 1986, présenté par le commissaire de la République du département de la Haute-Corse et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule l'élection à l'assemblée de Corse le 16 mars 1986 de :
- M. Jean-Charles H..., demeurant ... ;
- M. Paul XW..., demeurant ... ;
- M. Paul U..., demeurant à Borgo 20290 ;
- M. Antoine M..., demeurant à Ghisonaccia 20240 ;
- M. Sauveur N..., demeurant Biguglia village à Bastia 20200 ;
- M. Jean-Louis X..., demeurant ... ;
- M. François XX..., demeurant ... ;
- M. Charles R..., demeurant résidence Fior di Mare - Bât. A - Ville di Pietrabugno à Bastia 20200 ;
- M. Paul Q..., demeurant à Venaco Haute-Corse ;
- M. Joseph G..., demeurant villa Ficajola - Saint-Joseph à Bastia 20200 ;
- M. Jules-Laurent K..., demeurant Marine de Davia à Corbara Haute-Corse ;
- M. Antoine-Louis S..., demeurant ... ;
- M. Marcel L..., demeurant à Saint-Florent Haute-Corse ;
- M. Dominique C..., demeurant résidence Duc de Padoue à Corte Haute-Corse ;

- M. Alexandre Y..., demeurant ... à Bastia 20200 ;
- M. Fernand XE..., demeurant à Casabianca Haute-Corse ;
- M. Emile A..., demeurant à Castello di Rostino Haute-Corse ;
- M. Jean B..., demeurant ... ;
- M. Ours-Ange-Pierre Gimaldi, demeurant à La Porta Haute-Corse ;
- M. Jean E..., demeurant à Pietralba Haute-Corse ;
- M. Joseph-Ferdinand G..., demeurant 7 rue Notre-Dame-de-Lourdes à Bastia 20200 ;
- M. François-Marie O..., demeurant à Calacuccia Haute-Corse ;
- M. Simon-Jean XY..., demeurant ... ;
- M. Jean T..., demeurant immeuble "Monte Stello" - quartier Giambelli à Bastia 20200 ;
- M. Laurent I..., demeurant résidence Sainte Lucie - Bât 5 - L'Annonciade à Bastia 20200 ;
- M. Marc XD..., demeurant à Rutali 20283 ;
- M. Max XA..., demeurant Fior di Linu - Hall D - Pietranera à Bastia 20200 ;
- M. Léo D..., demeurant ... ;
- M. Michel-Jean F..., demeurant ... à Bastia 20200 ;
- M. Michel XB..., demeurant à Grigione - Santa-Maria-di-Lota à Bastia 20200 ;
- M. Albert XC..., demeurant ... à Bastia 20200 ;
- M. Jean-Jacques V..., demeurant Pietranera à Bastia 20200 ;
- M. Vincent J..., demeurant ... ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code électoral et notamment son livre IV ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;
Vu la loi n° 86-16 du 6 janvier 1986 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Descoings, Auditeur,
- les observations de Me Spinosi, avocat de M. XA... et de la S.C.P. Piwnica, Molinié, avocat de M. P... et autres,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les protestations de MM. XA... et Z... de Casanova ainsi que le déféré du commissaire de la République du département de la Haute-Corse tendent à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 1986 dans le département de la Haute-Corse pour l'élection des membres de l'assemblée de Corse ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des opérations électorales :
Considérant d'une part qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations faites par la commission de contrôle des opérations électorales qu'au cours du scrutin auquel il a été procédé le 16 mars 1986 à Bastia en vue d'élire les membres du conseil régional de Corse, de nombreuses procurations suspectes ont été utilisées sans que la vérification de leur régularité ait pu avoir lieu en raison de la disparition de la totalité des volets de procuration à l'issue des opérations de vote ; que dans 6 des 17 bureaux de vote de cette ville, de nombreux électeurs ne sont pas passés dans les isoloirs ; que dans trois de ces bureaux des électeurs ont été admis à voter sans qu'ils aient justifié de leur identité ;
Considérant d'autre part que les listes d'émargements des dix sept bureaux de vote de la ville de Bastia n'ont été remises aux officiers de police mandatés par le commissaire de la République pour être acheminées à la préfecture que le 17 mars 1986 à 1 h 40 alors que la proclamation des résultats était intervenue le 16 mars à 21 h 30 ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de deux constats d'huissier et des attestations d'un grand nombre de membres des bureaux de vote que les listes d'émargement ainsi transmises à la préfecture ne sont pas celles utilisées lors du scrutin ; qu'en particulier dix de ces listes comportent uniquement des croix alors que les listes originales avaient été émargées par des paraphes ; que sur onze d'entre elles ne figuraient, contrairement aux listes originales, ni la comptabilisation des votes ni la signature des membres du bureau ;

Considérant que les faits ainsi relevés privent le juge de l'élection de la possibilité d'exercer son contrôle sur les opérations électorales ; qu'en raison de la gravité et du caractère organisé de la fraude qu'ils révèlent, l'ensemble des opérations électorales qui se sont déroulées à Bastia le 16 mars 1986 doivent être regardées comme entachées de nullité ; que compte tenu de la proportion importante du nombre d'électeurs votant à Bastia, cette nullité est de nature à altérer les résultats du scrutin dans l'ensemble du département de la Haute-Corse ; que les requérants sont, par suite, fondés à demander l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 1986 pour l'élection des membres de l'assemblée de Corse dans ce département ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 118-1 du code électoral :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 118-1 du code électoral : "La juridiction administrative, en prononçant l'annulation d'une décision pour fraude, peut décider que la présidence d'un ou plusieurs bureaux de vote sera assurée par une personne désignée par le président du tribunal de grande instance lors de l'élection partielle consécutive à cette annulation" ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations électorales à Bastia ont révélé l'existence de manoeuvres frauduleuses ; qu'il y a lieu dès lors pour le Conseil d'Etat de décider que la présidence de chacun des bureaux de vote de la ville de Bastia sera assurée par une personne désignée par le président du tribunal de grande instance lors des élections consécutives à l'annulation prononcée ; qu'il n'y a, en revanche, pas lieu d'ordonner la même mesure pour les autres bureaux de vote du département ;
Sur les conclusions de la requête n° 77 050 tendant à l'annulation par voie de conséquence de l'élection du président et des membres du bureau de l'assemblée de Corse :

Considérant qu'au nombre des membres de l'assemblée de Corse dont l'élection est annulée par la présente décision figurent MM. B..., H..., U..., Géronimi, Q..., C... et T... ; que ces derniers ayant ainsi perdu leur qualité de membre de l'assemblée, leur élection au bureau de celle-ci doit, par voie de conséquence, être annulée ;
Considérant, en revanche, que l'élection du président et des membres du bureau de l'assemblée de Corse résulte d'opérations électorales distinctes des opérations qui se sont déroulées en vue d'élire les membres de l'assemblée elle-même ; que ceux de ses membres qui ont été irrégulièrement élus doivent être regardés comme légalement investis de leur mandat tant que leur élection n'a pas été annulée ; qu'ils ont ainsi pu participer à l'élection du président et des membres du bureau de l'assemblée sans entacher celle-ci d'irrégularité ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'annulation de l'élection des conseillers régionaux désignés dans la circonscription de la Haute-Corse doit entraîner, par voie de conséquence, celle du président et de tous les membres du bureau de cette assemblée ;
Article 1er : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 1986 dans le département de la Haute-Corse pour l'élection des membres de l'assemblée de Corse sont annulées ainsi, par voie de conséquence, que l'élection de MM. B..., H..., U..., Géronimi, Q..., C... et Notroni en qualité de membresdu bureau de l'assemblée de Corse.

Article 2 : Lors des élections partielles consécutives à l'annulation prononcée à l'article 1er, chacun des bureaux de vote dela ville de Bastia sera présidé par une personne désignée par le président du tribunal de grande instance.

Article 3 : Le surplus des protestations de MM. XA... et Z... de Casanova est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au commissaire dela République du département de la Haute-Corse, à MM. XZ..., Z... de Casanova, Franceschi, Calendini, H..., Patriarche, U..., M..., N..., X..., XX..., R..., Q..., G..., K..., S..., L..., C..., Y..., XE..., B..., Grimaldi, E..., G..., O..., XY..., Montroni, I..., XD..., Mattesti, F..., Michel XB..., Albert XB..., Padovani et J..., au président du conseil régional de Corse et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 76992;77050;77065
Date de la décision : 16/01/1987
Sens de l'arrêt : Annulation totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 ELECTIONS - ELECTIONS REGIONALES - POUVOIRS DU JUGE DE L'ELECTION - [1] - RJ1 Annulation de l'élection des conseillers régionaux élus dans un département - Annulation n'entraînant pas l'annulation par voie de conséquence de l'élection du président du conseil régional - élu dans un autre département [1] - [2] Régularité des opérations électorales altérée par une fraude massive dans une localité importante de l'un des deux départements de la région - Annulation des résultats du scrutin dans l'ensemble de ce département.

28-025-05[2] Au cours du scrutin auquel il a été procédé le 16 mars 1986 à Bastia en vue d'élire les membres du conseil régional de Corse, plusieurs irrégularités graves ont été constatées. En particulier, de nombreuses procurations suspectes ont été utilisées sans que la vérification de leur régularité ait pu avoir lieu en raison de la disparition de la totalité des volets de procuration à l'issue des opérations de vote. Les listes d'émargement des 17 bureaux de vote de la ville, transmises à la préfecture plusieurs heures après la proclamation des résultats, n'étaient pas celles utilisées lors du scrutin. Les faits ainsi relevés privent le juge de l'élection de la possibilité d'exercer son contrôle sur les opérations électorales. En raison de la gravité et du caractère organisé de la fraude qu'ils révèlent, l'ensemble des opérations électorales qui se sont déroulées à Bastia le 16 mars 1986 doivent être regardées comme entachées de nullité. Compte tenu de la proportion importante du nombre d'électeurs votant à Bastia, cette nullité est de nature à altérer les résultats du scrutin dans l'ensemble du département de la Haute-Corse. Annulation des opérations électorales qui se sont déroulées dans ce département pour l'élection des membres de l'Assemblée de Corse.

- RJ1 ELECTIONS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS DU JUGE - ANNULATION D'UNE ELECTION - CONSEQUENCES DE L'ANNULATION - Annulation des opérations électorales quise sont déroulées en Haute-Corse en vue de l'élection des membres de l'Assemblée de Corse - Annulation n'entraînant pas l'annulation par voie de conséquence de l'élection du président du conseil régional - élu dans un autre département [1].

28-08-05-04-03 Les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations électorales à Bastia, à l'occasion des élections régionales, ayant révélé l'existence de manoeuvres frauduleuses, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de décider que la présidence de chacun des bureaux de vote de la ville de Bastia sera assurée par une personne désignée par le président du tribunal de grande instance lors des élections consécutives à l'annulation prononcée.

ELECTIONS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS DU JUGE - ANNULATION D'UNE ELECTION - POUVOIRS SPECIAUX DU JUGE ELECTORAL - Application des articles L - 117-1 et L - 118-1 du code électoral - Irrégularités constitutives de fraude - Existence - Pouvoir de communiquer le dossier au procureur de la République - Conditions - Pouvoir de décider que la présidence des bureaux de vote lors de la nouvelle élection sera assurée par une personne désignée par le président du tribunal de grande instance.

28-025-05[1], 28-08-05-04-02 Annulation pour fraude électorale des opérations électorales qui se sont déroulées en Haute-Corse en vue de l'élection des membres de l'Assemblée de Corse. Ceux des membres de l'assemblée dont l'élection est ainsi annulée ayant, de ce fait, perdu leur qualité de membre, leur élection au bureau de l'assemblée doit, par voie de conséquence, être annulée. En revanche, l'élection du président et des membres du bureau de l'Assemblée de Corse résulte d'opérations électorales distinctes des opérations qui se sont déroulées en vue d'élire les membres de l'assemblée elle-même. Ceux de ses membres qui ont été irrégulièrement élus doivent être regardés comme légalement investis de leur mandat tant que leur élection n'a pas été annulée. Ils ont ainsi pu participer à l'élection du président et des membres du bureau de l'assemblée sans entacher celle-ci d'irrégularité. Rejet de la demande tendant à l'annulation de l'élection du président, élu en Corse-du-Sud, et de ceux des membres du bureau qui sont également élus de la Corse-du-Sud.


Références :

Code électoral L118-1

1. Comp. s'agissant d'élections municipales, avec un mode de scrutin différent : Assemblée, 1984-01-27, Election du maire de Villepinte, p. 27


Publications
Proposition de citation : CE, 16 jan. 1987, n° 76992;77050;77065
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Descoings
Rapporteur public ?: M. Stirn

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:76992.19870116
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