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06/02/1987 | FRANCE | N°63614

France | France, Conseil d'État, 06 février 1987, 63614


Vu le recours enregistré le 26 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté au nom de l'Etat par le ministre de l'urbanisme, du logement et des transports, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- réforme le jugement en date du 16 août 1984, par lequel le tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à la société civile immobilière L'EMPEREUR une indemnité de dix millions de francs, avec les intérêts et les intérêts des intérêts, en réparation du préjudice causé par un refus de permis de construire annulé par le tribunal adminis

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2°- réduise le montant de l'indemnité à verser à la société civile...

Vu le recours enregistré le 26 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté au nom de l'Etat par le ministre de l'urbanisme, du logement et des transports, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- réforme le jugement en date du 16 août 1984, par lequel le tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à la société civile immobilière L'EMPEREUR une indemnité de dix millions de francs, avec les intérêts et les intérêts des intérêts, en réparation du préjudice causé par un refus de permis de construire annulé par le tribunal administratif,
2°- réduise le montant de l'indemnité à verser à la société civile immobilière L'EMPEREUR à la somme de 33 668,30 F,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Girault, Auditeur,
- les observations de Me Boullez, avocat de la société civile immobilière L'EMPEREUR,
- les conclusions de M. E. Guillaume, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un jugement du 3 juin 1980 devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a annulé une décision du 14 juin 1974 du préfet des Hauts-de-Seine refusant à la société civile immobilière L'EMPEREUR le permis de construire un immeuble à Rueil-Malmaison et a décidé que la responsabilité de l'Etat était engagée à l'égard de cette société en raison de l'illégalité des décisions de sursis à statuer qui lui ont été opposées le 29 juin 1971, le 10 février 1972 et le 27 juin 1973, et des refus de permis de construire opposés à ses demandes à partir du 14 juin 1974 ;
Considérant que l'expert désigné par le tribunal administratif de Paris, notamment pour rechercher si et dans quelle mesure il était résulté des décisions administratives un manque à gagner pour la société, n'a pas excédé la mission qui lui était impartie en évaluant le montant de ce manque à gagner ; qu'ainsi l'expertise a été régulière ;
Considérant qu'aucun motif légal ne pouvait justifier les refus de permis de construire ; qu'aucune faute ou imprudence ne peut être imputée à la société civile immobilière L'EMPEREUR ; que la procédure d'expropriation de ses terrains, engagée en 1975, l'a définitivement empêchée de réaliser son projet ; qu'elle a été privée des bénéfices qu'elle pouvait raisonnablement attendre de la vente des immeubles prévus et que, dans les circonstances de l'espèce, ce préjudice présente un caractère direct et certain ;
Considérant que, si la société a déposé plusieurs demandes de permis de construire correspondant à des projets de nature et d'importance différentes, il y a lieu de retenir pour l'évaluation du préjudice effectivement subi le projet figurant dans la demande déposée le 30 août 1971, confirmée le 24 avril 1974 et rejetée par arrêté du 14 juin 1974, dès lors que les autres demandes n'ont été maintenues ou déposées qu'en raison de ce premier refus de permis de construire ; que, si l'administration soutient que la société civile immobilière L'EMPEREUR n'était pas propriétaire de trois parcelles nécessaires à la réalisation de cette opération, la société allègue sans être contredite avoir eu des options sur ces parcelles, options qu'elle aurait levées dès l'octroi du permis ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, et en raison notamment de la nature et de l'importance du projet de la société, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par elle en l'évaluant à deux millions de francs ; que, dès lors, il y a lieu de réduire à ce montant la somme que l'Etat a été condamné à payer par le jugement attaqué du tribunal administratif de Paris et de rejeter le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'URBANISME, DU LOGEMENT ET DES TRANSPORTS relatives au montant de l'indemnité, ainsi que le recours incident de la société civile immobilière L'EMPEREUR ;
Sur les intérêts :
Considérant que la demande d'indemnité présentée par la société a été reçue le 30 décembre 1974 par le ministre de l'équipement ; que, dès lors, la somme due par l'Etat doit porter intérêt à compter, non du 24 décembre 1974, comme le tribunal administratif l'a décidé à tort, mais du 30 décembre 1974 ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 17 mai 1985 et le 8 décembre 1986 ; qu'à ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article ler : La somme de 10 millions de francs que l'Etat a été condamné à verser à la société civile immobilière L'EMPEREUR par le jugement du tribunal administratif de Paris du 16 août 1984 est ramenée à 2 millions de francs.

Article 2 : Cette somme portera intérêts à compter du 30 décembre 1974. Les intérêts échus le 17 mai 1985 et le 8 décembre 1986 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 16 août 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'urbanisme, du logement et des transports et le recours incident de la société civile immobilière L'EMPEREUR sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière L'EMPEREUR et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 63614
Date de la décision : 06/02/1987
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE DIRECT DU PREJUDICE - Refus illégal de permis de construire - Manque à gagner d'une société civile immobilière sur la vente des immeubles prévus.

URBANISME ET AMENEGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITE - Refus illégal de permis de construire - Préjudice - Caractère direct et certain - Existence - Manque à gagner sur la vente des immeubles prévus.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 06 fév. 1987, n° 63614
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Girault
Rapporteur public ?: M. E. Guillaume

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:63614.19870206
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