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06/03/1987 | FRANCE | N°56537

France | France, Conseil d'État, 6 ss, 06 mars 1987, 56537


Vu 1° le recours enregistré sous le n° 56 537 le 24 janvier 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le ministre de l'intérieur et de la décentralisation, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du 7 décembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a déclaré nul l'arrêté du 23 décembre 1981 du Commissaire de la République du département de l'Isère ayant déclaré d'utilité publique le projet d'acquisition de terrains situés dans la future zone d'aménagement concerté de Rocheplaine, sur le territoire de la commune d

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Vu 1° le recours enregistré sous le n° 56 537 le 24 janvier 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le ministre de l'intérieur et de la décentralisation, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du 7 décembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a déclaré nul l'arrêté du 23 décembre 1981 du Commissaire de la République du département de l'Isère ayant déclaré d'utilité publique le projet d'acquisition de terrains situés dans la future zone d'aménagement concerté de Rocheplaine, sur le territoire de la commune de Saint-Egrève, pour défaut d'avis du Commissaire adjoint de la République chargé de l'arrondissement chef-lieu ;
Vu 2° la requête et le mémoire, enregistrés comme ci-dessus le 25 janvier 1984, sous le n° 56 544, présentés pour la commune de Saint-Egrève, tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 7 décembre 1983, et rejette le recours en annulation formé par la Société European Homes contre l'arrêté du Préfet de l'Isère du 23 décembre 1981 déclarant d'utilité publique l'acquisition par la commune de Saint-Egrève des terrains situés sur la future ZAC de Rocheplaine ;
Vu 3° la requête enregistrée le 27 juillet 1984 sous le n° 61 232, et le mémoire complémentaire, enregistré le 21 novembre 1984 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société S.A.R.L. European Homes, dont le siège est à ..., agissant poursuites et diligence de ses dirigeants domiciliés audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule un jugement en date du 8 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, sur tierce opposition de la Société d'Aménagement du département de l'Isère, a déclaré non avenu jugement du 7 décembre 1983 et rejeté la requête de la Société Européenne Homes tendant à l'annulation de l'arrêté du Préfet de l'Isère en date du 23 décembre 1981 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu la loi du 28 pluviose an VIII ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Arnoult, Maître des requêtes,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la SOCIETE EUROPEAN HOMES, de la SCP Waquet, avocat de la COMMUNE DE SAINT-EGREVE et de la SCP Piwnica-Molinié, avocat de la SOCIETE D'AMENAGEMENT DE L'ISERE,
- les conclusions de M. E. Guillaume, Commissaire du gouvernement ;
Sur la jonction :

Considérant que les requêtes n° 56 537 du ministre de l'intérieur, n° 56 544 de la commune de Saint-Egrève et 61 232 de la SARL European Homes concernent toutes la légalité de l'arrêté du 23 décembre 1981 du Préfet du département de l'Isère ayant déclaré d'utilité publique le projet d'acquisition de terrains situés dans la fuure zone d'aménagement concerté de Rocheplaine, sur le territoire de la commune de Saint-Egrève ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une seule décision ;
Sur la requête n° 61 232 :
Sur la recevabilité de la tierce opposition de la Société d'Aménagement du Département de l'Isère :
Considérant que la Société d'Aménagement et de Développement du département de l'Isère n'était ni régulièrement appelée, ni présente dans l'instance qui a abouti au jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 7 décembre 1983 ; que ce jugement, en annulant l'arrêté du Préfet de l'Isère en date du 23 décembre 1981 déclarant d'utilité publique l'acquisition de terrains, préjudiciait aux droits de la Société d'Aménagement du Département de l'Isère, concessionnaire de la commune de Saint-Egrève, qui était autorisée par le même arrêté à acquérir les terrains nécessaires à l'opération envisagée ; qu'ainsi, la demande en tierce opposition formée contre ce jugement par la société était recevable, même si le ministre de l'intérieur et de la décentralisation et la commune de Saint-Egrève avaient alors interjeté appel contre le même jugement et que la société eût pu intervenir sur les appels du ministre et de la commune ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Grenoble a déclaré recevable, par son jugement du 8 juin 1984, la tierce opposition de la Société d'Aménagement du Département de l'Isère contre son précédent jugement du 7 décembre 1983 ;
Sur le fond :
Sur la légalité externe :

Considérant que selon les dispositions de l'article R. 11-10, deuxième paragraphe, du code de l'expropriation "le commissaire enquêteur... transmet le dossier avec les conclusions soit au préfet si l'enquête est ouverte à la préfecture, soit au sous-préfet dans les autres cas. Le dossier est transmis, le cas échéant, par le sous-préfet au préfet avec son avis" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 28 pluviôse an VIII, en vigueur à la date de la signature de l'arrêté attaqué : "Dans les arrondissements communaux où sera situé le chef-lieu du département, il n'y aura pas de sous-préfet" ; qu'aux termes de l'article 5 du décret modifié du 24 juin 1950 : "Pour l'arrondissement chef-lieu, le Préfet peut déléguer à un membre du corps préfectoral en service dans le département les attributions qui lui sont confiées en vertu de l'article 11 de la loi du 28 pluviôse an VIII" ; que le Préfet de l'Isère a donné délégation le 27 décembre 1979 au sous-préfet chargé de mission, pour exercer les fonctions de sous-préfet de l'arrondissement chef-lieu, mais que cette délégation excluait les communes faisant partie, comme celle de Saint-Egrève, du syndicat intercommunal d'études, de programmation et d'aménagement de l'agglomération grenobloise ; qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE EUROPEAN HOMES n'était pas fondée à soutenir que, faute d'avoir été soumise à l'avis du sous-préfet chargé de l'arrondissement chef-lieu, l'arrêté attaqué du préfet de l'Isère en date du 23 décembre 1981 avait été pris à la suite d'une procédure irrégulière ;

Considérant que la commission d'enquête, tout en exprimant un voeu sur l'ampleur des constructions à prévoir dans le plan d'aménagement de zone, a donné un avis expressément favorable sur le caractère d'utilité publique de l'acquisition des terrains ; qu'ainsi, la Société European Homes n'est pas fondée à soutenir que, faute d'un tel avis, la déclaration d'utilité publique aurait dû être prononcée, conformément à l'article R.11-2 du code de l'expropriation, par décret en Conseil d'Etat ;
Considérant que le secrétaire général de la préfecture avait reçu une délégation de signature régulière de la part du préfet de l'Isère ;
Considérant que, selon les dispositions de l'article R. 11-3-II du code de l'expropriation, le dossier envoyé au préfet doit comprendre "lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles ... ou en vue d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : 1° une notice explicative, 2° le plan de situation, 3° le périmètre délimitant les immeubles à exproprier, 4° l'estimation sommaire des acquisitions à réaliser" ; que le dossier satisfaisait à ces conditions ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 11 juillet 1979 "doivent... être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement" ; que l'acte déclaratif d'utilité publique ne présente pas le caractère d'une décision administrative individuelle et, dès lors, n'a pas à être motivé ; que, dans ces conditions, la circonstance que l'arrêté attaqué ne comporterait qu'une motivation insuffisante est sans influence sur sa légalité ;

Sur la légalité interne :

Considérant que l'opération projetée tend à atténuer le déficit de logements sociaux dans l'agglomération grenobloise, souligné par la commission d'enquête ; que la SARL European Homes, qui en conteste l'utilité publique au motif qu'elle ne répondrait à aucun besoin social et que son coût, de même que l'atteinte portée à la propriété privée, seraient sans proportion avec l'utilité du projet, n'apporte aucune précision, ni justification à l'appui de ses affirmations ;
Considérant que l'opération critiquée ayant été effectuée dans un but d'intérêt général, la Société European Homes n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait eu pour but exclusif que de tenir en échec le projet de construction de la Société et constituerait de ce fait un détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL European Homes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a, par son jugement du 8 juin 1984, déclaré recevable la requête en tierce opposition présentée par la Société d'Aménagement et de Développement du département de l'Isère et déclaré non avenu le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 7 décembre 1983 ;
Sur les requêtes n°s 56 537 du ministre de l'intérieur et de la décentralisation et 56 544 de la commune de Saint-Egrève :
Considérant que par voie de conséquence, les requêtes n°s 56 537 du ministre de l'intérieur et de la décentralisation et 56 544 de la commune de Saint-Egrève tendant à l'annulation du jugement précité du 7 décembre 1983, ainsi que l'intervention de la Société d'aménagement et de développement du département de l'Isère sont devenues sans objet ;
Article 1er : La requête de la SARL European Homes tendantà l'annulation du jugement du 8 juin 1984 du tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes n°s 56537 du ministre de l'intérieur et de la décentralisation et 56 544 dela commune de Saint-Egrève, et sur l'intervention de la Société de Développement et d'Aménagement du département de l'Isère.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur, à la commune de Saint-Egrève, à la Société de Développement et d'Aménagement du département de l'Isère et à la SARLEuropean Homes.


Synthèse
Formation : 6 ss
Numéro d'arrêt : 56537
Date de la décision : 06/03/1987
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME - QUESTIONS GENERALES - MOTIVATION - MOTIVATION OBLIGATOIRE [ART - 1 ET 2 DE LA LOI DU 11 JUILLET 1979] - ABSENCE - Acte déclaratif d'utilité publique.

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - REGLES GENERALES DE LA PROCEDURE NORMALE - ENQUETES - ENQUETE PREALABLE - Procédure d'enquête - Commission d'enquête - Avis expressement favorable.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - TIERCE-OPPOSITION - RECEVABILITE - Jugement annulant l'acte déclarant d'utilité publique l'acquisition par une commune de terrains situés sur une future zone d'aménagement concerté - Tierce opposition de la société d'aménagement et de développement du département.


Références :

. Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 2
Arrêté préfectoral du 23 décembre 1981 Isère déclaration d'utilité publique décision attaquée annulation
Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique R11-10 par. 2, R11-2, R11-3 II
Décret 50-722 du 24 juin 1950 art. 5
Loi 28 Pluviose an VIII art. 11

Cf. Conseil d'Etat, Commune de Guidel, 1983-02-11, n° 41233


Publications
Proposition de citation : CE, 06 mar. 1987, n° 56537
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Arnoult
Rapporteur public ?: E. Guillaume

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:56537.19870306
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