La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/1987 | FRANCE | N°54140

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 03 avril 1987, 54140


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 septembre 1983 et 9 janvier 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. François X..., demeurant ... à Paris 75016 , M. Philippe X..., demeurant ... à Paris 75007 et Mme Henriette Z..., demeurant ... à Paris 75007 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 15 juin 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation d'une décision du ministre de la culture refusant de considérer comme irrégulière la

prise de possession par l'Etat d'un objet d'art leur appartenant, de...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 septembre 1983 et 9 janvier 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. François X..., demeurant ... à Paris 75016 , M. Philippe X..., demeurant ... à Paris 75007 et Mme Henriette Z..., demeurant ... à Paris 75007 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 15 juin 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation d'une décision du ministre de la culture refusant de considérer comme irrégulière la prise de possession par l'Etat d'un objet d'art leur appartenant, de leur restituer ledit objet ou de leur verser une indemnité ;
2° annule la décision du ministre de la culture, ordonne la restitution de l'objet ou subsidiairement condamne l'Etat au paiement d'une indemnité égale à la différence entre la valeur réelle de cet objet et le prix versé pour son acquisition ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 23 juin 1941 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Aubin, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. François X..., M. Philippe X... et de Mme Henriette Z... et de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat du ministre de la culture,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 23 juin 1941 relative à l'exportation des oeuvres d'art, "les objets présentant un intérêt national d'histoire ou d'art ne pourront être exportés sans une autorisation du secrétaire d'Etat à l'éducation nationale et à la jeunesse, qui devra se prononcer dans le délai d'un mois à partir de la déclaration fournie à la douane par l'exportateur .... " et qu'aux termes de l'article 2 de la même loi, "l'Etat a le droit de retenir .... au prix fixé par l'exportateur, les objets proposés à l'exportation . Ce droit pourra s'exercer pendant une période de six mois" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 8 décembre 1977, le ministre de la culture et de l'environnement a prononcé, en application des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 23 juin 1941, l'acquisition par l'Etat d'une croix en émail que M. Jacques X... avait demandé l'autorisation d'exporter et dont il avait fixé la valeur, dans sa déclaration à la douane, à 50 000 F ; que ses héritiers ont demandé au ministre de déclarer que cette acquisition avait été décidée irrégulièrement puis ont déféré au juge administratif le rejet de cette demande, en sollicitant la restitution de l'objet ou le versement d'une indemnité tenant compte de sa valeur réelle ;
En ce qui concerne les conclusios à fin d'annulation :
Considérant que la décision du 23 septembre 1982 par laquelle le ministre de la culture a rejeté la demande des consorts X... tendant à ce qu'il constate que l'acquisition de la croix avait été opérée irrégulièrement est purement confirmative de l'arrêté du 8 décembre 1977 décidant cette acquisition, régulièrement notifié à M. X... et devenu définitif ; que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 23 septembre 1982 ne sont, dès lors, pas recevables ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que soit prononcée la restitution de l'objet :

Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; que les conclusions susanalysées ne peuvent donc qu'être rejetées ;
En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnité en tant qu'elles sont fondées sur une prétendue illégalité de l'arrêté du 8 décembre 1977 :
Considérant que le ministre de la culture et de l'environnement, à qui incombe la protection du patrimoine artistique et l'enrichissement des musées, était compétent pour prononcer au nom de l'Etat et sans avoir à recueillir l'avis du ministre de l'économie et des finances l'acquisition de l'objet litigieux en application de la loi du 23 juin 1941 ;
Considérant que, par un arrêté du 23 novembre 1977 publié au Journal Officiel du 26 novembre 1977, M. Hubert Y..., directeur des musées de France avait reçu délégation permanente du ministre de la culture et de l'environnement à l'effet de signer dans la limite de ses attributions et au nom du ministre tous actes, arrêtés et décisions ; qu'il était, dès lors, compétent pour signer le 8 décembre 1977 l'arrêté décidant l'acquisition contestée ;
Considérant que le ministre de la culture et de l'environnement n'était pas tenu, avant de décider l'acquisition de la croix, de prononcer, par une décision expresse, le sursis à statuer sur la demande d'autorisation d'exporter cet objet présentée par M. X... ; que le silence gardé pendant plus d'un mois sur cette demande n'a pas fait naître une autorisation implicite d'exportation ; que les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que la décision d'acquisition aurait été prise sur une procédure irrégulière et en méconnaissance des droits qu'aurait conférés à M. X... une autorisation implicite d'exportation ;

Considérant qu'un défaut éventuel de notification n'entacherait pas d'illégalité l'arrêté du 8 décembre 1977 ; que cet arrêté a, d'ailleurs, été notifié à M. X... sous la forme d'un mémoire d'achat signé par lui le 20 décembre 1977 ;
Considérant qu'ainsi que le prévoit l'article 2 de la loi du 23 juin 1941, l'acquisition par l'Etat de l'objet appartenant à M. X... a été faite au prix qu'il avait lui-même fixé ; que la circonstance que ce prix aurait été très inférieur à la valeur réelle de l'objet n'entache pas d'illégalité la décision prise ; que l'administration n'a commis aucune faute en ne prévenant pas M. X... de l'erreur qu'il aurait commise sur l'estimation de la valeur de son bien et en ne lui proposant pas de l'acquérir à un prix supérieur à celui qui résultait de la déclaration à la douane ;
Considérant que les consorts X... ne peuvent utilement invoquer la circonstance que l'arrêté du 8 décembre 1977 méconnaîtrait le principe de juste indemnisation des propriétaires dépossédés dans un intérêt public et le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques pour soutenir que cette décision, intervenue conformément à l'article 2 de la loi du 23 juin 1941, serait entachée d'illégalité ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnité en tant qu'elles sont fondées sur une prétendue responsabilité sans faute de l'Etat :
Considérant qu'en prévoyant que l'acquisition par l'Etat d'un objet proposé à l'exportation se ferait au prix fixé par l'exportateur, la loi du 23 juin 1941 a entendu exclure toute indemnisation du propriétaire auquel une telle acquisition légalement décidée causerait un préjudice ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;
Article ler : La requête susvisée des consorts X... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. François X..., M. Philippe X..., Mme Henriette Z... et au ministre de la culture et de la communication.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ARTS ET LETTRES - GENERALITES - Régime des oeuvres d'art - Rétention d'oeuvres d'art proposées à l'exportation au profit des collections publiques [article 2 de la loi du 23 juin 1941] - [1] - RJ1 Conditions - Circonstances n'entachant pas d'illégalité la décision prise - Prix très inférieur à la valeur réelle [1] - [2] Absence de responsabilité sans faute de l'Etat.

09-005[1], 14-07-02[1] Par un arrêté du 8 décembre 1977, le ministre de la culture et de l'environnement a prononcé, en application des dispositions de l'article 2 de la loi du 23 juin 1941 relative à l'exportation des oeuvres d'art, l'acquisition par l'Etat d'une croix en émail que M. H. avait demandé l'autorisation d'exporter et dont il avait fixé la valeur, dans sa déclaration en douane, à 50.000F. Ses héritiers ont demandé au ministre de déclarer que cette acquisition avait été décidée irrégulièrement puis ont déféré au juge administratif le rejet de cette demande, en sollicitant la restitution de l'objet ou le versement d'une indemnité tenant compte de sa valeur réelle. Ainsi que le prévoit l'article 2 de la loi du 23 juin 1941, l'acquisition par l'Etat de l'objet appartenant à M. H. a été faite au prix qu'il avait lui même fixé. La circonstance que ce prix aurait été très inférieur à la valeur réelle de l'objet n'entache pas d'illégalité la décision prise. L'administration n'a commis aucune faute en ne prévenant pas M. H. de l'erreur qu'il aurait commise sur l'estimation de la valeur de son bien et en ne lui proposant pas de l'acquérir à un prix supérieur à celui qui résultait de la déclaration à la douane.

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - COMMERCE EXTERIEUR - EXPORTATIONS - Exportation d'oeuvres d'art - Objets présentant un intérêt national d'histoire ou d'art [loi du 23 juin 1941] - Rétention de l'objet par l'Etat au prix fixé par l'exportateur - [1] - RJ1 Prix très inférieur à la valeur réelle - Circonstances n'entachant pas d'illégalité la décision prise - [2] - RJ1 Absence de responsabilité sans faute de l'Etat.

09-005[2], 14-07-02[2], 60-01-02-01-01-02 En prévoyant que l'acquisition par l'Etat d'un objet d'art proposé à l'exportation se ferait au prix fixé par l'exportateur, la loi du 23 juin 1941 a entendu exclure toute indemnisation du propriétaire auquel une telle acquisition légalement décidée causerait un préjudice.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE FONDEE SUR L'EGALITE DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES - RESPONSABILITE DU FAIT DE LA LOI - Indemnisation sur le fondement de la responsabilité sans faute de du propriétaire d'un objet d'art acquis par l'Etat - Absence [1].


Références :

Loi du 23 juin 1941 art. 1, art. 2

1.

Cf. Assemblée, 1969-12-12, Heli de Talleyrand-Périgord, p. 574


Publications
Proposition de citation: CE, 03 avr. 1987, n° 54140
Publié au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: Mme Aubin
Rapporteur public ?: Mme Hubac

Origine de la décision
Formation : 3 / 5 ssr
Date de la décision : 03/04/1987
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 54140
Numéro NOR : CETATEXT000007728707 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1987-04-03;54140 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award