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27/04/1987 | FRANCE | N°50316

France | France, Conseil d'État, 4 ss, 27 avril 1987, 50316


Vu le jugement du Conseil des Prud'hommes de Montpellier en date du 12 janvier 1983, enregistré au greffe du tribunal administratif de Montpellier le 27 janvier 1983, et renvoyant à ce tribunal par application des dispositions de l'article L.511-1 du code du travail l'appréciation de la légalité de l'autorisation de licenciement pour motif économique de M. X... accordée par la direction départementale du travail et de l'emploi de l'Hérault à la Société J. Destour ;
Vu l'ordonnance du 28 avril 1983, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 mai 1983, par

laquelle le Président du tribunal administratif de Montpellier ...

Vu le jugement du Conseil des Prud'hommes de Montpellier en date du 12 janvier 1983, enregistré au greffe du tribunal administratif de Montpellier le 27 janvier 1983, et renvoyant à ce tribunal par application des dispositions de l'article L.511-1 du code du travail l'appréciation de la légalité de l'autorisation de licenciement pour motif économique de M. X... accordée par la direction départementale du travail et de l'emploi de l'Hérault à la Société J. Destour ;
Vu l'ordonnance du 28 avril 1983, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 mai 1983, par laquelle le Président du tribunal administratif de Montpellier a transmis au Conseil d'Etat la question préjudicielle dont il était saisi par le jugement visé ci-dessus ;
Vu la décision en date du 30 mai 1981 par lequel l'inspecteur du travail de l'Hérault a autorisé le licenciement pour raisons économiques de M. X... ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 mars 1983, présenté par M. X... et tendant à ce que la décision du 30 mai 1981 soit déclarée illégale ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pepy, Auditeur,
- les observations de Me Gauzes, avocat de la Société Nouvelle J. Destour,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du 3è alinéa de l'article L.511-1 ajouté au code du travail par la loi du 18 janvier 1979 et modifié par la loi du 6 mai 1982 : "les litiges relatifs aux licenciements mentionnés au deuxième alinéa de l'article L.321-9 relèvent de la compétence du Conseil de Prud'hommes. Toutefois lorsque l'issue du litige dépend de l'appréciation de la légalité de la décision administrative, expresse ou tacite, le Conseil de Prud'hommes surseoit à statuer et saisi le tribunal administratif compétent. Celui-ci statue dans un délai de 3 mois. Si à l'issue de ce délai il ne s'est pas prononcé, le litige est porté devant le Conseil d 'Etat qui statue selon la procédure d'urgence" ;
Considérant que par un jugement du 12 janvier 1983, le Conseil de Prud'hommes de Montpellier a sursis à statuer sur l'instance pendante entre M. X... et la Société anonyme J. Destour et a saisi le tribunal administratif de Montpellier de la question de savoir si l'autorisation de licencier pour motif économique 15 salariés dont M. X..., délégué du personnel suppléant, accordée à ladite société le 30 mai 1980 était légale ; que le tribunal administratif n'ayant pas statué dans le délai de trois mois, son président a transmis l'affaire au Conseil d'Etat en application des prescriptions de l'article L.511-1 précité ;
Considérant qu'il résulte cependant de la combinaison des dispositions de cet article et de celle des articles L.321-9 et L.321-3 du même code que la procédure de renvoi obligatoire au Conseil d'Etat à l'issue du délai de trois mois, instituée par les dispositions précitées de l'article L.511-1, ne s'applique que lorsque l'autorisation administrative dont la légalité est en cause concerne une entreprise occupant habituellement moins de 11 salariés ou porte sur les licenciements de moins de 10 personnes pour une période de 30 jours ; que dès lors le tribunal administratif de Montpellier étant saisi d'une question préjudicielle relative à la légalité d'une autorisation de licencier 15 salariés, son président ne pouvait, après expiration d'un délai de trois mois, transmettre directement le dossier au Conseil d'Etat ; que le tribunal administratif demeurait compétent pour statuer sur ladite question ; que, par suite, il y a lieu d'annuler l'ordonnance de renvoi en date du 28 avril 1983 ;

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce d'évoquer et de statuer immédiatement sur la question préjudicielle posée par le Conseil de Prud'hommes de Montpellier ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.420-22 du code du travail "tout licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, envisagé par la direction, doit être obligatoirement soumis à l'assentiment du comité d'entreprise. En cas de désaccord, le licenciement ne peut intervenir que sur décision de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. ... Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'établissement, la question est soumise directement à l'inspecteur du travail " ; qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis d'un mandat de délégué du personnel ou candidats à de telles fonctions bénéficient d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé ce licenciement ne doit être en rapport ni avec les fonctions représentatives normalement exercées ou briguées, ni avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement de l'intéressé en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité sous réserve qu'aucune atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant que M. X... était employé depuis 1969 par la Société anonyme J. Destour en qualité de mécanicien et exerçait les fonctions de délégué du personnel adjoint ; que s'il est constant que la société a connu de graves difficultés conjoncturelles à la fin de l'année 1979 qui l'ont conduite à demander l'autorisation de licencier quinze salariés de l'établissement qu'elle exploite à Jacou, il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté par la Société J. Destour, que la société Giraudet, qui a repris l'exploitation de l'établissement de la Société J. Destour, a procédé aussitôt après le licenciement de M. X..., au recrutement de deux salariés de qualification et de niveau hiérarchique comparables ; qu'il est ainsi établi que le poste auquel était affecté M. X... n'a pas été effectivement supprimé ; qu'il suit de là que la décision du 30 mai 1980 de l'inspecteur du travail de l'Hérault doit être déclarée illégale en tant qu'elle autorise le licenciement de M. X... ;
Article 1er : L'ordonnance en date du 28 avril 1983 du président du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : Il est déclaré que la décision en date du 30 mai 1980 de l'inspecteur du travail de l' Hérault est illégale en tant qu'elle a autorisé le licenciement pour motif économique de M. X....

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Sconamiglio,à la Société anonyme J. Destour, au greffier en chef du conseil de prud'hommes de Montpellier et au ministre des affaires sociales et del'emploi.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPETENCE - COMPETENCES CONCURRENTES DES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - CONTENTIEUX DE L'APPRECIATION DE LA LEGALITE - Saisine du juge administratif sur renvoi du conseil des prud'hommes en cas de licenciement pour motif économique [art - L - 511-1 du code du travail] - Champ d'application - Ampleur du licenciement.

TRAVAIL - LICENCIEMENT - SALARIES PROTEGES - LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE - Contrôle du juge - Illégalité de l'autorisation de licenciement.


Références :

Code du travail L511-1, L321-9, L321-3, L420-22
Décision du 30 mai 1981 inspecteur du travail Hérault décision attaquée annulation
Loi 79-44 du 18 janvier 1979
Loi 82-372 du 06 mai 1982


Publications
Proposition de citation: CE, 27 avr. 1987, n° 50316
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Pepy
Rapporteur public ?: Daël

Origine de la décision
Formation : 4 ss
Date de la décision : 27/04/1987
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 50316
Numéro NOR : CETATEXT000007727023 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1987-04-27;50316 ?
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