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29/04/1987 | FRANCE | N°46313;46314

France | France, Conseil d'État, Section, 29 avril 1987, 46313 et 46314


Vu 1° sous le n° 46 313, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 octobre 1982 et 4 février 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Saniye E..., demeurant X...
D... Yildiz, appartement 13/11 Turquie , Mme C... YENER et M. Sabri E..., demeurant à Ankara Ieker Mahallesi n° 587, Dikmen Turquie , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 7 juillet 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser diverses indemn

ités en réparation du préjudice résultant pour eux de l'assassinat de ...

Vu 1° sous le n° 46 313, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 octobre 1982 et 4 février 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Saniye E..., demeurant X...
D... Yildiz, appartement 13/11 Turquie , Mme C... YENER et M. Sabri E..., demeurant à Ankara Ieker Mahallesi n° 587, Dikmen Turquie , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 7 juillet 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser diverses indemnités en réparation du préjudice résultant pour eux de l'assassinat de M. E..., chauffeur de l'ambassadeur de Turquie en France, survenu le 24 octobre 1975 à Paris ;
2° leur alloue diverses indemnités en réparation de ce préjudice,
Vu 2° sous le n° 46 314, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 octobre 1982 et 4 février 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Fatma, Nacla Y..., A... Ayse Canan Y..., épouse Z... et Mlle Hatice B...
Y..., demeurant à Istambul, Akasyoli n° 2, Bostanci Turquie , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 7 juillet 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser diverses indemnités en réparation du préjudice résultant pour eux de l'assassinat de M. Y..., ambassadeur de Turquie en France survenu le 24 octobre 1975 à Paris ;
2° leur alloue diverses indemnités en réparation de ce préjudice,
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le décret du 29 mars 1971 portant publication de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Barbeau, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Parmentier, avocat des consorts E..., et Y...,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes des consorts Y... et des consorts E... présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Considérant que M. Y..., ambassadeur de Turquie en France, et M. E..., son chauffeur, ont été victimes d'un attentat, commis à Paris le 24 octobre 1975 vers 13 h 30, alors qu'ils circulaient en automobile sur le pont de Bir-Hakeim et se dirigeaient vers les locaux de l'ambassade distants de quelques centaines de mètres ; que, dans les circonstances de l'affaire, la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat à raison d'une éventuelle insuffisance des mesures prises pour assurer la protection due aux victimes compte tenu de leur appartenance à une mission diplomatique ne met pas en cause la conduite des relations internationales de la France, mais dépend seulement de l'appréciation portée sur la façon dont les services de polie se sont acquittés de leur mission de sécurité qui était en l'espèce détachable desdites relations ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que compte tenu des circonstances de temps et de lieu, les autorités de police auraient dû prendre des mesures de surveillance plus poussées que celles qui avaient déjà été prises ; que, notamment, il ne résulte pas des pièces du dossier que l'Ambassadeur de Turquie ait formulé dans les jours qui ont précédé l'attentat une demande de "protection rapprochée" ; qu'ainsi les services de police n'ont pas, en s'abstenant de prendre de telles mesures, commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant qu'en l'absence de disposition législative le prévoyant expressément, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée sur le fondement du risque du fait d'actes de terrorisme survenus sur le territoire français ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts Y... et les consorts E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable des conséquences de l'attentat en cause et soit condamné à leur verser des indemnités ;
Article ler : Les requêtes susvisées des consorts Y... et des consorts E... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée aux consorts Y..., aux consorts E..., au ministre de l'intérieur et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 46313;46314
Date de la décision : 29/04/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACTES DE GOUVERNEMENT - ABSENCE - Acte ne mettant pas en cause la conduite des relations internationales - Action en responsabilité fondée sur l'insuffisance des mesures de police prises pour protéger un diplomate étranger [1].

01-01-03-01, 60-01-01-03, 60-01-02-02-03, 60-02-03-01-02 L'ambassadeur de Turquie en France et son chauffeur ont été victimes d'un attentat commis à Paris le 24 octobre 1975 vers 13h30, alors qu'ils circulaient en automobile sur le pont Bir-Hakeim et se dirigeaient vers les locaux de l'ambassade distants de quelques centaines de mètres.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FAITS N'ENGAGEANT PAS LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - ACTES DE GOUVERNEMENT - Acte se rattahcant à l'activité diplomatique de l'Etat français - Absence - Action en responsabilité fondée sur l'insuffisance des mesures de police prises pour protéger un diplomate étranger [1].

01-01-03-01, 60-01-01-03 Dans les circonstances de l'affaire, la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat à raison d'une éventuelle insuffisance des mesures prises pour assurer la protection due aux victimes compte tenu de leur appartenance à une mission diplomatique ne met pas en cause la conduite des relations internationales de la France, mais dépend seulement de l'appréciation portée sur la façon dont les services de police se sont acquittés de leur mission de sécurité, qui était en l'espèce détachable desdites relations.

- RJ2 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - CAS DANS LESQUELS LE TERRAIN DE LA RESPONSABILITE SANS FAUTE NE PEUT ETRE UTILEMENT INVOQUE - Actes de terrorisme survenus sur le territoire français [2].

60-01-02-02-03, 60-02-03-01-02 Il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu des circonstances de temps et de lieu, les autorités de police auraient dû prendre des mesures de surveillance plus poussées que celles qui avaient déjà été prises. Notamment, il ne résulte pas des pièces du dossier que l'ambassadeur de Turquie ait formulé, dans les jours qui ont précédé l'attentat, une demande de "protection rapprochée". Ainsi les services de police n'ont pas, en s'abstenant de prendre de telles mesures, commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - APPLICATION D'UN REGIME DE FAUTE LOURDE - Police - Mesures de surveillance prises par l'autorité de police française pour protéger un diplomate étranger en France - n'ayant pas empêché l'assassinat dudit diplomate et de son chauffeur.

60-01-02-01-005 En l'absence de dispositions législatives le prévoyant expressément, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée sur le fondement du risque du fait d'actes de terrorisme survenus sur le territoire français.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - SERVICES DE L'ETAT - ABSTENTION DES FORCES DE POLICE - Absence de mesures spéciales de surveillance en vue de protéger un diplomate étranger - Absence de faute lourde.


Références :

1. Comp. 1962-03-16, Prince Sliman Bey, p. 179. 2.

Cf. 1984-05-28, Société française de production, T. p. 728


Publications
Proposition de citation : CE, 29 avr. 1987, n° 46313;46314
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Barbeau
Rapporteur public ?: M. Vigouroux

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:46313.19870429
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