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13/05/1987 | FRANCE | N°42383

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 13 mai 1987, 42383


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 mai 1982 et 13 septembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL DE LA PETITE ET MOYENNE INDUSTRIE, dont le siège est situé ... à Paris 75017 , agissant par son représentant statutaire domicilié audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule plusieurs dispositions de la circulaire du 23 février 1982 du ministre du travail relative à la durée du travail et aux congés payés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;

Vu l'ordonnance du 16 janvier 1982 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 mai 1982 et 13 septembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL DE LA PETITE ET MOYENNE INDUSTRIE, dont le siège est situé ... à Paris 75017 , agissant par son représentant statutaire domicilié audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule plusieurs dispositions de la circulaire du 23 février 1982 du ministre du travail relative à la durée du travail et aux congés payés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance du 16 janvier 1982 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Faure, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Labbé, Delaporte, avocat de SYNDICAT NATIONAL DE LA PETITE ET MOYENNE INDUSTRIE,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le Syndicat National de la Petite et Moyenne Industrie demande l'annulation de plusieurs dispositions de la circulaire en date du 23 février 1982 que le ministre du travail, à la suite de l'ordonnance du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés, a adressée aux préfets, aux directeurs régionaux du travail et de l'emploi et aux directeurs départementaux du travail et de l'emploi ;
Sur la requête du Syndicat National de la Petite et Moyenne Industrie :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.212-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 16 janvier 1982 : "Un décret détermine un contingent annuel d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail et, s'ils existent, du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel. Un contingent d'un volume supérieur ou inférieur peut être fixé par une convention ou un accord collectif étendu..." ;
Considérant qu'en précisant dans la circulaire attaquée "que si le contingent libre d'heures supplémentaires présente un caractère essentiellement individuel, il convient cependant de considérer que... son utilisation ne peut s'envisager que dans le cadre d'un horaire collectif de travail défini pour l'établissement ou la partie d'établissement", le ministre s'est borné à rappeler la règle posée à l'article L.212-4-1 du code du travail selon laquelle l'horaire du travail a un caractère collectif ; qu'il n'a pas entendu, et n'aurait d'ailleurs pu légalement déroger aux dispositions du même article L.212-4-1 qui prévoient, dans certaines conditions, la possibilité d'horaires de travail individualisés, ni interdire l'utilisation pour les salariés bénéficiant de tels horaires individualisés du contingent annuel d'heures supplémentaires défini à l'article L.212-6 précité ; que, par suite, la circulaire ne fait pas grief sur ce point au syndicat requérant, qui n'est as recevable à en demander l'annulation ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L.212-7, 1er alinéa, du code du travail modifié par l'ordonnance du 16 janvier 1982 : "Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent déterminé en application de l'article L.212-6 peuvent être autorisées dans les limites fixées à l'alinéa ci-dessous, par l'inspecteur du travail après avis, s'ils existent, du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Celui-ci pourra, en cas de chômage, interdire le recours aux heures supplémentaires en vue de permettre l'embauchage de travailleurs sans emploi..." ;
Considérant que la circulaire attaquée énonce que les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent déterminé en application de l'article L.212-6 du code du travail "ont pour objet de répondre à un surcroît d'activité qui ne relève pas d'un fonctionnement normal de l'entreprise" ; qu'en limitant ainsi d'une façon impérative l'utilisation des heures supplémentaires soumises à autorisation à la seule hypothèse d'un fonctionnement "anormal" de l'entreprise, le ministre a posé une règle qui n'est pas contenue dans la loi ; qu'il a, par suite, édicté une disposition réglementaire qui est entachée d'incompétence ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L.212-8 du code du travail créé par l'article 9 de l'ordonnance du 16 janvier 1982 : "Sans préjudice des dispositions des articles L.212-5 et du premier alinéa de l'article L.212-5-1, la durée hebdomadaire du travail peut varier à condition que sur un an, cette durée n'excède pas en moyenne la durée légale fixée à l'article L.212-1 et que les conditions de sa modulation soient prévues par une convention ou un accord collectif étendu ou par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement. Dans ce cas, sauf dispositions conventionnelles différentes, seules les heures de travail effectuées au-delà de cette durée moyenne s'imputent sur le contingent prévu à l'article L.212-6" ; et qu'aux termes de l'article 27 de cette ordonnance : "Dans la mesure où ils dérogent aux dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles, dans des cas prévus par la loi, les accords collectifs d'entreprise ou d'établissement prévus par la présente ordonnance doivent, pour entrer en vigueur, ne pas avoir fait l'objet d'une opposition d'une ou des organisations syndicales non signataires qui totalisent un nombre de voix supérieur à 50 % du nombre des électeurs inscrits aux dernières élections du comité d'entreprise ou s'il n'existe pas des délégués du personnel..." ;

Considérant qu'en énonçant que les dispositions de l'article L.212-8 nouveau "constituent des dérogations au sens de l'article 27 de l'ordonnance du 16 janvier 1982", le ministre a dénaturé le sens desdites dispositions ; qu'en effet, celles-ci renvoient à des accords le soin de fixer les modalités d'application d'un régime de modulation des horaires de travail prévu par la loi elle-même, et qu'ainsi lesdits accords n'ont pas le caractère d'accords dérogatoires au sens de l'article 27 de l'ordonnance ; que, par suite, les dispositions critiquées qui tendent à imposer les conditions de validité prévues dans ce dernier texte aux accords d'entreprise ou d'établissement qui contiennent des clauses relatives à la modulation de la durée hebdomadaire du travail font grief ; que le syndicat requérant est recevable et fondé à en demander l'annulation ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en indiquant que les dispositions de l'article L.212-8 précitées ne permettent pas de déroger aux durées maximales définies par l'article L.212-7, le ministre s'est borné à rappeler que la modulation autorisée par ledit article L.212-8 avait pour seul objet de permettre de faire varier la durée hebdomadaire légale du travail définie à l'article L.212-1, et qu'elle était sans incidence sur les limites à l'utilisation des heures supplémentaires fixées à l'article L.212-7 ; qu'ainsi, la circulaire a, sur ce point, explicité les dispositions de l'ordonnance ; que le syndicat requérant n'est, par suite, pas recevable à en demander l'annulation ;

Considérant, en cinquième lieu, que si la circulaire indique que la période de référence déterminée par l'accord relatif à la modulation de la durée hebdomadaire du travail prévue à l'article L.212-8 du code du travail ne peut être différente de celle qui a été définie pour l'utilisation du contingent d'heures supplémentaires visé à l'article L.212-6, elle s'est bornée à tirer les conséquences nécessaires du lien établi par les dispositions précitées des articles L.212-6 et L.212-8 entre l'utilisation du contingent libre d'heures supplémentaires et la modulation de la durée hebdomadaire du travail ; que, par suite, elle ne revêt pas, sur ce point, un caractère réglementaire et n'est, dès lors, pas susceptible d'un recours pour excès de pouvoir ;
Considérant enfin que l'article 14 de l'ordonnance du 16 janvier 1982 a porté de 2 jours à 2 jours et demi le nombre de jours de congés acquis par mois de travail ; que le syndicat requérant soutient qu'en prévoyant que cette nouvelle règle devait s'appliquer aux congés acquis au cours de la période de référence 1981-1982, la circulaire aurait illégalement donné à la disposition en cause une portée rétroactive ;
Considérant que le droit aux congés payés ou à l'indemnité compensatrice de congé payé ne devient effectif que le jour où le salarié est admis à en jouir ou à s'en prévaloir ; que l'étendue des droits des salariés doit ainsi être fixée par application des dispositions législatives en vigueur à cette date, alors même qu'une partie de la période de travail sur la base de laquelle ces droits sont calculés serait antérieure à l'entrée en vigueur de ces dispositions ; que, par suite, la disposition critiquée de la circulaire du 23 février 1982 s'est bornée à rappeler les conditions d'application de la nouvelle règle posée par l'ordonnance du 16 janvier 1982, relative à la durée des congés payés sans ajouter aucune règle nouvelle à l'état de droit existant ; que, dès lors, cette disposition n'a pas un caractère réglementaire et ne fait pas grief au syndicat requérant qui n'est, par suite, pas recevable à en demander l'annulation ;
Sur l'intervention de la Fédération nationale des entrepreneurs de nettoyage de France :

Considérant que cette intervention est présentée à l'appui des seules conclusions de la requête du Syndicat National de la Petite et Moyenne Industrie, dirigées contre les dispositions de la circulaire relatives aux conditions d'application de l'article 14 de l'ordonnance ; que ces conclusions étant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, irrecevables, l'intervention n'est par conséquent pas recevable ;
Article 1er : La circulaire du ministre du travail en datedu 23 février 1982 est annulée en tant, d'une part, qu'elle énonce que les heures supplémentaires hors contingent ont pour objet de répondre à un surcroît d'activité qui "ne relève pas d'un fonctionnement normal de l'entreprise", d'autre part qu'elle déclare que les conditions de validité prévues à l'article 27 de l'ordonnancedu 16 janvier 1982 sont applicables aux accords d'entreprise ou d'établissement qui contiennent des clauses relatives à la modulationde la durée hebdomadaire du travail.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du SyndicatNational de la Petite et Moyenne Industrie est rejeté.

Article 3 : L'intervention de la Fédération nationale des entrepreneurs de nettoyage de France n'est pas admise.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Syndicat National de la Petite et Moyenne Industrie, à la Fédération nationaledes entrepreneurs de nettoyage de France et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.


Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - NOTION - CARACTERE REGLEMENTAIRE DES INSTRUCTIONS ET CIRCULAIRES - NE PRESENTE PAS CE CARACTERE - TRAVAIL - Circulaire du ministre du travail du 23 février 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés - Dispositions relatives au calcul des droits à congés des salariés.

01-01-05-03-02-07, 01-08-02-03, 54-01-01-02-04, 66-03-025 Le droit aux congés payés ou à l'indemnité compensatrice de congés payés ne devient effectif que le jour où le salarié est admis à en jouir ou à s'en prévaloir. L'étendue des droits des salariés doit ainsi être fixée par application des dispositions législatives en vigueur à cette date, alors même qu'une partie de la période de travail sur la base de laquelle ces droits sont calculés serait antérieure à l'entrée en vigueur de ces dispositions. L'article 14 de l'ordonnance du 16 janvier 1982 ayant porté de deux jours à deux jours et demi le nombre de jours de congé acquis par mois de travail, la circulaire du 23 février 1982 du ministre du travail prévoyant que cette nouvelle règle devait s'appliquer aux congés acquis au cours de la période de référence 1981-1982 s'est bornée à rappeler les conditions d'application de la nouvelle règle posée par l'ordonnance, sans lui donner une portée rétroactive illégale. Cette disposition n'a pas un caractère réglementaire et ne fait pas grief au syndicat requérant.

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - RETROACTIVITE - ABSENCE DE RETROACTIVITE - Circulaire du ministre du travail du 23 février 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés - Dispositions relatives au calcul des droits à congés des salariés.

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DECISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS - ACTES NE CONSTITUANT PAS DES DECISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS - CIRCULAIRES NON REGLEMENTAIRES - Circulaire du ministre du travail relative à la durée du travail et aux congés payés - Dispositions relatives au calcul des droits à congés des salariés.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL - CONGES - Droits à congés payés - Mode de calcul [article 14 de l'ordonnance du 16 janvier 1982] - Circulaire du ministre du travail du 23 février 1982 précisant les conditions d'application de ce texte - Absence de rétroactivité illégale et de caractère réglementaire.


Références :

Circulaire du 23 février 1982 Travail décision attaquée annulation partielle
Code du travail L212-6, L212-4-1, L212-7 al. 1, L212-8, L212-1
Ordonnance 82-41 du 16 janvier 1982 art. 9, art. 27, art. 14


Publications
Proposition de citation: CE, 13 mai. 1987, n° 42383
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: M. Faure
Rapporteur public ?: Mme de Clausade

Origine de la décision
Formation : 1 / 4 ssr
Date de la décision : 13/05/1987
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 42383
Numéro NOR : CETATEXT000007728082 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1987-05-13;42383 ?
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