La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/1987 | FRANCE | N°45609

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 13 mai 1987, 45609


Vu la requête enregistrée le 14 septembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel X..., demeurant ... à Neuilly-sur-Seine 92200 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule un jugement en date du 8 juillet 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1976, 1977 et 1978 ;
2° lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code g

énéral des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des trib...

Vu la requête enregistrée le 14 septembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel X..., demeurant ... à Neuilly-sur-Seine 92200 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule un jugement en date du 8 juillet 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1976, 1977 et 1978 ;
2° lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Teissier du Cros, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'imposition des années 1976 et 1977 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 168 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition concernées : "1. En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après ... 2 bis. La disproportion marquée entre l train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare est établie lorsque la somme forfaitaire annuelle qui résulte de l'application du barème . excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition et l'année précédente, le montant du revenu net global déclaré" ;
Considérant que selon les dispositions du barème inclus dans l'article 168, la valeur locative de la résidence principale n'est prise en compte comme élément du train de vie que "déduction faite de celle s'appliquant aux locaux ayant un caractère professionnel" ; que M. X..., qui ne disposait pas d'autre local professionnel a utilisé au cours des années d'imposition une partie de son domicile pour l'exercice de sa profession de conseil de sociétés ; qu'il est, ainsi, fondé à se prévaloir de la disposition susrappelée sans qu'y fasse obstacle, soit la modestie de sa clientèle, soit la circonstance qu'il n'aurait mentionné aucune quote-part de loyer professionnel dans les déclarations de ses bénéfices non commerciaux présentées sous le régime de l'évaluation administrative ; qu'eu égard, tant à la superficie de son appartement qui était de 65 m2, qu'à la disposition des lieux, la part de 30 % de la valeur locative qu'il affecte à la partie professionnelle de son habitation n'est pas exagérée ; que, déduction faite de cette part de 30 % de la valeur locative dela résidence principale, les sommes forfaitaires annuelles des éléments du train de vie du contribuable pris en compte par l'administration, en référence à ladite valeur locative de l'appartement et à l'usage d'une voiture automobile, la base correspondant à celle-ci étant réduite de moitié, doivent être ramenées respectivement à 54211 F et 56245 F pour les années 1976 et 1977 ;

Considérant que si l'administration soutient pour justifier l'application de l'article 168 qu'elle aurait dû retenir pour le tout et non pour la moitié la valeur correspondant à l'usage d'une voiture automobile, il lui appartient d'établir que ladite voiture n'était pas affectée principalement à l'usage professionnel du contribuable ; qu'en se bornant à faire état du faible nombre des clients du requérant, alors que celui-ci soutient qu'il effectuait de fréquents déplacements dans la région parisienne afin de prospecter une clientèle nouvelle et que sa voiture avait ainsi, au moins pour moitié, un usage professionnel, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe ;
Considérant, dans ces conditions, que la somme forfaitaire annuelle résultant de l'application du barème annexé à l'article 168 du code en ce qui concerne l'année 1976, réduite, ainsi qu'il a été dit, à 54211 F, n'excède pas d'au moins un tiers le revenu global de 51600 F que M. X... avait déclaré pour ladite année ; que la condition mise à l'imposition forfaitaire d'après les éléments du train de vie par le 2 bis de l'article 168 précité se trouvant ainsi manquer pour l'année 1976, année d'imposition et année ayant précédé l'année d'imposition 1977, il y a lieu d'accorder à M. X... la décharge des impositions supplémentaires qui lui ont été assignées au titre des années 1976 et 1977 ;
Sur l'imposition de l'année 1978 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que l'administration, qui a fait parvenir à M. X..., le 21 novembre 1979, un avis lui faisant connaître qu'elle allait procéder à une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble n'a commis aucune irrégularité en joignant à cet avis une demande d'informations sur ses comptes bancaires ;

Considérant, en second lieu, que M. X... n'ayant pas fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité, la circonstance que le vérificateur aurait demandé la remise des relevés de ses comptes bancaires et aurait conservé un certain temps ces documents sans que le contribuable en ait personnellement formulé la demande écrite n'est pas de nature à vicier la procédure d'imposition ;
Considérant, en troisième lieu, que l'administration a notifié à M. X..., le 29 janvier 1980, simultanément, d'une part, les redressements des bases d'imposition à l'impôt sur le revenu qu'elle envisageait, sur le fondement des dispositions de l'article 168 du code général des impôts, pour les années 1976, 1977 et 1978, et, d'autre part, pour chacune de ces années respectivement, un document indiquant de quelle manière elle établissait l'existence de la disproportion marquée entre le train de vie du contribuable et les revenus qu'il avait déclarés définis par cet article ; que compte tenu de l'ensemble des documents et pièces annexes qui lui ont ainsi été adressés, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la notification des redressements dont il a fait l'objet n'a pas été suffisamment motivée ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'administration, qui avait, conformément aux dispositions du 4ème alinéa du 2 de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts, dans la rédaction de ce texte résultant de l'article 6 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977, rejeté, par une réponse motivée en date du 22 février 1980, les observations écrites du contribuable formulées le 14 février 1980, n'était pas tenue de répondre une seconde fois aux nouvelles observations formulées par le requérant dans une lettre du 10 mars 1980 ;

Considérant, enfin, qu'aucune disposition du code général des impôts ne prévoit l'intervention de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lorsqu'il est procédé à l'évaluation forfaitaire du revenu global imposable d'après certains éléments du train de vie prévue par les dispositions de l'article 168 du même code ; qu'ainsi M. X... n'est pas fondé à soutenir, alors même que le secrétaire de la commission départementale des impôts du département des Hauts-de-Seine l'avait avisé que ladite commission serait appelée à examiner son affaire, qu'à défaut de consultation de cette commission, la procédure d'imposition ne serait pas régulière ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier si les dispositions législatives codifiées à l'article 168 du code général des impôts portent atteinte, comme le prétend M. X..., au principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ;
Considérant que la mise en oeuvre par l'administration du régime d'imposition forfaitaire d'après les éléments du train de vie visés à l'article 168 du code général des impôts n'est pas subordonnée à la condition que le contribuable se soit rendu coupable de fraude fiscale : que le moyen tiré de ce que le requérant ne se serait pas rendu coupable d'une telle fraude est, dès lors, inopérant ;
Considérant que le moyen tiré de ce que l'administration aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant d'imposer M. X... par application des dispositions de l'article 168 ne peut être utilement invoqué devant le juge de l'impôt ;

Considérant que si M. X... invoque, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, reprises à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales du nouveau code des impôts, diverses instructions ministérielles en date pour la dernière du 8 novembre 1974 ainsi que des réponses ministérielles à des parlementaires et notamment M. Y..., sénateur, en date du 15 janvier 1975 tendant à limiter les cas dans lesquels l'administration devrait recourir à l'application de l'article 168 du même code, lesdites instructions et réponses ministérielles, qui se bornent à adresser des recommandations aux agents de l'administration ou à faire état de telles recommandations, ne constituent pas des interprétations formelles du texte fiscal dont l'interessé pourrait se prévaloir pour contester l'application qui lui a été faite des dispositions de l'article 168 ;
Considérant qu'il résulte des termes mêmes des dispositions précitées du 2 bis de l'article 168 que c'est au revenu net global déclaré et non au revenu brut qu'il y a lieu de comparer le train de vie pour savoir s'il y a ou non disproportion marquée ; que le requérant, qui relevait, pour ses bénéfices non commerciaux, du régime de l'évaluation administrative, n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait dû tenir compte du montant des recettes professionnelles brutes qu'il avait déclarées, et non, ainsi qu'elle l'a fait, du montant de son bénéfice net, évalué par elle ; que les sommes forfaitaires résultant de l'application du barème s'élèvent, pour l'année 1977, à 56245 F, ainsi qu'il a été dit ci-dessus et, pour l'année 1978, après déduction de 30 % de la valeur locative pour les motifs précédemment indiqués, à 58486 F ; que ces sommes excèdent d'au moins un tiers les revenus nets globaux de 24750 F et 36 900 F déclarés par M. X... au titre de ces deux années ; qu'ainsi la condition mise par le 2 bis de l'article 168 précité pour l'application du mode d'imposition prévue par cet article se trouvait remplie pour l'année 1978 ;

Considérant qu'aux termes du 3 de l'article 168 précité : "Les contribuables ne pourront faire échec à l'imposition résultant des dispositions qui précèdent en faisant valoir que leurs revenus imposables à l'impôt sur le revenu seraient inférieurs aux bases d'imposition résultant du barème ci-dessus" ; que l'administration étant, ainsi qu'il a été dit, en droit, sur le fondement dudit article 168 de déterminer la base d'imposition à l'impôt sur le revenu de M. X... au titre de l'année 1978 par application du barème annexé à cet article, celui-ci ne saurait utilement invoquer la circonstance qu'il aurait assuré son train de vie au cours de ladite année par l'aliénation d'éléments de son capital dont le produit devrait venir en déduction des bases d'imposition ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la base d'imposition forfaitaire de M. X... doit être fixée, compte tenu de l'affectation partielle de son appartement à un usager professionnel, à 58486 F pour l'année 1978 ; qu'il y a lieu, dès lors, de réduire seulement de ce montant la base d'imposition à l'impôt sur le revenu assigné à M. X... au titre de ladite année 1978 ;
Article 1er : La base d'imposition à l'impôt sur le revenude M. X... au titre de l'année 1978 est fixée à 58 486 F.

Article 2 : Il est accordé à M. X..., d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ila été assujetti au titre des années 1976 et 1977 et d'autre part, la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l'année 1978 résultant de l'application de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement, en date du 8 juillet 1982, du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - QUESTIONS COMMUNES - POUVOIRS DU JUGE FISCAL - AUTRES POUVOIRS ET OBLIGATIONS - Moyens inopérants - Erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre par l'administration de l'article 168.

19-02-01-02-06, 19-04-01-02-03-05 Le moyen tiré de ce que l'administration aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant d'imposer le contribuable par application des dispositions de l'article 168 ne peut être utilement invoqué devant le juge de l'impôt.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - DETERMINATION DU REVENU IMPOSABLE - EVALUATION FORFAITAIRE DU REVENU - Signes extérieurs de richesse - Mise en oeuvre de l'article 168 du C - G - I - Erreur manifeste d'appréciation - Moyen inopérant.


Références :

CGI 168 1, 168 2 bis, 1649 quinquies A 2 al. 4, 1649 quinquies E, 168 3
CGI livre des procédures fiscales L.80 A
Instruction du 08 novembre 1974 Finances
Loi 77-1453 du 29 décembre 1977 art. 6


Publications
Proposition de citation: CE, 13 mai. 1987, n° 45609
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. M. Bernard
Rapporteur ?: M. Teissier du Cros
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Formation : 9 / 7 ssr
Date de la décision : 13/05/1987
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 45609
Numéro NOR : CETATEXT000007622844 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1987-05-13;45609 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award