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29/05/1987 | FRANCE | N°39130

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 29 mai 1987, 39130


Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. et Mme X... Maurice , agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de tuteurs légaux de leur fille mineure Delphine, demeurant ... Ille-et-Vilaine , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement du 24 juin 1981 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné le Centre hospitalier régional de Rennes à leur verser différentes sommes, qu'ils estiment insuffisantes, en réparation des préjudices subis par leur fille Delphine et par eu

x-mêmes du fait des fautes commises dans l'exécution de soins audit...

Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. et Mme X... Maurice , agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de tuteurs légaux de leur fille mineure Delphine, demeurant ... Ille-et-Vilaine , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement du 24 juin 1981 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné le Centre hospitalier régional de Rennes à leur verser différentes sommes, qu'ils estiment insuffisantes, en réparation des préjudices subis par leur fille Delphine et par eux-mêmes du fait des fautes commises dans l'exécution de soins audit centre ;
2° condamne le Centre hospitalier régional de Rennes à leur verser une indemnité de 10 000 F au titre de l'incapacité temporaire totale puis partielle de leur fille Delphine, une indemnité de 30 000 F au titre des souffrances physiques de celle-ci, une indemnité provisionnelle de 40 000 F au titre de son préjudice esthétique, et une indemnité de 10 000 F à chacun des parents au titre de leur préjudice propre ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Medvedowsky, Auditeur,
- les observations de Me Consolo, avocat des époux X... et de Me Vuitton, avocat de Centre hospitalier régional de Rennes,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Rennes :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les préjudices subis par la fille de M. et Mme X..., hospitalisée le 11 janvier 1980 au centre hospitalier régional de Rennes, sont imputables à l'action sur les tissus sous-cutanés du liquide de la perfusion qu'elle a subie dans des vaisseaux sanguins du pied et de la tête et qui, par suite d'un mauvais positionnement de l'aiguille, se sont répandus en dehors des veines et que cet accident a pour cause une surveillance insuffisante de la perfusion pratiquée sur un enfant âgé de 16 jours ; que la faute ainsi commise dans l'exécution d'actes de soins a été de nature à engager la responsabilité de l'hôpital envers la victime ; que, dès lors, le centre hospitalier régional de Rennes n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à réparer les conséquences dommageables de cet accident ;
Sur le préjudice :
Considérant que l'hospitalisation prolongée et l'opération qu'a dû subir la fille de M. et Mme X... à la suite de la mauvaise exécution des perfusions ont entraîné des souffrances physiques pour l'enfant et des troubles dans les conditions d'existence pour ses parents ; que le tribunal administratif de Rennes a fait une exacte appréciation de ces chefs de préjudice en fixant l'indemnité due par l'hôpital à 8 000 F pour le premier et à 5 000 F pour le second ; qu'en revanche, les époux X... n'apportent aucune justification du préjudice qui serait né de l'incapacité temporaire de leur enfant, qui n'a causé aucune perte de revenu ;

Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert commis par les premiers juges que si l'enfant ne conservait, à la date à laquelle l'expert a opéré ses constatations, aucune incapacité permanente partielle, elle subit, en raison d'importantes cicatrices conservées notamment au cuir chevelu et au visage, un préjudice esthétique certain, dont l'étendue ne pourra être définitivement fixée qu'au moment où la victime aura atteint l'âge de 17 ou 18 ans, compte tenu, le cas échéant, de la possibilité d'en réduire alors l'importance par une intervention de chirurgie esthétique ; que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice ainsi subi, en allouant à la victime une indemnité de 8 000 F et en réservant l'indemnisation ultérieure de son préjudice esthétique définitif ;
Sur les conclusions des époux X... tendant à ce qu'il soit donné acte de leur droit d'obtenir ultérieurement réparation de préjudices nouveaux :
Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat de donner acte de droits éventuels des victimes ;
Sur les conclusions du centre hospitalier régional de Rennes dirigées contre la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine :
Considérant que l'appel des époux X... n'est pas susceptible d'aggraver la situation du centre hospitalier régional de Rennes vis-à-vis de la caisse primaire d'assurance-maladie d'Ille-et-Vilaine ; que, par suite, les conclusions du Centre hospitalier régional de Rennes dirigées contre ladite caisse, présentées après l'expiration du délai de recours contentieux ne sont pas recevables ;
Sur les intérêts :

Considérant que les époux X... ont droit aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité de 16 000 F qui doit leur être accordée, en tant que représentants de leur fille mineure, en réparation du préjudice subi par celle-ci, à compter du 4 juillet 1980, date d'enregistrement de leur demande introductive d'instance devant le tribunal administratif ;
Considérant que les époux X... ont présenté, pour la première fois, des conclusions contre le centre hospitalier régional de Rennes à fin de réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi, par un mémoire enregistré par le tribunal administratif le 26 mai 1981 ; qu'ils n'ont donc droit aux intérêts au taux légal, afférents à l'indemnité de 5 000 F que le tribunal leur a allouée à ce titre, qu'à compter de cette date ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 30 décembre 1981 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêt sur l'indemnité de 16 000 F due aux requérants pour leur fille mineure ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit, dans cette limite, à la demande de capitalisation des intérêts ; qu'en revanche, il n'était pas dû une année d'intérêts sur l'indemnité de 5 000 F allouée par le tribunal administratif en réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi ; qu'il y a lieu de rejeter sur ce point leur demande ;
Article 1er : La somme que le centre hospitalier régional de Rennes a été condamné, par le jugement attaqué, à payer aux époux X... en tant que représentants de leur fille mineure Delphine portera intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 1980. Les intérêts échus le 30 décembre 1981 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'indemnité de 5 000 F allouée par le tribunal administratif de Rennes aux époux X... en réparation de leur préjudice personnel portera intérêt au taux légal à compter du 26 mai1981.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des époux X... et les conclusions du recours incident du centre hospitalier régional de Rennes sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée aux époux X... au centre hospitalier régional de Rennes, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la famille.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 39130
Date de la décision : 29/05/1987
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - EXISTENCE OU ABSENCE D'UNE FAUTE - Existence - Surveillance insuffisante d'une perfusion pratiquée sur un enfant de seize jours.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE ESTHETIQUE - Cicatrices.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 29 mai. 1987, n° 39130
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Medvedowsky
Rapporteur public ?: Fornacciari

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:39130.19870529
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