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12/06/1987 | FRANCE | N°74605

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 12 juin 1987, 74605


Vu le recours enregistré le 7 janvier 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 9 octobre 1985 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 18 janvier 1984 du directeur régional du travail et de l'emploi de la région des pays de Loire concernant l'article 4 du règlement intérieur de la société des chantiers Dubigeon,
2° rejette la demande présentée par la société des chantiers Dubig

eon devant le tribunal administratif de Nantes,
Vu les autres pièces d...

Vu le recours enregistré le 7 janvier 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 9 octobre 1985 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 18 janvier 1984 du directeur régional du travail et de l'emploi de la région des pays de Loire concernant l'article 4 du règlement intérieur de la société des chantiers Dubigeon,
2° rejette la demande présentée par la société des chantiers Dubigeon devant le tribunal administratif de Nantes,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail notamment ses articles L. 123-33, L. 123-35, L. 231-8 et L. 231-8-1 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Le Pors, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Jousselin, avocat de la société des chantiers Dubigeon,
- les conclusions de M. Robineau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu de l'article L.122-34 du code du travail le règlement intérieur "fixe exclusivement : les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement ; les règles générales et permanentes relatives à la discipline..." ; qu'aux termes de l'article L.122-35 du même code, "Le règlement intérieur ne peut contenir de clause contraire aux lois et règlements, ainsi qu'aux dispositions des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ou l'établissement. Il ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché" ; qu'en vertu de l'article L.122-37 : "L'inspecteur du travail peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L.122-34 et L.122-35" ;
Considérant que l'article 4 du règlement intérieur établi par la société anonyme des chantiers Dubigeon pour ses chantiers de Nantes prévoit que "toute déclaration de danger grave et imminent doit être enregistrée par écrit par la hiérarchie et contresignée par le salarié" ; que, par la décision contestée du 18 janvier 1984, le directeur régional du travail et de l'emploi de la région des pays de Loire a, sur recours hiérarchique, confirmé la décision de l'inspecteur du travail exigeant le retrait de cette disposition ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.231-8 du code du travail : "Le salarié signale immédiatement à l'employeur ou à son représentant toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour s vie ou sa santé", et qu'aux termes de l'article L.231-8-1 : "Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un salarié ou d'un groupe de salariés qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux. Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur définie à l'article L.468 du code de la sécurité sociale est de droit pour le salarié ou les salariés qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux mêmes où un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé." ; que, si ces dispositions impliquent que le salarié est tenu de signaler immédiatement son retrait d'une situation de travail qu'il a estimée dangereuse, elles ne l'obligent pas à le faire par écrit ; qu'en obligeant le salarié à contresigner une déclaration relative à son retrait d'une situation de travail dangereuse, la disposition précitée du règlement intérieur établi par la société des chantiers Dubigeon impose aux salariés de l'entreprise, dans l'exercice de leur droit de retrait, une sujétion qui n'est pas justifiée par les nécessités de la sécurité dans l'entreprise ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, qui pouvait invoquer tout moyen nouveau en appel, est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de la société anonyme des chantiers Dubigeon annulé la décision en date du 18 janvier 1984 du directeur régional du travail et de l'emploi de la région des pays de Loire concernant l'article 4 du règlement intérieur établi par ladite société ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 9 octobre 1985 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société des chantiers Dubigeon devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des affaires sociales et de l'emploi et à la société des chantiers Dubigeon.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 74605
Date de la décision : 12/06/1987
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPETENCE - COMPETENCES CONCURRENTES DES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - Compétence du juge administratif - statuant sur un recours formé contre une décision de l'inspecteur du travail - pour apprécier la conformité du règlement intérieur d'une entreprise aux articles L122-34 et L122-35 du code du travail.

TRAVAIL - CONDITIONS DU TRAVAIL - Règlement intérieur - Contrôle de l'inspecteur du travail [articles L122-34 - L122-35 et L122-37 du code du travail] - Disposition imposant au salarié - en cas de danger grave et imminent - de contresigner une déclaration - enregistrée par écrit par la hiérarchie - relative à son retrait d'une situation de travail dangereuse - Illégalité.


Références :

Code du travail L122-34, L122-35, L122-37, L231-8 et L231-8-1
Décision du 18 janvier 1984 Directeur régional du travail et de l'emploi de la région des pays de Loire décision attaquée confirmation

Cf. Décision 1987-06-12, Gantois, n° 72388.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 1987, n° 74605
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Le Pors
Rapporteur public ?: Robineau

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:74605.19870612
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