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22/06/1987 | FRANCE | N°49347

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 22 juin 1987, 49347


Vu le recours du ministre de la mer enregistré le 17 mars 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 6 janvier 1983 qui a déclaré l'Etat totalement responsable de l'échouement du car-ferry "Solidor" et partiellement responsable de l'envahissement du navire par l'eau à la suite de cet accident et l'a condamné à payer à la société anonyme Emeraude Ferries une somme de 621 600 F et aux compagnies d'assurances la somme de 4 028 901 F et au paiement de 25 968,25 F

sur les frais d'expertise,
2° rejette la demande de la sociét...

Vu le recours du ministre de la mer enregistré le 17 mars 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 6 janvier 1983 qui a déclaré l'Etat totalement responsable de l'échouement du car-ferry "Solidor" et partiellement responsable de l'envahissement du navire par l'eau à la suite de cet accident et l'a condamné à payer à la société anonyme Emeraude Ferries une somme de 621 600 F et aux compagnies d'assurances la somme de 4 028 901 F et au paiement de 25 968,25 F sur les frais d'expertise,
2° rejette la demande de la société Emeraude Ferries et des compagnies d'assurances et les condamne au remboursement à l'Etat des indemnités qui leur auront été versées avec intérêt au taux légal à compter du jour de leur paiment,

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Arnoult, Maître des requêtes,
- les observations de Me Parmentier, avocat de la société anonyme Emeraude Ferries et autres, de Me Boulloche, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo et de la S.C.P. Fortunet, Mattei-Dawance , avocat de la ville de Saint-Malo,
- les conclusions de M. Marimbert, Commissaire du gouvernement ;
Sur le recours du ministre de la mer :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans le courant du mois de février 1978, la bouée noire qui avait été installée à la sortie du port de Saint-Malo à l'occasion des travaux d'élargissement du chenal d'accès a été déplacée d'une cinquantaine de mètres vers l'Est, sans que les usagers du port en aient été informés par un avis aux navigateurs ; que cette circonstance, qui révèle un défaut d'entretien normal des ouvrages publics portuaires est à l'origine de l'accident survenu le 7 avril 1978 au "Solidor", dont le commandant a été trompé sur la position exacte occupée par le navire au cours des manoeuvres de sortie du port ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le ministre de la mer, elle a engagé la responsabilité de l'Etat à l'égard de la société Emeraude Ferries, propriétaire du "Solidor" ;
Considérant que si, par un jugement du 3 décembre 1979, le tribunal maritime commercial de Saint-Malo a renvoyé le commandant du navire des fins de la poursuite engagée contre lui sur le fondement de l'article 81 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande, ce jugement, qui s'est livré à une appréciation, au regard des textes qu'il avait à appliquer, du comportement du commandant ne comporte aucune constatation de fait s'imposant au juge administratif avec l'autorité de la chose jugée ; qu'il résulte de l'instruction qu'en ne se renseignant pas auprès des officiers du port sur le balisage, en ne prenant pas de pilote, contrairement à l'obligation qui lui en était faite et en se fiant à la position d'une seule bouée pour manoeuvrer, le commandant du "Solidor" a commis des fautes de nature à limiter la responsabilité de l'Etat à la moitié des conséquences dommageables de l'échouement du "Solidor" ; qu'ainsi le ministre de la mer est fondé à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement du tribunal administratif de Rennes ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné en première instance, que les dommages subis par le navire du fait de son échouement et des incidents survenus au cours de son remorquage et de son installation dans la forme de radoub s'élèvent à 5 755 573 F ; que la société Emeraude Ferries a subi des pertes commerciales qui doivent être évaluées à 888 000 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de ramener de 4 028 901 F à 2 877 786,50 F le montant de l'indemnité que le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à payer aux compagnies d'assurances subrogées dans les droits de la société Emeraude Ferries et de 621 600 F à 444 000 F celui de l'indemnité que le tribunal administratif a condamné l'Etat à payer à la société Emeraude Ferries ;
Considérant qu'en admettant que le ministre de la mer ait, en exécution du jugement attaqué, versé à la société Emeraude Ferries et aux compagnies d'assurances des sommes supérieures à celles qui leur sont allouées par la présente décision, il n'est pas fondé à demander au Conseil d'Etat la condamnation de ces sociétés à la réparation, sous la forme d'intérêts au taux légal, du préjudice subi par l'Etat du fait du versement de ces sommes, auquel l'Etat était tenu en raison du caractère exécutoire du jugement ;
Considérant que les frais d'expertise doivent être supportés par l'Etat ; que le ministre de la mer n'est par suite pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué qui a mis à la charge de l'Etat 70 % desdits frais ;
Sur les conclusions de la société Emeraude Ferries et des compagnies d'assurances :

Considérant que les différents chefs de préjudice invoqués par la société Emeraude Ferries et les compagnies d'assurances sont la conséquence de l'échouement du "Solidor", dont la ville de Saint-Malo n'est pas responsable ; que, par suite, les appels provoqués formés par la société Emeraude Ferries et les compagnies d'assurances contre la ville de Saint-Malo doivent être rejetés ;
Considérant que les compagnies d'assurances ont droit aux intérêts de la somme de 2 877 786,50 F à compter du 6 octobre 1981, date de l'enregistrement de la demande au greffe du tribunal administratif ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 22 août 1983 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article ler : Les sommes de 621 600 F et de 4 028 901 F que l'Etat a été condamné à verser respectivement à la société Emeraude Ferries et aux compagnies d'assurances par le jugement du tribunal administratif de Rennes, en date du 6 janvier 1983 sont ramenées à 444 000 F et à 2 877 786,50 F. La somme de 2 877 786,50 F due par l'Etat aux compagnies d'assurances portera intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 1981 ; les intérêts échus le 22 août 1983 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 6 janvier 1983 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre dela mer, les conclusions de la société anonyme Emeraude Ferries et le surplus des conclusions des compagnies d'assurances sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au secrétaire d'Etat à la mer, à la ville de Saint-Malo, à la Chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo, à la société anonyme Emeraude Ferries et aux compagnies d'assurances La Concorde société anonyme, les Assurances générales de France, société anonyme, La Nantaise d'assurances maritimes et terrestres, le Groupe des assurances nationales, société anonyme GAN , la Skandia insurance company Ltd, société anonyme, la Caisse industrielle d'assurance mutuelle, les Sept provinces, société anonyme, Allianz, société anonyme, le Continent, société anonyme, Winterthur assurances, société anonyme, Societa reale mutua di assicurazioni, Pool mutuelle générale française accident, C.A.M.A.T. Compagnie d'assurances maritimes, aériennes et terrestres , société anonyme, Compagnie continentale d'assurances, société anonyme, Hansa Malaren, société anonyme, l'Indépendance, société anonyme, Rhône méditerranée, société anonyme A.G.P. Assurances du groupe de Paris , société anonyme, Norwich union fire insurance society Ltd, société anonyme, Bimeh Iran, Wurttembergische und badische "Wuba", l'Alsacienne, la Foncière société anonyme, C.F.A.E. Compagnie française d'assurances européennes , société anonyme et à Pearl assurance company Ltd, société anonyme.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 49347
Date de la décision : 22/06/1987
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES SURVENUS SUR LES VOIES NAVIGABLES - DANS LES PORTS ET SUR LES AERODROMES - PORTS - Défaut d'entretien normal - Modification de la position d'une bouée installée à la sortie d'un port - Absence d'information des usagers - Echouement d'un navire.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - CAUSES D'EXONERATION - FAUTE DE LA VICTIME - EXISTENCE D'UNE FAUTE - Comportement du commandant du navire accidenté.


Références :

. Code discilinaire et pénal de la marine marchande 81
Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 1987, n° 49347
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Arnoult
Rapporteur public ?: Marimbert

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:49347.19870622
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