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24/06/1987 | FRANCE | N°50624

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 24 juin 1987, 50624


Vu la requête sommaire enregistrée le 16 mai 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la VILLE DE BRIVE-LA-GAILLARDE, représentée par son maire en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 15 mars 1983 par lequel le tribunal administratif de Limoges a limité à 40 000 nouveaux francs la somme que M. X..., architecte, est condamné à lui verser en réparation des malfaçons constatées dans les installations du centre nautique de Monjauze,
2° déclare M. X... entièrement responsable des deux premières catégories

de désordres, fixe sa responsabilité à hauteur au moins de 50 % pour ceux...

Vu la requête sommaire enregistrée le 16 mai 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la VILLE DE BRIVE-LA-GAILLARDE, représentée par son maire en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 15 mars 1983 par lequel le tribunal administratif de Limoges a limité à 40 000 nouveaux francs la somme que M. X..., architecte, est condamné à lui verser en réparation des malfaçons constatées dans les installations du centre nautique de Monjauze,
2° déclare M. X... entièrement responsable des deux premières catégories de désordres, fixe sa responsabilité à hauteur au moins de 50 % pour ceux affectant les plages autour de la fosse à plonger et le condamne au paiement des sommes suivantes :
- carrelage du bassin hiver, 39 407,72 F T.T.C. ;
- plage autour du bassin d'hiver 438 815 F T.T.C. ;
- remise en état du chauffage des vestiaires et locaux annexes, 249 060 F T.T.C. ;
- affaissement des plages autour de la fosse à plonger, 80 170 F T.T.C. ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Bas, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Martin Martinière, Ricard , avocat de la VILLE DE BRIVE-LA-GAILLARDE et de la S.C.P. Nicolas, Masse-Dessen, Georges, avocat de M. Georges X...,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne les désordres affectant le bassin d'hiver du centre nautique :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le jugement avant dire droit du tribunal administratif de Limoges du 17 juin 1982, que le décollement du carrelage du bassin d'hiver a été la conséquence du choc thermique provoqué par l'arrivée d'eau trop chaude dans un bassin à température ambiante ; que ce phénomène trouve lui-même sa cause dans l'absence de dispositif de sécurité sur l'installation de chauffage empêchant le réchauffement de l'eau au-delà d'une certaine température ;
Considérant qu'aux termes du contrat conclu entre la VILLE DE BRIVE-LA-GAILLARDE et M. X..., architecte, pour la construction d'un centre nautique, M. X... était chargé "des études, plans et projets, de l'organisation, de la coordination, du contrôle et de la surveillance des travaux" ; qu'eu égard à l'étendue et à la généralité de la mission qui lui a été ainsi confiée, les vices de conception de l'ouvrage, y compris ceux qui affectent ses installations techniques, tel que le système de chauffage, sont de nature à engager la responsabilité de l'architecte sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que la circonstance que les désordres seraient également imputables à l'entreprise spécialisée qui a réalisé ces installations n'est pas de nature à exonérer l'architecte de sa responsabilité vis-à-vis du maître de l'ouvrage ; que la VILLE DE BRIVE-LA-GAILLARDE est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de M. X... à supporter la réparation, des désordres dont s'agit, dont le coût non contesté s'élève à 39 407,72 F ;
En ce qui concerne les désordres affectant le réseau de chauffage :

Considérant d'une part qu'il résulte du rapport d'expertise précité que le réseau de chauffage incorporé dans les plages du bassin d'hiver a été affecté de graves désordres ayant conduit à la destruction totale de l'installation ; que ces désordres ont leur cause à la fois dans la conception de l'installation de chauffage qui ne comportait pas de dispositif de sécurité d'arrêt de chauffage sur l'installation en cas de dépassement de la température maximale admissible, et dans la perméabilité du sol des plages résultant elle-même des conditions d'exécution de cette partie de l'ouvrage ; que la responsabilité décennale de M. X... est par suite engagée tant en raison de ses obligations relatives à la conception des installations de chauffage que de son rôle de surveillance et de contrôle des travaux effectués par les entreprises ;
Mais considérant d'autre part que la VILLE DE BRIVE-LA-GAILLARDE, maître de l'ouvrage, à la suite des désordres apparus dans le réseau de chauffage incorporé dans les plages du bassin d'hiver a, sans avoir recherché les causes exactes des désordres ni pris l'avis de l'architecte, fait procéder à une transformation de l'ensemble du système de chauffage qui a entraîné la destruction par corrosion des circuits de chauffage des vestiaires et des locaux annexes ; que ces derniers désordres sont ainsi entièrement imputables à une faute du maître de l'ouvrage ;
Considérant qu'il suit de là que si la VILLE DE BRIVE-LA-GAILLARDE est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à ce que M. X... soit condamné à supporter le coût de la réfection des plages du bassin d'hiver et du réseau de chauffage incorporé sous ces plages dont le montant non contesté s'élève à 438 815 F, elle n'est, en revanche, pas fondée à demander à être indemnisée des désordres nés de la corrosion des circuits de chauffage des vestiaires et des locaux annexes ;
En ce qui concerne les désordres des plages situées autour de la fosse à plonger :

Considérant que la cause de l'affaissement de ces plages réside dans un mauvais remblaiement des terres qui avec le temps, se sont tassées et ont entraîné le dallage ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'architecte n'a pas exercé le contrôle qui lui incombait sur la qualité des opérations effectuées ; qu'ainsi il y a lieu de faire droit aux conclusions de la VILLE DE BRIVE-LA-GAILLARDE qui demande que l'indemnité à laquelle le tribunal administratif a condamné M. X... soit portée à la moitié du coût de réfection des plages du bassin de plongée, soit 80 170 F ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que l'indemnité que M. X..., architecte, devra payer à la VILLE DE BRIVE-LA-GAILLARDE doit être portée de 40 000 F à 558 392,72 F ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce les frais d'expertise doivent être mis à la charge de M. X... ;
Article 1er : L'indemnité que M. X..., architecte, a été condamné par le jugement attaqué à payer à la VILLE DE BRIVE-LA-GAILLARDE est portée de 40 000 F à 558 392,72 F.

Article 2 : Les frais de l'expertise décidée par ordonnance de référé en date du 6 novembre 1978 et ceux de l'expertise décidée par un jugement du 17 juin 1982 sont mis à la charge de M. X....

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges estréformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et le recours incident de M. X... sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE BRIVE-LA-GAILLARDE, à M. X... et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-03 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - ARCHITECTES ET ENTREPRENEURS - RESPONSABILITE DECENNALE -Responsabilité de l'architecte - [1] Faits de nature à engager sa responsabilité - Vice de conception de l'ouvrage et défaut de survaillance des travaux. [2] Circonstances exonératoires de sa responsabilité - Désordres imputables à une faute du maître de l'ouvrage - Réparation des désordres et transformation du système de chauffage d'un centre nautique sans consultation de l'architecte.


Références :

Code civil 1792 et 2270


Publications
Proposition de citation: CE, 24 jui. 1987, n° 50624
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Bas
Rapporteur public ?: Mme de Clausade

Origine de la décision
Formation : 1 / 4 ssr
Date de la décision : 24/06/1987
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 50624
Numéro NOR : CETATEXT000007738127 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1987-06-24;50624 ?
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