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01/07/1987 | FRANCE | N°24048

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 01 juillet 1987, 24048


Vu, 1° sous le n° 24 048, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 mai 1980 et 3 octobre 1980 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat Intercommunal de la Vallée de l'Huveaune, dont le siège est à l'Hôtel de ville, La Penne-sur-Huveaune 13400 , représenté par son président en exercice domicilié audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 11 février 1980 du tribunal administratif de Marseille le condamnant, à la demande de M. X..., à réparer 10 % des dommages causés par les inondati

ons de la rivière Huveaune, au magasin de M.
X...
;
- rejette la demand...

Vu, 1° sous le n° 24 048, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 mai 1980 et 3 octobre 1980 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat Intercommunal de la Vallée de l'Huveaune, dont le siège est à l'Hôtel de ville, La Penne-sur-Huveaune 13400 , représenté par son président en exercice domicilié audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 11 février 1980 du tribunal administratif de Marseille le condamnant, à la demande de M. X..., à réparer 10 % des dommages causés par les inondations de la rivière Huveaune, au magasin de M.
X...
;
- rejette la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu, 2° sous le n° 24 159, la requête et le mémoire complémentaire enregisrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 9 mai et 31 décembre 1980, présentée pour la ville de Marseille, représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité en l'Hôtel de ville de Marseille 13224 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 11 février 1980 par lequel, le tribunal administratif de Marseille l'a condamné, à la demande de M. X..., à réparer 60 % des conséquences dommageables causées par les inondations par la rivière Huveaune au magasin de M.
X...
;
- rejette la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Garcia, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde , avocat du Syndicat Intercommunal de la Vallée de l'Huveaune, de Me Coutard avocat de la ville de Marseille et de Me Pradon avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes du Syndicat Intercommunal de la Vallée de l'Huveaune et de la ville de Marseille sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Sur les responsabilités :
Considérant qu'en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires les y contraignant, l'Etat et les communes n'ont pas l'obligation d'assurer la protection des propriétés voisines des cours d'eau navigables ou non navigables contre l'action naturelle des eaux ; qu'il ressort au contraire des articles 33 et 34 de la loi du 16 septembre 1807 que cette protection incombe aux propriétaires intéressés ; que, toutefois, la responsabilité des collectivités publiques peut être engagée lorsque les dommages subis ont été provoqués ou aggravés, soit par l'existence ou le mauvais état d'entretien d'ouvrages publics soit par une faute commise par l'autorité administrative dans l'exercice de la mission qui lui incombe, en vetu des articles 103 et suivants du code rural, d'exercer la police des cours d'eau non domaniaux et de prendre toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux ;
Considérant en premier lieu qu'il ressort d'une décision en date du 13 mars 1981 du Conseil d'Etat, statuant sur la requête de la ville de Marseille, contre un jugement avant dire droit rendu dans le présent litige par le tribunal administratif de Marseille le 31 mars 1977, que les pluies qui se sont abattues sur la région de Marseille les 1er, 2 et 3 octobre 1973 n'ont pas revêtu le caractère d'un évènement de force majeure ;

Considérant en second lieu qu'il résulte de l'instruction, et notamment des expertises ordonnées par le tribunal administratif de Marseille, que les dommages subis par M. X... du fait de l'inondation des caves de son magasin à la suite de la crue de l'Huveaune provoquée par les pluies dont s'agit sont imputables pour une part à l'implantation de ce magasin dans une zone particulièrement exposée aux inondations et à l'absence de précautions suffisantes de la part de l'intéressé ; que toutefois, ils ont été sensiblement aggravés d'une part par le mauvais état de la rivière et de ses berges, encombrées par la végétation ainsi que par la décharge d'objets et de résidus de toute sorte, d'autre part par l'existence et le mauvais entretien d'ouvrages publics appartenant à la ville de Marseille, notamment le barrage PUGETTE et le pont TEISSEIRE, dont une arche était obstruée ;
Considérant en troisième lieu que si le syndicat intercommunal de l'Huveaune, qui avait à l'origine pour seul objet l'exécution de travaux de défense contre les inondations et l'entretien du lit de la rivière, a étendu son objet en 1967 au "nettoyage de la rivière aux points les plus sensibles" et à la surveillance des berges, cette décision n'a pas eu pour effet de transférer à cet établissement public la compétence en matière de police des eaux et notamment du curage de ce cours d'eau non domanial, compétence qui appartient exclusivement, en vertu du code rural, au préfet agissant au nom de l'Etat ; qu'il n'est pas allégué que les travaux publics qu'il a pu effectuer, dans le cadre de son objet statutaire et dans la limite de ses possibilités financières, aient aggravé les dommages subis par M. X... ; qu'il suit de là que ledit syndicat est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a mis à sa charge 10 % desdits dommages ;

Considérant enfin qu'il résulte de l'instruction que la ville de Marseille est fondée à soutenir que les premiers juges ont fait une évaluation excessive de la part du dommage imputable aux ouvrages publics qui lui appartiennent en la fixant à 60 % ; qu'il y a lieu de ramenr cette part à 35 % ;
Sur le préjudice et les frais d'expertise :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif ait fait une évaluation exagérée du préjudice subi par M. X..., en l'évaluant à 72 406 F ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la ville de Marseille doit supporter 35 % de cette somme, soit 25 342,10 F ; que l'Etat ayant été mis hors de cause par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mars 1977 devenu définitif sur ce point, et le syndicat intercommunal de l'Huveaune étant mis hors de cause par la présente décision, le surplus du préjudice doit rester à la charge de M. X... ; que les frais d'expertise doivent être mis intégralement à la charge de la ville de Marseille ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 février 1980, ensemble l'article 3 dudit jugement en tant qu'il concerne le syndicat intercommunal de l'Huveaune sont annulés ;

Article 2 : La somme que la ville de Marseille a été condamnée àverser à M. X... est ramenée à 25 342,10 F.

Article 3 : Les frais des expertises ordonnées par le tribunal administratif de Marseille sont mis à la charge de la ville de Marseille.

Article 4 : Les articles 1er, 3 et 6 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 février 1980 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à la présente décision.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la villede Marseille ensemble le recours incident de M. X... sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la ville de Marseille, au syndicat intercommunal de l'Huveaune, à M. X... et auministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoireet des transports.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 24048
Date de la décision : 01/07/1987
Type d'affaire : Administrative

Analyses

EAUX - REGIME JURIDIQUE DES EAUX - REGIME JURIDIQUE DES COURS D'EAU - Action naturelle des eaux - Obligation de l'Etat et des communes d'en protéger les propriétés riveraines - Absence.

EAUX - OUVRAGES - RESPONSABILITE DU FAIT DE CES OUVRAGES - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - Existence - Ouvrages ayant aggravé les conséquences de l'action naturelle des eaux.

EAUX - TRAVAUX - CURAGE - Curage insuffisant - Aggravation des conséquences de l'action naturelle des eaux - Responsabilité engagée sur le terrain de la faute simple.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - FAUTE SIMPLE - Méconnaissance par l'Etat de l'obligation d'assurer le libre cours des eaux [art - 103 et suivants du code rural].

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - AUTRES SERVICES - Ecoulement des eaux - Existence et mauvais entretien d'ouvrages publics ou curage insuffisant ayant aggravé les conséquences de l'action naturelle des eaux.


Références :

Code rural 103 et suivants
Loi du 06 septembre 1807 art. 33 et art. 34

Cf. Conseil d'Etat, 1984-03-02, Syndicat intercommunal de la vallée de l'Huveaune et autre, n° 35524 et 35874 à propos d'une précédente crue de ce cours d'eau.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 1987, n° 24048
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Garcia
Rapporteur public ?: Vigouroux

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:24048.19870701
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