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03/07/1987 | FRANCE | N°30979

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 03 juillet 1987, 30979


Vu la décision en date du 26 juillet 1985 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au Contentieux, a, sur la requête de l'ENTREPRISE MARGRAZ et sur la requête incidente de l'OFFICE PUBLIC d'H.L.M. de l'Orne enregistrées sous les n°s 30 979 et 31 237, et tendant à l'annulation du jugement du 16 décembre 1980 par lequel le tribunal administratif de Caen a statué sur les responsabilités et les indemnités dues en raison de malfaçons décelées lors de la construction dans la Z.U.P. d'Alençon :
1- annulé ce jugement, en tant qu'il a rejeté les conclusions de l'office contre MM. A.

.. et Z... ;
2- déclaré MM. A... et Z... solidairement responsabl...

Vu la décision en date du 26 juillet 1985 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au Contentieux, a, sur la requête de l'ENTREPRISE MARGRAZ et sur la requête incidente de l'OFFICE PUBLIC d'H.L.M. de l'Orne enregistrées sous les n°s 30 979 et 31 237, et tendant à l'annulation du jugement du 16 décembre 1980 par lequel le tribunal administratif de Caen a statué sur les responsabilités et les indemnités dues en raison de malfaçons décelées lors de la construction dans la Z.U.P. d'Alençon :
1- annulé ce jugement, en tant qu'il a rejeté les conclusions de l'office contre MM. A... et Z... ;
2- déclaré MM. A... et Z... solidairement responsables avec l'entreprise Devilette-Chissadon des désordres affectant les bâtiments LH/16, LH/17, LH/22 cage C à J et avec l'ENTREPRISE MARGRAZ pour les désordres affectant les bâtiments LH/20 cage D à F et LH/21 ;
3- condamné l'entreprise Devilette-Chissadon et l'ENTREPRISE MARGRAZ à garantir MM. A... et Z... des condamnations prononcées à leur encontre pour les bâtiments construits respectivement par ces entreprises ;
4- rejeté les conclusions de l'OPHLM contre la mise hors de cause du bureau d'études BECI Vilette et Galland, celles tendant à ce que lui soit accordé une provision, les conclusions des entreprises Devilette-Chissadon et MARGRAZ tendant à leur mise hors de cause et les conclusions de l'ENTREPRISE MARGRAZ tendant à ce que les architectes la garantissent de la condamnation prononcée à son encontre ;
5- ordonné une expertise confiée à M. Y..., expert, en vue de rechercher s'il était nécessaire de démolir et reconstituer l'ensemble des revêtements des façades des bâtiments LH 16, 17, 20, 21 et 22 ou seulement de traiter et de remplacer ceux des panneaux de revêtement des mêmes façades qui présentent des fissures pouvant faire craindre une évolution dangereuse dans l'avenir et a réservé les frais d'expertise exposés en première instance et en appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code civil, notamment son article 1154 ;
Vu le rapport d'expertise ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Damien, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Roger, avocat de l'ENTREPRISE MARGRAZ, de Me Odent, avocat de l'Entreprise Devilette-Chissadon, de la SCP Martin Martinière, Ricard, avocat de l'Office Public d'Habitations à Loyer Modéré de l'Orne, de Me Copper-Royer, avocat du Bureau d'Etudes B.E.C.I. et de Me Boulloche, avocat de MM. A... et Z...,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;
Sur le montant des travaux :

Considérant qu'il résulte des conclusions du rapport de l'expert désigné en appel, dont les appréciations ne sont pas démenties par les pièces des dossiers que, sur le plan technique, la démolition suivie d'une reconsitution de l'ensemble des revêtements des façades des bâtiments LH/16, LH/17, LH/20 cages D, E, F , LH/21 et LH/22 cages C à J construits pour l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE sur la zone à urbaniser en priorité d'Alençon, n'est pas nécessaire ; qu'il suffit, pour mettre fin aux désordres, de traiter ou de remplacer ceux des panneaux des façades qui répondent à la définition donnée par la décision rendue le 26 juillet 1985 par le Conseil d'Etat dans la présente affaire ; que cette dernière opération est moins coûteuse que la première proposée par l'expert dans son rapport ; que l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE n'est dès lors fondé à demander qu'une indemnité d'un montant égal au coût de traitement ou de remplacement de certains panneaux ;
Considérant qu'il appartenait à l'expert d'examiner, comme il l'a fait, l'ensemble des façades et de déterminer, conformément à la mission qui lui a été donnée par la décision précitée du Conseil d'Etat, ceux des panneaux de revêtement qui sont atteints de désordres correspondant aux cotations 2 à 4 du précédent rapport d'expertise déposé le 12 novembre 1981, sans être tenu par les appréciations qui avaient pu être portées antérieurement sur l'état de ces panneaux ; que les divergences qui sont relevées par l'Office entre le nombre et la localisation des panneaux à réparer figurant dans les rapports successifs d'expertise ou entre ces rapports et ses propres évaluations ne sont pas de nature, à elles seules, à établir l'inexactitude des appréciations de l'expert désigné en appel ; que, cependant, l'expert, tout en écartant de ses évaluations les panneaux portant de simples traces de rouille, a admis que, si pour le moment, ces panneaux ne présentent que des défauts d'esthétique, ils risquent d'entraîner les mêmes désordres à long terme ; que l'office est fondé à demander la prise en compte d'au moins une partie de ces panneaux dans l'évaluation du coût des réparations nécessaires ;

Considérant que le devis de l'entreprise "Teckwell-Normandie" sur lequel s'est fondé l'expert, comportant une remise en état intégrale des façades alors que, comme il a été dit ci-dessus, il y a lieu de procéder seulement à la réparation de celles-ci, le montant de ce devis n'est pas de nature à établir l'insuffisance du coût des réparations retenues par l'expert ; qu'en fixant à 4 %, la majoration forfaitaire du coût des réparations, pour tenir compte de ce que certains panneaux non pris en compte, peuvent se révéler défectueux, lors de l'exécution des travaux, l'expert a fait une appréciation insuffisante de ce chef de préjudice eu égard au fait que, comme il a été dit ci-dessus, certains des panneaux atteints de traces de rouille devront, eux aussi, être remplacés ; qu'il sera fait une exacte appréciation de l'ensemble de ces éléments du préjudice qui ne pourront être identifiés qu'à l'occasion des travaux de réfection de façades, mais dont l'existence est certaine, en portant de 4 à 8 % la majoration forfaitaire proposée par l'expert et retenue par les premiers juges ;
Considérant, en revanche, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'expert ait omis de prendre en compte des opérations annexes aux travaux de réparation ; qu'il a pu valablement retenir, pour évaluer le coût des travaux, des barêmes établis par les sociétés d'assurances pour des travaux de même nature, alors surtout qu'il résulte du rapport d'expertise dont l'inexactitude n'est pas établie, que ces barêmes sont très proches de l'évaluation du coût de ces mêmes travaux à laquelle a procédé l'entreprise "Teckwell-Normandie" à l'occasion de l'expertise ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la réalisation des travaux de remise en état des façades présente des difficultés justifiant que lui soit attribuée une note de complexité 4, correspondant à un taux d'honoraires de maîtrise d'oeuvre de 10,71 % et non le taux de 6 % retenu par l'expert ;

Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que le coût de remise en état des revêtements des façades des bâtiments LH/16, LH/17, LH/22 cages c à j construits par l'Entreprise Devilette-Chissadon doit être fixée compte tenu des précisions ci-dessus indiquées à la somme de 679 290 F taxes comprises et celui des façades des bâtiments LH/20 cages D à F et LH/21 construits par l'Entreprise MARGRAZ, s'élève, compte tenu des mêmes précisions, à la somme de 275 713 F taxes comprises ; que les travaux préconisés par l'expert n'auront pas pour effet d'améliorer les bâtiments mais seulement de rendre ceux-ci conformes au marché ; qu'il n'y a donc pas lieu d'affecter le coût des travaux, tel qu'il a été évalué par l'expert, d'un abattement pour plus-value ; qu'à l'inverse, ce coût étant évalué à la date de la dernière expertise, dont le rapport a été déposé le 5 mai 1986 et rien ne faisant obstacle à ce que les marchés fussent aussitôt passés par l'Office, il n'y a pas lieu de réévaluer ce coût ;
Sur les préjudices accessoires :
Considérant que l'Office ayant justifié des frais qu'il a exposés pour maintenir l'un des bâtiments en état d'habitabilité, c'est à juste titre qu'une indemnité de 20 000 F lui a été allouée de ce chef par les premiers juges ; que la répartition de cette indemnité à parts égales entre l'Entreprise Devilette-Chissadon et l'Entreprise MARGRAZ n'est pas contestée ; que l'Office n'établit pas que d'autres logements situés dans les bâtiments à l'égard desquels s'exerce la garantie décennale aient subi des dommages imputables aux vices de construction ; qu'ainsi cet établissement ne saurait prétendre au titre des frais de remise en état des logements à une indemnité d'un montant supérieur à celle de 20 000 F qui lui a été allouée ;

Considérant que le bâtiment LH/16 a été construit par l'Entreprise Devilette-Chissadon ; que c'est donc à tort que les premiers juges ont mis à la charge de l'Entreprise MARGRAZ une indemnité de 30 498 F en réparation de la perte de loyer subie par l'Office sur l'un des logements situé dans ce bâtiment ; qu'il résulte du rapport d'expertise déposé en 1979 par M. X... et dont les constatations ne sont pas, sur ce point, modifiées par les rapports d'expertise ultérieurs, que ce logement était inhabitable du fait de son humidité ; que l'ENTREPRISE MARGRAZ est donc fondée à demander la décharge de la somme de 30 498 F mise à sa charge par le jugement attaqué et que l'office est fondé à demander qu'une indemnité dont le montant réévalué à la date du dépôt du rapport d'expertise du 6 mai 1986 doit être fixé à la somme de 63 300 F soit, à ce titre, mise à la charge solidaire de l'entreprise Devilette-Chissadon et des architectes ;
Considérant que, par des conclusions incidentes contre l'Entreprise MARGRAZ et d'appel provoqué contre l'Entreprise Devilette-Chissadon, l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE porte à 2 737 655 F le montant de l'indemnité que cet établissement réclame au titre de perte de loyers pour les bâtiments construits par cette dernière entreprise et à 1 843 334 F le montant de l'indemnité de perte de loyers correspondant aux immeubles construits par l'Entreprise MARGRAZ ; que les entreprises contestent le principe même de cette réparation ;
Considérant que l'Office ne fournit aucune description de l'état des logements en cause, de nature à établir que ceux-ci sont atteints de désordres internes d'une importance telle qu'ils ne sont pas habitables et qu'il résulte au contraire des mentions du dernier rapport d'expertise qu'un nombre appréciable de logements situés au droit de plaques de façade fissurées sont occupés par des locataires et que, d'ailleurs, un certain nombre de ces logements n'ont pu être visités par l'expert en l'absence d'accord des locataires ; qu'ainsi, il n'est pas établi qu'exception faite du logement dont il a été fait état plus haut, l'absence de location d'un grand nombre d'appartements, dont se prévaut l'Office soit réellement imputable aux désordres qui affectent les façades des bâtiments ; que, par suite, les conclusions de l'Office sur ce point, doivent être rejetées ;
Sur le montant total des indemnités :

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, ainsi que de la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux, du 26 juillet 1985 statuant sur le principe des responsabilités, que l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE est fondé à demander, d'une part, la condamnation solidaire des architectes A... et Longuet et de l'Entreprise Devilette-Chissadon à lui payer une indemnité d'un montant de 751 590 F et, d'autre part, la condamnation solidaire des mêmes architectes et de l'Entreprise MARGRAZ à lui payer une indemnité d'un montant de 285 713 F ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que, par son article 3, le jugement attaqué décide que les sommes que les deux entreprises sont condamnées à payer à l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE porteront intérêts à compter du jour de ce jugement, c'est à dire du 16 décembre 1980 ; que cet établissement est fondé à demander que les intérêts partent non pas de cette date mais du 21 juillet 1977, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif et que les architectes A... et Longuet étant condamnés par la présente décision à l'indemniser solidairement avec les entreprises, sa créance à leur égard porte également intérêts à compter de la même date du 21 juillet 1977 ;
Considérant que, par un mémoire enregistré le 26 mars 1987, l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE demande que les intérêts soient capitalisés ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les frais d'expertise exposés en première instance et en appel :

Considérant que l'expertise prescrite par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Caen en date du 3 février 1977 modifiée par le jugement du même tribunal en date du 9 janvier 1979 portait sur l'ensemble des bâtiments construits pour l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE dans la zone à urbaniser en priorité d'Alençon ; que les conclusions de l'Office relatives à la majorité de ces bâtiments ont été rejetées par le jugement du 9 janvier 1979 confirmé par la décision du Conseil d'Etat du 26 juillet 1985 ; que le caractère excessif des prétentions de l'office a rendu cette double expertise plus coûteuse ; que c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a laissé 40 % de ces frais d'expertise à la charge de l'office ;
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise exposés devant le Conseil d'Etat, à raison de 70 % solidairement à la charge de l'Entreprise Devilette-Chissadon et de MM. A... et Z... et à raison de 30 %, solidairement à la charge de l'Entreprise MARGRAZ et de MM. A... et Z... ;
Article 1er : L'Entreprise Devilette-Chissadon et MM. A... et Z... sont condamnés solidairement à payer à l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE, la somme de 751 590 F.

Article 2 : L'Entreprise MARGRAZ et MM. A... et Z... sont condamnés solidairement à payer au même office public la somme de 285 713 F.

Article 3 : Ces indemnités porteront intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 1977. Les intérêts échus le 26 mars 1987 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Les frais d'expertise exposés devant le Conseil d'Etat sont mis solidairement à la charge de l'Entreprise Devilette-Chissadon et de MM. A... et Z... à concurrence de 70 % de leur montant et, solidairement, à la charge de l'Entreprise MARGRAZ et de MM. A... et Z..., à concurrence de 30 %.

Article 5 : Les articles 1, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Caen en date du 16 décembre 1980 sont annulés.

Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes de l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE et de l'Entreprise MARGRAZ et l'appel provoqué de l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE, sont rejetés.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE L'ORNE, à l'Entreprise Devilette-Chissadon, à l'Entreprise MARGRAZ, à M. A..., à M. Z..., au bureau d'études B.C.I., à la société Costamagna et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.


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