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09/10/1987 | FRANCE | N°69829

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 09 octobre 1987, 69829


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 juin 1985, 24 octobre et 25 octobre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE RENAULT AGRICULTURE, dont le siège social est à Noyal s/Vilaine 35530 , Boîte postale 6, représenté par ses représentants légaux en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement du 18 avril 1985 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 9 janvier 1984 par laquelle le directeur régional du travail et de l'em

ploi de Bretagne a confirmé, sur recours hiérarchique, la décision du ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 juin 1985, 24 octobre et 25 octobre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE RENAULT AGRICULTURE, dont le siège social est à Noyal s/Vilaine 35530 , Boîte postale 6, représenté par ses représentants légaux en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement du 18 avril 1985 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 9 janvier 1984 par laquelle le directeur régional du travail et de l'emploi de Bretagne a confirmé, sur recours hiérarchique, la décision du 5 septembre 1983, par laquelle l'inspecteur du travail de la 2e section d' Ille et Vilaine a exigé la modification du projet de règlement intérieur de l'entreprise, en ce qui concerne les dispositions relatives aux vestiaires et à la procédure d'alerte,
°2 annule pour excès de pouvoir lesdites décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fraisse, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Labbé, Delaporte, avocat du CENTRE RENAULT AGRICULTURE DE NOYAL-SUR-VILAINE,
- les conclusions de M. Robineau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.122-34 du code du travail : "Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement : les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement ; les règles générales et permanentes relatives à la discipline..." ; qu'en vertu de l'article L.122-35 du même code, "le règlement intérieur ne peut contenir de clause contraire aux lois et règlements... Il ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché" ; qu'aux termes de l'article L.122-37 et L.122-38, l'inspecteur du travail "peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L.122-34 et L.122-35", et que sa décision "peut faire l'objet... d'un recours devant le directeur régional du travail et de l'emploi" ;
Considérant que par la décision attaquée en date du 9 janvier 1984, le directeur régional du travail et de l'emploi de Bretagne a confirmé la décision de l'inspecteur du travail de Rennes exigeant le retrait ou la modification de plusieurs dispositions du règlement intérieur établi par le CENTRE RENAULT AGRICULTURE de Noyal-sur-Vilaine ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant qu'en vertu de l'article L.122-37, alinéa 2, du code du travail, la décision de l'inspecteur du travail exigeant le retrait ou la modification dot être motivée ; que cette obligation s'étend à la décision du directeur régional du travail et de l'emploi statuant sur le recours qui peut être formé devant lui, en application de l'article L.122-38 du même code, contre la décision de l'inspecteur du travail ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée est suffisamment motivée ;
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne l'article 2-1-a du règlement intérieur :

Considérant que le second alinéa de l'article 2-1-a du règlement intérieur litigieux dispose que "la direction pourra faire ouvrir à tout moment les armoires et vestiaires pour contrôle de leur état ou de leur contenu en présence des salariés, sauf cas d'empêchement exceptionnel" ;
Considérant qu'en dehors des opérations périodiques de nettoyage prévues par le dernier alinéa de l'article R.232-24 du code du travail, et dont les salariés intéressés doivent être prévenus à l'avance, l'employeur ne peut faire procéder au contrôle de l'état et du contenu des vestiaires ou armoires individuelles, en présence des intéressés sauf cas d'empêchement exceptionnel, que si ce contrôle est justifié par les nécessités de l'hygiène ou de la sécurité ; que, faute de contenir cette précision, les dispositions précitées du règlement intérieur excèdent l'étendue des restrictions qui peuvent être légalement apportées sur ce point aux droits des personnes ; que, dès lors, le directeur régional du travail et de l'emploi de Bretagne a légalement exigé la modification desdites dispositions ;
En ce qui concerne l'article 2-2-a du règlement intérieur :
Considérant qu'aux termes de l'article L.231-8 du code du travail : "Le salarié signale immédiatement à l'employeur... toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou de sa santé", et qu'aux termes de l'article L.231-8-1 du même code : "Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un salarié ou d'un groupe de salariés qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'eux" ;

Considérant que l'article 2-2-a du règlement intérieur litigieux dispose : "Tout salarié qui a un motif raisonnable de penser qu'une situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé doit en avertir immédiatement sa hiérarchie et consigner par écrit les informations relatives au danger estimé grave et imminent. Tout salarié a la faculté de se retirer d'une situation de travail à la double condition qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, et qu'elle soit signalée immédiatement à sa hiérarchie. Le retrait effectué sans le respect des deux conditions ci-dessus pourra entraîner des sanctions disciplinaires" ;
Considérant, d'une part, que si les dispositions précitées de l'article L.231-8 du code du travail obligent le salarié à signaler immédiatement à l'employeur l'existence d'un situation de travail qu'il estime dangereuse, elles ne lui imposent pas de le faire par écrit ; qu'en obligeant le salarié à faire une déclaration écrite, le règlement intérieur établi par le CENTRE RENAULT AGRICULTURE de Noyal-sur-Vilaine impose aux salariés de l'entreprise, dans l'exercice de leur droit de retrait, une sujétion qui n'est pas justifiée par les nécessités de la sécurité dans l'entreprise ; que, d'autre part, en subordonnant le droit de retrait à la condition que la situation de travail présente un danger grave et imminent et en assortissant la méconnaissance de cette condition d'une sanction disciplinaire, le règlement intérieur litigieux méconnait les dispositions susrappelées du code du travail qui autorisent les salariés à se retirer d'une situation de travail dont ils ont "un motif raisonnable de penser" qu'elle présente un danger grave et imminent ; que, par suite, le directeur régional du travail et de l'emploi a légalement exigé la modification de l'article 2-2-a précité du règlement intérieur ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE RENAULT AGRICULTURE de Noyal-en-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du directeur régional du travail et de l'emploi de Bretagne en date du 9 janvier 1984 ;
Article 1er : La requête du CENTRE RENAULT AGRICULTUREde Noyal-sur-Vilaine est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au CENTRE RENAULT AGRICULTURE de Noyal-sur-Vilaine et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 69829
Date de la décision : 09/10/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

66-03-01,RJ1 TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL - REGLEMENT INTERIEUR -Contenu - Dispositions contraires aux lois et règlements ou apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles des restrictions qui ne sont pas justifiées par la nature des tâches à accomplir ni proportionnées au but recherché - Dispositions relatives à l'ouverture des armoires et vestiaires - Illégalité [1].

66-03-01 En dehors des opérations périodiques de nettoyage prévues par le dernier alinéa de l'article R.232-24 du code du travail, et dont les salariés intéressés doivent être prévenus à l'avance, l'employeur ne peut faire procéder au contrôle de l'état et du contenu des vestiaires ou armoires individuelles, en présence des intéressés sauf cas d'empêchement exceptionnel, que si ce contrôle est justifié par les nécessités de l'hygiène ou de la sécurité. Faute de contenir cette précision, les dispositions du second alinéa de l'article 2-I-a du règlement intérieur établi par le Centre Renault Agriculture de Noyal-sur-Vilaine excèdent l'étendue des restrictions qui peuvent être légalement apportées sur ce point aux droits des personnes.


Références :

Code du travail L122-34, L122-35, L122-37 al. 2, L122-38, R232-24, L231-8-1, L231-8

1.

Cf. 1987-06-12, Société Gantois, n° 72388


Publications
Proposition de citation : CE, 09 oct. 1987, n° 69829
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: M. Fraisse
Rapporteur public ?: M. Robineau

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:69829.19871009
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