Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 septembre 1985 et 15 janvier 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME COIGNET PACIFIQUE, dont le siège social est à Nouméa 70 B 3193 Nouvelle-Calédonie , représentée par son président-directeur général, ayant délégation 11 avenue Myron-T.-Herrick à Paris 75008 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 16 juillet 1985 par lequel le tribunal administratif l'a reconnue débitrice envers le Trésor d'une somme de 591 551 F, recouvrée par un arrêté de débet, d'un montant de 716 850,50 F émis à son encontre le 27 septembre 1982 par le ministre de la défense, et l'a déchargée du surplus d'un montant de 125 329,50 F,
2° annule la décision par laquelle le ministre de la défense a rejeté l'opposition formée par la SOCIETE COIGNET-PACIFIQUE à l'arrêté de débet mis à sa charge, pour un montant de 716 880,50 F, à la suite des désordres ayant affecté les logements du jardin militaire, édifiés par la requérante à Nouméa pour le compte du ministère de la défense,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret du 29 décembre 1962 sur la comptabilité publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Sauzay, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Le Prado, avocat de la SOCIETE COIGNET-PACIFIQUE,
- les conclusions de M. Roux, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de l'arrêté de débet en date du 27 septembre 1982 :
Considérant que, par marché passé avec le ministre de la défense, la SOCIETE COIGNET-PACIFIQUE a réalisé la construction de quarante-deux logements répartis en trois immeubles, au lieu-dit "Jardin militaire" à Nouméa, dont la réception définitive a eu lieu au mois d'avril 1974 ; qu'à la suite de désordres apparus dès novembre 1974, le ministre de la défense a obtenu la désignation, par le président du conseil du contentieux administratif de Nouméa, d'un expert qui a remis son rapport au mois de septembre 1981 ; que le ministre de la défense a émis le 27 septembre 1982 à l'encontre de la SOCIETE COIGNET-PACIFIQUE un arrêté de débet fixant, conformément aux conclusions de l'expertise, à 716 880,50 F le montant des réparations à sa charge ;
Considérant que les ministres tiennent de l'article 84 du décret du 29 décembre 1962 le pouvoir de constituer débitrices, par des arrêtés de débet, les entreprises qui ont passé, avec eux, un marché de travaux publics quel que soit le fondement de la créance ; que, dès lors, le ministre pouvait régulièrement prendre l'arrêté attaqué sans que soit intervenue préalablement une décision de justice statuant sur le bien-fondé de la créance de l'Etat ;
Sur la créance de l'Etat à l'encontre de la SOCIETE COIGNET-PACIFIQUE ;
Considérant qu'il appartient au juge, saisi d'une demande dirigée contre un arrêté de débet, de vérifier que, à la date à laquelle il statue, la créance a un caractère exigible, certain et liquide ;
Considérant qu'il résulte des constatations de l'expert que les trois bâtiments ont présenté des défauts dans l'étanchéité des toitures ainsi que d'importantes fissures intérieures et extérieures ; que ces défectuosités ont entraîné des désordres qui ont, en raison de leur importance et de leur nature, rendu les logements improres à leur destination ; que ni l'origine, ni la gravité des désordres n'avaient pu apparaître lors de la réception définitive des bâtiments ; qu'ainsi, la responsabilité de la SOCIETE COIGNET-PACIFIQUE est engagée à l'égard de l'Etat du fait de ces désordres sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; qu'il n'est pas établi que des événements extérieurs ayant un caractère de force majeure aient aggravé les conséquences de ces désordres, et qu'un défaut d'entretien de nature à exonérer l'entreprise de la responsabilité qu'elle a encourue puisse être relevé à la charge du maître de l'ouvrage ;
Considérant que les dommages subis par les placards, les portes palières, les cloisons intérieures et la peinture des cages d'escalier sont la conséquence des malfaçons ci-dessus rappelées ; qu'ainsi c'est à bon droit que le coût de leur réparation a été également mis à la charge de la SOCIETE COIGNET-PACIFIQUE ; qu'en laissant à la société la moitié du coût afférent aux postes II, V, et VII du rapport d'expertise, le tribunal administratif n'a pas fait une évaluation exagérée de la charge qu'elle doit supporter ; que, compte tenu de la date d'apparition des désordres, la société n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait dû appliquer au coût des travaux de remise en état un abattement de vétusté ;
Considérant toutefois qu'à la suite d'une erreur matérielle, le tribunal administratif a inclus, par le dispositif de son jugement, dans le total des sommes mises à la charge de la société celles correspondant aux postes I, VIII et IX du rapport d'expertise dont il avait entendu la décharger ; que, dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouméa a jugé que l'arrêté de débet attaqué avait pu la constituer débitrice d'une somme supérieure à 584 680 F et qu'elle ne devait être déchargée que d'une somme de 125 329,50 FF alors qu'elle doit l'être d'une somme de 132 200,50 FF ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les frais de l'expertise ordonnée par les premiers juges ;
Article 1er : L'arrêté de débet du ministre de la défense en date du 27 septembre 1982 est annulé en tant qu'il a constitué la SOCIETE COIGNET-PACIFIQUE débitrice envers le Trésor d'une somme supérieure à 584 680 FF.
Article 2 : La SOCIETE COIGNET-PACIFIQUE est déchargée d'une somme de 132 200,50 FF.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nouméa en date du 16 juillet 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Nouméa sont mis à la charge de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE COIGNET-PACIFIQUE est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE COIGNET-PACIFIQUE et au ministre de la défense.