Vu la requête enregistrée le 20 mars 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Antoine X..., actuellement détenu à la maison d'arrêt des Baumettes à Marseille 13000 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule un décret en date du 25 février 1987 accordant son extradition aux autorités italiennes,
°2 ordonne qu'il soit sursis à l'exécution de ce décret ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Garcia, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Schrameck, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant que le décret du 25 février 1987 accordant aux autorités italiennes l'extradition de M. X... énumère les différentes infractions pour lesquelles il est recherché par la justice italienne et précise que ces infractions sont punissables en droit français et non prescrites ; que la décision d'extradition se fonde sur la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ; que la simple omission du numéro de l'article de cette convention applicable en l'espèce, résultant d'une erreur matérielle, ne saurait entacher la légalité du décret attaqué, lequel satisfait, dès lors, aux exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que M. X... réside sur le territoire français depuis avril 1984 ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'il soit extradé au profit de l'Italie pour des infractions qu'il aurait commises dans ce pays après cette date ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte clairement des "décrets" du tribunal de Catane du 17 juin 1982 et du 17 février 1983 que ces décisions ne prononcent pas de condamnation pénale à l'encontre de l'intéressé, mais de simples "mesures de prévention de sûreté publique" ; que si, par "jugement" du 13 juin 1983, le juge d'instruction près le même tribunal a prononcé un non-lieu sur des poursuites pénales engagées contre M. X... sur la base de l'article 416 du code pénal italien pour association de malfaiteurs et à supposer que cette décision soit revêtue de l'autorité de la chose jugée, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que les faits qui étaient à l'origine de ces poursuites sont les mêmes que ceux qui ont motivé "l'ordre de capture" du procureur de la République de Turin du 6 décembre 1984 et le mandat d'arrêt du juge d'instruction de Palerme du 28 février 1985 pour l'exécution desquels est intervenu le décret attaqué, bien que ces documents visent, parmi d'autres, le même article du code pénal italien ; qu'à supposer que le mandat d'arrêt de 1985 concerne en tout ou en partie les mêmes faits que l'ordre de capture de 1984, il appartiendra aux seules autorités judiciaires italiennes de déterminer la juridiction compétente pour connaître de ces faits ; que dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué aurait méconnu, contrairement à l'ordre public français, la règle selon laquelle une même personne ne peut être poursuivie ou condamnée plus d'une fois pour les mêmes faits ;
Considérant, en troisième lieu, que l'article 265 du code pénal français réprime l'association de malfaiteurs définie comme une association formée ou une entente établie en vue de la préparation, concrétisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes contre les personnes et les biens ; que si le décret attaqué accorde l'extradition pour association de malfaiteurs, association de malfaiteurs aux fins du trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs de type "mafia" et association de malfaiteurs de type "mafia" avec circonstances aggravantes, ces deux dernières incriminations visent, selon la loi pénale italienne "ceux qui se servent de la force d'intimidation qui lie entre eux les membres de l'association... pour commettre des délits" ; qu'ainsi, elle se réfère à une incrimination similaire à l'association de malfaiteurs prévue et réprimée par l'article précité du code pénal français ; que doit donc être écarté le moyen tiré de ce que la condition d'une double incrimination au regard des lois pénales des deux parties ne serait pas remplie ;
Considérant enfin qu'il ne ressort pas, en tout état de cause, des pièces versées au dossier, que la remise de l'intéressé aux autorités italiennes aurait pour effet de lui faire courir de graves dangers, indépendamment des condamnations qui pouvaient être prononcées contre lui ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au Premier ministre et au Garde des sceaux, ministre de la justice.