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21/10/1987 | FRANCE | N°59760

France | France, Conseil d'État, 7 / 8 ssr, 21 octobre 1987, 59760


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 juin 1984 et 5 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre X..., demeurant ... à Bordeaux 33000 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 5 avril 1984 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisations au profit du centre d'études techniques des industries de l'habillement auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1976 au 31

décembre 1979 par avis de mise en recouvrement du 2 décembre 1980 ;...

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 juin 1984 et 5 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre X..., demeurant ... à Bordeaux 33000 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 5 avril 1984 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisations au profit du centre d'études techniques des industries de l'habillement auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1979 par avis de mise en recouvrement du 2 décembre 1980 ;
- lui accorde la décharge sollicitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Bas, Maître des requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de M. Jean-Pierre X...,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Sur les suppléments d'imposition mis à la charge de M. X... au titre de la période correspondant à l'année 1979 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 septies du code général des impôts, applicable en l'espèce : "Les contribuables peuvent se faire assister, au cours des vérifications de comptabilité..., d'un conseil et doivent être avertis de cette faculté à peine de nullité de la procédure. Dans tous les cas, la procédure de vérification doit comporter l'envoi d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification en mentionnant expressément la faculté pour le contribuable de se faire assister par un conseil de son choix" ; que ces dispositions impliquent qu'un délai suffisant pour choisir un conseil soit laissé au contribuable entre le moment où l'avis de vérification lui est remis et le moment où débute la vérification ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, conformément aux mentions de l'avis reçu par M. X... le 4 janvier 1980, la vérification de la comptabilité de son entreprise, engagée le 17 janvier 1980, n'a d'abord porté que sur la période correspondant aux années 1976, 1977 et 1978 ; que, par un avis du 11 février 1980, reçu par M. X... le 12, celui-ci a été informé de ce que, à compter du 13, le champ de la vérification serait étendu à l'année 1979 ; qu'il n'est pas établi par l'administration que la vérification, s'agissant de l'année 1979, n'aurait en fait commencé qu'à une date ultérieure ; qu'il suit de là que M. X... n'a pas disposé du délai suffisant qu'impliquent les dispositions précitées de l'article 1649 septies en ce qui concerne la vérification de comptabilité pour l'année 1979 et que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement ataqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires qui lui ont été réclamées au titre de la période correspondant à l'année 1979 ;
Sur les compléments d'imposition afférents à la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1978 :
En ce qui concerne la procédure d'imposition et la charge de la preuve :

Considérant, en premier lieu, que, sur le fondement de l'ordonnance du 30 juin 1945 relative aux prix, des agents de la brigade interrégionale de Bordeaux de la direction nationale d'enquêtes fiscales, commissionnées par le directeur général de la concurrence et de la consommation, ont, au cours d'opérations de contrôle, perquisitionné dans les ateliers de M. X..., qui exploite une entreprise de confection féminine, un petit commerce de vente au détail et un bar, ainsi qu'à son domicile ; qu'à la suite du procès-verbal établi le 20 septembre 1979, l'intéressé a fait l'objet de poursuites pour infraction à la législation sur les prix qui ont donné lieu à un arrêt du tribunal de grande instance de Bordeaux du 28 janvier 1981 ; que, dès lors, si M. X... soutient que les opérations de contrôle dont s'agit ont été engagées à des fins exclusivement fiscales et seraient de ce fait entachées de détournement de procédure, le moyen qu'il présente sur ce point manque en fait ;
Considérant, en second lieu, que la circonstance que les documents et informations recueillis au cours des opérations susmentionnées ont été communiqués au service de l'assiette, conformément aux dispositions de l'article 1987 du code général des impôts, et ont été utilisées pour le calcul des bases des impositions litigieuses n'a pas pour effet de donner à la vérification de comptabilité à la suite de laquelle ces impositions ont été établies le caractère d'une seconde vérification de comptabilité prohibée par les dispositions de l'article 1649 septies B du code général des impôts, applicable aux impositions contestées ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1649 septies B du code général des impôts : "Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période" ; que, se fondant sur ces dispositions, M. X... fait valoir que sa comptabilité a fait l'objet de deux vérifications pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1976 et en déduit que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité ; que l'administration ne conteste pas qu'une première vérification avait porté, en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur cette période et que la vérification, qui a donné lieu aux impositions actuellement en litige, a porté sur la même période ;
Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 1968 du même code applicable en l'espèce : "1. En matière de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, le délai pendant lequel peut s'exercer le droit de répétition dont dispose l'administration a pour point de départ, nonobstant les dispositions de l'article 1649 septies B, le début de la période sur laquelle s'exerce ce droit pour les impôts visés à l'article 1966-1 et concernant le même contribuable" ; que ces dispositions permettent à l'administration de comprendre dans une nouvelle vérification, même si cela déroge aux prescriptions de l'article 1649 septies B, une fraction de période d'imposition ayant déjà fait l'objet d'une vérification, dès lors que cette fraction se trouve incluse dans un exercice qui se situe à l'intérieur du délai de répétition prévu à l'article 1966 du code général des impôts ; qu'il suit de là que c'est par une exacte application des dispositions précitées du code que l'administration a pu inclure dans la seconde vérification de la comptabilité les opérations de l'année 1976 bien que celles-ci aient été précédemment vérifiées ;

Considérant, en quatrième lieu, que les irrégularités qui affecteraient, selon M. X..., les opérations de contrôle réalisées sur le fondement de l'ordonnance du 30 juin 1945 sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie en ce qui concerne les cotisations contestées ; qu'il en est de même du fait que le service de la concurrence et de la consommation aurait renoncé à se prévaloir de la reconstitution du chiffre d'affaires à laquelle les auteurs du procès-verbal ont procédé ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les écritures centralisatrices de recettes, passées périodiquement, n'étaient pas corroborées par des documents, tel un brouillard de caisse, établis au fur et à mesure et permettant de suivre le détail des recettes ; que des salaires, des rémunérations et des ventes n'ont pas été enregistrés en comptabilité ; que les indications du livre d'inventaire ne permettent pas de distinguer les vêtements en stock dans le magasin de détail provenant d'achats à des fabricants et de la propre fabrication du requérant, et les vêtements en stock à l'établissement principal ; que de nombreuses pièces justificatives faisaient défaut, notamment les bons de commandes des clients et les bons de livraison à la boutique de détail ; que ces irrégularités, graves et répétées, ne permettent pas de regarder la comptabilité de M. X... comme probante ; que, par suite, le service était en droit, comme il l'a fait, de rectifier d'office le bénéfice imposable de M. X... qui, dès lors, ne peut obtenir par la voie contentieuse la décharge ou la réduction des impositions qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues ;
En ce qui concerne les bases d'imposition :

Considérant que, pour déterminer le chiffre d'affaires imposable, le service a reconstitué les recettes provenant de la vente en gros des vêtements fabriqués dans l'entreprise en appliquant les coefficients de 1,40 de 1976 à 1978 et de 1,60 en 1979 au coût de fabrication déterminé à partir du coût de la main-d'oeuvre et de façon ainsi que les fournitures, dont il a déduit les fabrications vendues au détail, estimées à 3 % ; qu'il a reconstitué les recettes du magasin de vente au détail en appliquant le coefficient de 1,60 au coût des vêtements fabriqués dans l'entreprise ou achetés à d'autres commerçants ; que les recettes du bar ont été évaluées en appliquant le coefficient de 6,5 aux achats revendus ; que, si M. X... conteste notamment la proportion de vêtements fabriqués dans l'entreprise et revendus dans le magasin de détail, le calcul des coûts de façon et celui du coût des fournitures employées ainsi que les coefficients retenus, il n'assortit pas ses allégations de précisions et de justifications suffisantes pour en établir l'exactitude ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, comme il le soutient, l'administration a fait une inexacte appréciation du montant des charges sociales de l'entreprise pour le calcul du montant des ventes hors taxe en gros de vêtements en l'évaluant à 50 % du coût de la main-d'oeuvre de fabrication alors que, compte tenu notamment de la prise en compte des congés payés, il ne s'est élevé, d'après les récapitulatifs détaillés que M. X... a produits, qu'à 38 % de 1976 à 1978 ; que, par suite, eu égard aux autres éléments de calcul retenus par l'administration, le supplément de taxe exigible ne s'élève qu'à 132 219 F au lieu de 157 022 F, les cotisations au profit du centre d'études techniques des industries de l'habillement devant être reduites à due concurrence ; qu'il suit de là, que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur les droits excédant ceux qui viennent d'être indiqués ;
Article 1er : Le supplément d'imposition à la taxe surla valeur ajoutée mis à la charge de M. X... au titre de la périodedu 1er janvier 1976 au 31 décembre 1978 est ramené à 132 219 F, le supplément de cotisation au profit du centre d'étude technique des industries de l'habillement pour la même période étant réduit à due concurrence.
Article 2 : M. X... est déchargé du complément de taxe sur la valeur ajoutée, de cotisation pour le centre d'études techniques des industries de l'habillement et de taxe parafiscale sur les textiles qui lui a été réclamé au titre de la période correspondant à l'année 1979.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux endate du 5 avril 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et auministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 7 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 59760
Date de la décision : 21/10/1987
Sens de l'arrêt : Réformation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-01-02-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION DE COMPTABILITE - PROCEDURE -Obligation d'avertir le contribuable en temps utile de la faculté de se faire assister d'un conseil - Délai insuffisant pour pouvoir se faire assister d'un conseil - Délai d'un jour.

19-01-03-01-02-04 Les dispositions de l'article 1649 septiès du CGI impliquent qu'un délai suffisant pour choisir un conseil soit laissé au contribuable entre le moment où l'avis de vérification lui est remis et le moment où débute la vérification. Un contribuable a reçu le 12 février 1980 un avis en date du 11 février, l'informant que le champ de la vérification de la comptabilité de son entreprise, engagée le 17 janvier 1980 et portant sur les années 1976, 1977 et 1978, serait étendu, à compter du 13 février, à l'année 1979. Délai insuffisant et décharge des impositions supplémentaires réclamées au contribuable au titre de la période correspondant à l'année 1979.


Références :

CGI 1649 septiès, 1987, 1649 septies B, 1968, 1966
Ordonnance du 30 juin 1945


Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 1987, n° 59760
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Ducamin
Rapporteur ?: M. Bas
Rapporteur public ?: M. Fouquet

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:59760.19871021
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