Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 juillet 1984 et 10 janvier 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Chantal X..., demeurant à Bossey, Saint-Julien-en-Genvois 74160 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 13 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que la Société du Tunnel sous le Mont-Blanc S.T.M.B. , concessionnaire d'autoroute, soit condamnée à lui verser une indemnité de 214 000 F en réparation du préjudice causé à la maison dont elle est propriétaire, du fait de la construction d'une rampe d'accès,
2° condamne la S.T.M.B. à lui verser la somme de 215 000 F, assortie des intérêts de droit capitalisés,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dubos, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lesourd, Baudin, avocat de Mme Chantal X... et de Me Pradon, avocat de la Société concessionnaire française pour la construction et l'exploitation du Tunnel routier sous le Mont-Blanc STMB ,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Société du Tunnel sous le Mont-Blanc, chargée de la construction de l'autoroute A 42, a dû également construire une bretelle d'accès afin de rétablir la desserte des voies existantes sur le territoire de la commune de Bossey ; que cette bretelle a été édifiée sous la responsabilité de la société concessionnaire, seule maître de l'ouvrage ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 4 du cahier des charges de la concession ; qu'ainsi, en recherchant devant le tribunal administratif de Grenoble la responsabilité de la société concessionnaire afin d'obtenir réparation du préjudice que lui causait le remblai de cette bretelle, Mme X... a bien dirigé sa demande ; que, par suite, le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 13 juin 1984 qui rejette sa requête comme mal dirigée doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Considérant que les seules nuisances dont Mme X... demande réparation et qui résultent pour elle, sur sa propriété, d'une privation de vue due à l'implantation de la voie nouvelle engagent la responsabilité du maître de l'ouvrage ; qu'il sera fait une exacte appréciation de ce préjudice en allouant à Mme X... la somme de 80 000 F ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que Mme X... a droit aux intérêts de la somme de 80 000 F à compter du 9 février 1982 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 10 janvier 1985 et le 4 mars 1986 ; qu'à chacne de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article ler : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 juin 1984 est annulé.
Article 2 : La Société du Tunnel sous le Mont-Blanc est condamnée à verser à Mme X... la somme de 80 000 F, avec intérêtsau taux légal à compter du 9 février 1982 ; les intérêts échus les 10janvier 1985 et 4 mars 1986 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme X... devant le tribunal administratif et de sa requête devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., àla Société du Tunnel sous le Mont-Blanc, au maire de Bossey et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.