Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 3 avril 1985 et 29 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE D'OTTERSTHAL, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement du 31 janvier 1985 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg statuant sur une requête en appréciation de validité présentée pour M. Y... agissant en exécution d'un jugement du tribunal de grande instance de Saverne a déclaré que l'emprise constituée sur la propriété de M. Y... par élargissement de la voie bordant cette dernière était irrégulière,
°2 déclare que l'emprise en question est régulière et fondée sur des actes légaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code rural ;
Vu l'ordonnance 59-115 du 7 janvier 1959 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pochard, Maître des requêtes,
- les observations de Me Roger, avocat de la commune d'OTTERSTHAL et de la SCP Le Prado, avocat de M. Y...,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la question posée, dans la limite du renvoi préjudiciel qui a été décidé par le jugement du 31 janvier 1985 rendu par le tribunal de grande instance de Saverne dans un litige entre la commune d'OTTERSTHAL X... et M. Y..., est celle de savoir si le prélèvement d'une bande de terrain qui a été opéré sur la propriété de M. Y... dans le courant du mois d'août 1979 en vue d'élargir un chemin communal qui longe la partie est de cette propriété peut trouver un fondement légal soit dans la prescription d'un permis de construire du 18 avril 1978 qui imposait à M. Y... une cession gratuite de terrain, soit dans la délibération du 28 avril 1978 par laquelle le conseil municipal d' Ottersthal a fixé le tracé d'alignement de la propriété de M. Y... en bordure de la voie en cause en portant à 7 m la largeur de cette voie ; que pour s'opposer à l'appréciation par le juge administratif de la validité des deux actes administratifs ci-dessus analysés la commune d'OTTERSTHAL ne peut utilement faire valoir que le premier de ces actes serait devenu définitif faute d'avoir été attaqué dans le délai du recours pour excès de pouvoir et qu'il en serait de même d'un arrêté individuel d'alignement que le maire a délivré le 6 mai 1978 en exécution de la délibération susmentionnée du 28 avril 1978 ;
En ce qui concerne la prescription du permis de construire du 18 avril 1978 d'après laquelle "le pétitionnaire devra céder gratuitement, jusqu'à 10 % de la surface totale de sa parcelle, le terrain nécessaire à l'élargissement du chemin rural côté Est " :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 332-15 du code de l'urbanisme : "l'autorité qui délivre le permis de construire ou l'autorisation de lotisement ne peut exiger la cession gratuite de terrain qu'en vue de l'élargissement ou de la création de voies publiques ..." ; que d'après l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales "la voirie des communes comprend : °1 les voies communales qui font partie du domaine public ; °2 les chemins ruraux qui appartiennent au domaine privé de la commune" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la voie en cause qu'aucune décision du conseil municipal n'avait classée dans la voirie communale antérieurement à la date de la délivrance du permis de construire par l'arrêté du 18 avril 1978 avait, à cette date le caractère d'un chemin rural ainsi que le constate d'ailleurs cet arrêté ; qu'il suit de là que la prescription du permis de construire qui impose à M. Y... une cession gratuite de terrain pour l'élargissement de ce chemin est entachée d'illégalité et qu'ainsi et en tout état de cause la commune ne peut s'en prévaloir pour fonder une emprise sur la propriété de M. Y... ;
En ce qui concerne la délibération du conseil municipal du 28 avril 1978 :
Considérant que si l'article 4 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, que l'article 68 du code rural rend applicable aux délibérations des conseils municipaux "portant élargissement n'excédant pas 2 m ou redressement de chemins ruraux" prévoit que "les délibérations du conseil municipal portant reconnaissance, fixation de la largeur ... d'une voie communale, lorsqu'elles sont approuvées ou exécutoires attribuent définitivement au chemin le sol des propriétés non bâties dans les limites qu'elles déterminent" il est constant que la délibération susmentionnée du conseil municipal d' Ottersthal du 28 avril 1978 qui porte à 7 m la largeur du chemin rural litigieux n'a pas été précédée de l'enquête publique que prescrit l'article 1er du décret du 8 octobre 1976 fixant les modalités de l'enquête publique préalable à l'aliénation, à l'ouverture ou redressement et à la fixation de la largeur des chemins ruraux ; qu'il suit de là que cette délibération n'a pu avoir pour effet d'inclure légalement dans les limites qu'elle détermine la bande de terrain qui a été prélevée sur la propriété de M. Y... pour élargir la voie en cause ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que c'est à bon droit que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré que le prélèvement de terrain opéré par la commune d'OTTERSTHAL sur la propriété de M. Y... constituait une emprise irrégulière ;
Article 1er : La requête de la commune d'OTTERSTHAL est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune d'OTTERSTHAL, à M. Y..., au secrétaire-greffier du tribunal de grande instance de Saverne et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.