Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 avril 1982 et 30 août 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques Y..., demeurant ... , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement du 24 février 1982 par lequel le tribunal administratif de Besançon a condamné la commune de Grand-Charmont à lui verser la somme de 7 675,62 F avec intérêts à compter du 13 février 1980 représentant des honoraires relatifs aux travaux de pose de revêtement de sol de la salle polyvalente ;
2° condamne la commune de Grand-Charmont à lui verser les sommes de 25 310 F et 19 918 F relatives à des études effectuées et décide que ces sommes porteront intérêts au 4 août 1977 et que les intérêts seront capitalisés,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Vestur, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de M. Y... et de la S.C.P. Desaché, Gatineau, avocat de la ville de Grand-Charmont,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si M. Y..., dans des observations enregistrées le 30 août 1982 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, fait grief au jugement attaqué de n'être pas suffisamment motivé, ce moyen, présenté après l'expiration du délai du recours contentieux et fondé sur une cause juridique distincte de celle de la requête, constitue une demande nouvelle tardive et, par suite, irrecevable ;
Sur le versement d'honoraires pour les lots 6, 17, 18, 19 et 20 :
Considérant que la convention passée le 26 avril 1973 entre la commune de Grand-Charmont et MM. X... et Y..., architectes, en vue de la construction d'une salle polyvalente, ne comprenait pas de commande d'étude d'équipements spéciaux destinés à permettre la transformation de la salle de sports en salle de spectacles ; que le maire de Grand-Charmont, par une lettre du 26 juin 1973, s'est borné à confirmer aux architectes que la commune entendait réaliser certaines installations et à leur demander d'évaluer le coût de l'aménagement des abords, de la voirie et des réseaux divers ainsi que des équipements spéciaux destinés aux lots n°s 6, 17, 18, 19 et 20 sans passer de commande nouvelle pour l'étude de ces équipements spéciaux ; que si le conseil municipal a accepté, lors d'une réunion tenue le 30 avril 1977, le principe de l'exécution des équipements spéciaux, il a subordonné cette acceptation à une confirmation de sa décision qui n'a pas été donnée ; que ni le fait que certains ouvrages destinés à recevoir des équipements spéciaux aient été partiellement ou totalement exécutés conformément au projet arrêté par la commune ni la circonstance que la détermination du gros-oeuvrede la cabine "Régie, lumière et son" aurait impliqué une étude complète des lots 19 et 20 ne peuvent être regardés comme constituant l'accord donné par la commune à une commande portant sur l'étude des équipements spéciaux correspondants ; que, par suite, M. Y..., qui agit au nom du cabinet d'architectes qu'il exploite avec M. X..., n'est pas fondé à soutenir que la commune de Grand-Charmont a commandé les études relatives à ces équipements et doit être condamnée à verser à ces architectes les honoraires réclamés ;
Sur le versement d'honoraires pour le lot n° 21 :
Considérant qu'aux termes du 4ème alinéa de l'article 6 de la convention susanalysée du 26 avril 1973 : "Si, en l'absence de faute des architectes, le projet définitif, même approuvé, n'était pas mis en adjudication dans un délai de six mois après approbation préfectorale sans que le maître de l'ouvrage puisse invoquer un cas de force majeure, les honoraires seraient calculés aux taux prévus à l'article 3 sur les 4/10e du coût des travaux, tel qu'il figurera au devis estimatif général du projet exécuté et payables après le délai ci-dessus passé. Ces honoraires seront considérés comme acomptes sur les honoraires totaux dus si, par suite, le projet est exécuté" ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la commune de Grand-Charmont, après avoir demandé l'évaluation du lot n° 21 relatif à l'aménagement des abords de la salle polyvalente, à la voirie et aux réseaux divers, a accepté les plans et projets élaborés par les architectes puis les offres des entreprises recueillies et transmises par eux sur sa demande ; que, dès lors, elle doit être regardée comme ayant commandé l'étude du lot n° 21 ;
Considérant, d'autre part, que la commune de Grand-Charmont a renoncé, après un délai d'environ un an, à donner suite aux offres qui lui avaient été présentées et a décidé d'exécuter en régie les travaux du lot n° 21 ; que, par suite, en application des stipulations rappelées ci-dessus, la commune, qui n'invoque ni cas de force majeure ni faute des architectes, doit verser à ces derniers les honoraires qui leur sont dus et dont le montant non contesté s'élève à 18 918 F ; qu'ainsi, elle doit être condamnée à payer cette somme à MM. X... et Y..., avec intérêts aux taux légal à compter du 18 février 1980 ;
Sur les travaux de pose de revêtement de sol :
Considérant que, par la voie du recours incident, la commune de Grand-Charmont demande l'annulation de l'article 1er du jugement la condamnant à payer à MM. X... et Y... la somme de 7 675,62 F représentant les honoraires relatifs aux travaux de pose de revêtement de sol ; qu'il résulte de l'instruction que la convention susanalysée du 26 avril 1973 confiait aux architectes l'ensemble des tâches relatives à la construction de la salle polyvalente et que la commune ne rapporte pas la preuve que le poste relatif au revêtement du sol de cette salle en ait été exclu ; que, par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, réintégrant les travaux de pose de ce revêtement dans le champ d'application de la convention, l'a condamnée à payer les honoraires y afférant ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que la somme de 7 675,62 F que la commune de Grand-Charmont a été condamnée à payer à MM. X... et Y... doit être portée à 26 593,62 F ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant, d'une part que si M. Y... conteste la date du point de départ des intérêts qui lui sont dus, il ne justifie pas avoir présenté les sommations de payer les honoraires qui lui étaient éventuellement dus à une date antérieure au 18 février 1980, date à laquelle sa demande au tribunal administratif de Besançon a été enregistrée ; que, par suite, il y a lieu, ainsi que la commune de Grand-Charmont le demande par son recours incident, de fixer la date du point de départ des intérêts sur les sommes dues à MM. Y... et X... au 18 février 1980 et non, comme l'a retenu le jugement attaqué, par suite d'une erreur matérielle, au 13 février 1980 ;
Considérant d'autre part que la capitalisation des intérêts a été demandée les 20 avril 1982, 19 septembre 1983 et 7 septembre 1984 ; qu'à chacune de ces deux premières dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à ces demandes ; qu'en revanche, au 7 septembre 1984, il n'était pas dû une année d'intérêts ; que, par suite, cette troisième demande doit être rejetée ;
Article 1er : La somme de 7 675,62 F que la commune de Grand-Charmont a été condamnée à verser à MM. X... et Y... par le jugement du tribunal administratif de Besançon du 24 février 1982 est portée à 26 593,62 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 février 1980. Les intérêts échus les 20 avril 1982 et 19 septembre 1983 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 24 février 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... et le surplus des conclusions du recours incident de la commune de Grand-Charmont sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à la commune de Grand-Charmont et au ministre de l'intérieur.