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13/11/1987 | FRANCE | N°48613

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 13 novembre 1987, 48613


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février 1983 et 8 juin 1983, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. René X..., demeurant à La Pastorale ... 78580 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1- annule le jugement du 2 novembre 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre, d'une part, la décision du 10 septembre 1979 par laquelle le directeur régional des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France l'a suspendu sans traitement à compter du 10 septembre 1979 de ses

fonctions de directeur de la caisse interprofessionnelle de retrait...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février 1983 et 8 juin 1983, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. René X..., demeurant à La Pastorale ... 78580 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1- annule le jugement du 2 novembre 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre, d'une part, la décision du 10 septembre 1979 par laquelle le directeur régional des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France l'a suspendu sans traitement à compter du 10 septembre 1979 de ses fonctions de directeur de la caisse interprofessionnelle de retraite des commerçants détaillants de la région parisienne ; d'autre part la délibération du 24 septembre 1979 par laquelle la commission de discipline des agents de direction et des agents comptables des caisses d'assurance vieillesse des travailleures non salariés a confirmé la décision précitée, a levé à compter du 25 septembre 1979 ladite suspension, et a exprimé un avis tendant à la rétrogradation de M. X..., tout en précisant que ce dernier ne peut plus exercer les fonctions de directeur d'un organisme de sécurité sociale,
°2- annule pour excès de pouvoir ladite décision et ladite délibération,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 4 août 1981 portant amnistie ;
Vu le décret °n 60-452 du 12 mai 1960 ;
Vu le décret °n 70-312 du 25 mars 1970 ;
Vu le décret °n 74-52 du 17 janvier 1974 ;
Vu le décret °n 76-1137 du 7 décembre 1976 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fraisse, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Baraduc-Benabent, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Robineau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 19 du décret °n 60-452 du 12 mai 1960 modifié, relatif à l'organisation et au fonctionnement de la sécurité sociale, dont les dispositions ont été rendues applicables aux caisses relevant des organisations autonomes d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales, industrielles et commerciales par l'article 4 du décret °n 74-52 du 17 janvier 1974 : "II. Toute décision d'un conseil d'administration en matière de rétrogradation, révocation ou licenciement d'un agent de direction ou de l'agent comptable ne peut intervenir qu'après l'avis d'une commission instituée pour chaque régime par arrêté conjoint des ministres intéressés ... III. En cas d'urgence, l'agent de direction peut être suspendu, avec ou sans traitement par le ministre chargé du contrôle administratif ou son représentant territorial. La suspension cesse d'avoir effet si, dans un délai de quinze jours, la commission n'a pas été saisie ... IV. Les arrêtés du ministre intéressé fixent les modalités d'application des II et III" ; que le minisre du travail et le ministre de l'économie et des finances ont, par arrêté du 9 février 1976, fixé les modalités d'application de ces dispositions en ce qui concerne les agents de direction et les agents comptables des caisses relevant des organisations autonomes d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales, industrielles et commerciales ;
Considérant que M. X... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées d'une part, contre la décision du 10 septembre 1979 par laquelle le directeur régional des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France l'a suspendu de ses fonctions de directeur de la caisse interprofessionnelle de retraite des commerçants détaillants de la région parisienne, et, d'autre part, contre la délibération de la commission de discipline en date du 24 septembre 1979 en tant que ladite délibération a confirmé la mesure de suspension sans traitement pour une durée de quinze jours à compter du 10 septembre 1979 et a émis un avis tendant à sa rétrogradation ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision de suspension du 10 septembre 1979 :

Considérant, d'une part que la mesure de suspension contestée n'étant pas une sanction disciplinaire, M. X... n'est pas fondé à invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 13 de la loi du 4 août 1981 portant amnistie en vertu desquelles "sont amnistiés les faits commis antérieurement au 22 mai 1981 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles" ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'année 1979, M. X... a, en vue d'aménager des locaux destinés à l'extension des services de la caisse dont il était le directeur, engagé et réglé des dépenses de travaux d'un montant important qui n'étaient pas prévues par l'état annuel de prévisions de recettes et de dépenses et pour lesquels il ne bénéficiait d'aucune délégation du conseil d'administration ; que ces opérations, qui étaient relatives à la gestion des opérations administratives visées à l'article 5 du décret °n 70-312 du 25 mars 1970 et à l'article 4 du décret °n 74-53 du 17 janvier 1974 et auraient dû, comme telles, être préalablement approuvées par le directeur régional, étaient susceptibles de compromettre l'équilibre financier de la caisse ainsi que son fonctionnement régulier et continu ; que le directeur régional des affaires sanitaires et sociales a pu légalement estimer qu'il était urgent de suspendre M. X... de ses fonctions ; que sont sans influence sur la légalité de cette décision le fait que M. X... a agi sur ordre du président du conseil d'administration, dès lors, qu'en sa qualité de directeur il disposait, en application de l'article 12-°5 du décret °n 76-1137 du 7 décembre 1976, de pouvoirs propres de décision, le fait que les opérations litigieuses ont pu être postérieurement ratifiées et financées et la circonstance que le conseil d'administration de la caisse n'a ultérieurement prononcé aucune sanction contre lui ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision qui l'a suspendu de ses fonctions ;
Sur les conclusions dirigées contre la délibération de la commission de discipline du 24 septembre 1979 en tant qu'elle a confirmé la mesure de suspension :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la commission de discipline a "confirmé la mesure de suspension sans traitement des fonctions de M. X... prononcé par le directeur régional ... pour une durée de quinze jours à compter du 10 septembre 1979" ; qu'elle a ainsi entendu prendre une décision exécutoire qui, comme la mesure de suspension elle-même, présente le caractère d'une décision administrative ; que cette décision faisait grief à M. X... ; que, par suite, c'est à tort que, le tribunal administratif a déclaré que, faute d'intérêt du requérant, les conclusions susanalysées n'étaient pas recevables ; qu'il y a lieu d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions ;
Considérant que si, en vertu de l'article 6 de l'arrêté susmentionné du ministre du travail et du ministre de l'économie et des finances du 9 février 1976, en cas de suspension préalable, "la commission se prononce tout d'abord sur le maintien ou la levée de la suspension avec ou sans traitement", ce texte n'a pu légalement conférer à ladite commission le pouvoir de confirmer ou d'infirmer les décisions de suspension prises en cas d'urgence par le ministre chargé du contrôle administratif ou son représentant territorial sur le fondement de l'article 19-III précité du décret précité du 12 mai 1960, dès lors que l'article 19-II de ce décret ne donne compétence à la commission que pour émettre un avis préalable à une sanction disciplinaire envisagée par le conseil d'administration à l'encontre d'un agent de direction ou de l'agent comptable et que l'article 19-IV du même décret n'autorisait les ministres intéressés qu'à fixer les modalités d'application des paragraphes II et III dudit article ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens invoqués par M. X..., que la délibération en date du 24 septembre 1979 de la commission de discipline, en tant qu'elle statue sur la décision de suspension, est entachée d'incompétence et doit être annulée ;
Sur les conclusions dirigées contre la délibération de la commission de discipline du 24 septembre 1979 en tant qu'elle exprime un avis sur la sanction disciplinaire à infliger à M. X... :
Considérant qu'en tant qu'elle exprime l'avis de la commission sur la sanction à infliger à M. X..., la délibération contestée n'est pas détachable de la procédure disciplinaire engagée contre l'intéressé ; qu'aux termes de l'article 19-V du décret précité du 12 mai 1960 : "Sous réserve des dispositions qui précèdent, les conditions de travail des agents de direction ... font l'objet de conventions collectives spéciales" ; que les litiges d'ordre individuel relatifs aux sanctions disciplinaires qui sont ou peuvent être infligées aux agents de direction par les organismes de sécurité sociale ne ressortissent pas à la compétence de la juridiction administrative ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est reconnu compétent pour statuer sur les conclusions susanalysées ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement sur ce point et de rejeter lesdites conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Article 1er : Le jugement du 2 novembre 1982 du tribunal administratif de Paris est annulé d'une part en tant qu'il a déclaré irrecevables les conclusions de M. X... dirigées contre ladélibération en date du 24 septembre 1979 de la commission de discipline des agents de direction et des agents comptables des caisses d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés, en tantque cette délibération confirme la décision du 10 septembre 1979 suspendant M. X... de ses fonctions, et, d'autre part, en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. X... dirigée contre la même délibération en tant qu'elle exprime un avis sur la sanction à infliger à l'intéressé.
Article 2 : La délibération en date du 24 septembre 1979 de la commission de discipline des agents de direction et des agents comptables des caisses d'assurances vieillesse des travailleurs non salariés est annulée en tant qu'elle confirme la décision du 10 septembre 1979 suspendant sans traitement M. X... de ses fonctions.
Article 3 : Les conclusions de la demande de M. X... présentées devant le tribunal administratif de Paris et dirigées contre la délibération de la commission de discipline du 24 septembre1979 en tant qu'elle exprime un avis sur la sanction à lui infliger sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 48613
Date de la décision : 13/11/1987
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - NOTION - ACTES A CARACTERE DE DECISION - ACTES PRESENTANT CE CARACTERE - Commissions de discipline instituées au sein des caisses relevant des organisations autonomes d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales - industrielles et commerciales [article 4 du décret n° 74-52 du 17 janvier 1974 et arrêté interministériel du 9 février 1976] - Décision de la commission de discipline confirmant la décision de suspension d'un agent de direction - prise par le directeur régional.

01-01-05-02-01, 54-01-01-01, 62-01-02-02, 62-01-04-01 Requérant contestant, d'une part, la décision du 10 septembre 1979 par laquelle le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de l'Ile-de-France l'a suspendu de ses fonctions de directeur de la caisse interprofessionnelle de retraite des commerçants détaillants de la région parisienne et, d'autre part, la délibération de la commission de discipline en date du 24 septembre 1979 en tant que ladite délibération a confirmé la mesure de suspension sans traitement pour une durée de quinze jours à compter du 10 septembre 1979 et a émis un avis tendant à sa rétrogradation. En confirmant la mesure de suspension prise par le directeur régional, la commission de discipline a entendu prendre une décision exécutoire qui, comme la mesure de suspension elle-même, présente le caractère d'une décision administrative. Cette décision fait grief au requérant.

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DECISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS - ACTES CONSTITUANT DES DECISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS - Décisions faisant grief - Décisions émanant d'autres autorités - Décisions des commissions de discipline instituées au sein des caisses relevant des organisations autonomes d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales - industrielles et commerciales [article 4 du décret du 17 janvier 1974 et arrêté interministériel du 9 février 1976] - Décision confirmant une mesure de suspension d'un agent de direction.

SECURITE SOCIALE - ORGANISATION DE LA SECURITE SOCIALE - REGIMES DE NON-SALARIES - ASSURANCE VIEILLESSE ET INVALIDITE - DECES DES PROFESSIONS ARTISANALES - INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES - Commissions de discipline instituées au sein des caisses relevant des organisations autonomes d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales - industrielles et commerciales [article 4 du décret n° 74-52 du 17 janvier 1974 et arrêté interministériel du 9 février 1976] - Décision de la commission de discipline confirmant la décision de suspension d'un agent de direction - prise par le directeur régional.

SECURITE SOCIALE - ORGANISATION DE LA SECURITE SOCIALE - PERSONNEL DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE - AGENTS DE DIRECTION - Commissions de discipline instituées au sein des caisses relevant des organisations autonomes d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales - industrielles et commerciales [article 4 du décret n° 74-52 du 17 janvier 1974 et arrêté interministériel du 9 février 1976] - Décision de la commission de discipline confirmant la décision de suspension d'un agent de direction - prise par le directeur régional.


Références :

Décret 60-452 du 12 mai 1960 art. 19, art. 19 III, art. 19 II, art. 19 V
Décret 70-312 du 25 mars 1970 art. 5
Décret 74-52 du 17 janvier 1974 art. 4
Décret 76-1137 du 07 décembre 1976 art. 12 5
Loi 81-736 du 04 août 1981 art. 13


Publications
Proposition de citation : CE, 13 nov. 1987, n° 48613
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Fraisse
Rapporteur public ?: M. Robineau

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:48613.19871113
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