Vu la requête enregistrée le 9 mai 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société anonyme BRETANOR, dont le siège social est ... 22100 , représentée par son président directeur général, domicilié en cette qualité audit siège et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 10 mars 1983 par lequel le tribunal administratif de Rennes saisi en application de l'article L. 511-1 du code du travail par le conseil de prud'hommes de Dinan de la question de savoir si la décision implicite de l'inspecteur du travail des Côtes-du-Nord née le 24 décembre 1981 autorisant le licenciement de M. X... pour motif économique était légale, a déclaré qu'aucune décision implicite n'était née du silence gardé par l'inspecteur du travail ;
2° déclare la décision autorisant le licenciement légale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lamy, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Waquet, avocat de la société anonyme BRETANOR et de Me Odent, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que devant le tribunal administratif de Rennes, la société anonyme BRETANOR développait un moyen tiré de la forclusion de la demande de M. X... dirigée contre la décision tacite d'autorisation de licenciement du 24 décembre 1981 devenue définitive en l'absence de recours contentieux dans les délais légaux ; que les premiers juges ont omis de répondre à ce moyen ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 10 mars 1983 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la question préjudicielle posée à ce tribunal ;
Considérant que le tribunal administratif de Rennes a été saisi, dans le cadre de la procédure de renvoi préjudiciel prévu à l'article L. 511-1 du code du travail de la seule question de la légalité de la décision administrative du 24 décembre 1981, que dès lors, le juge administratif était tenu de statuer sur la question préjudicielle dont il était saisi, sans que puisse lui être opposé une forclusion tirée du caractère définitif de la décision dont la légalité était contestée ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 321-7 du code du travail, "Tout licenciement individuel ou collectif fondé sur un motif économique, d'ordre conjoncturel ou structurel, est subordonné à une autorisation de l'autorité administrative compétente" ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 321-8 du même code, tout employeur auquel sont applicables ces dispositions doit adresser une demande d'autorisation delicenciement au directeur départemental du travail et de la main d'oeuvre ; que lorsqu'il s'agit d'un licenciement portant sur moins de dix salariés, la décision prise sur cette demande doit parvenir à l'employeur dans un délai de septjours qui peut être prorogé d'une durée de sept jours au plus ; qu'à défaut de réception d'une décision dans le délai applicable, l'autorisation sollicitée est réputée acquise ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 321-9, "la décision statuant sur la demande prévue à l'article R. 321-8 est prise par le directeur départemental du travail et de la main d'oeuvre" ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles R. 321-8, R. 321-9 et R. 321-4 du même code, le directeur départemental peut déléguer sa signature aux fonctionnaires placés sous son autorité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licencier pour motif économique M. X... présentée par la société anonyme BRETANOR a été adressée à la direction départementale du travail des Côtes du Nord ; que dès lors cette autorité doit être regardée comme ayant implicitement autorisé le licenciement de M. X... ;
Mais considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a été remplacé dans ses fonctions de directeur commercial par un salarié nouvellement embauché ; et qu'aucun autre emploi équivalent n'a été proposé à ce dernier avant l'autorisation de licenciement du 24 décembre 1981 ; qu'ainsi, la décision autorisant implicitement le licenciement de M. X... fondée sur des faits matériellement inexacts et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être déclarée illégale ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 10 mars 1983 est annulé.
Article 2 : La décision tacite résultant du silence gardé par la direction départementale du travail des Côtes du Nord sur la demande d'autorisation de licenciement de M. X... en date du 9 décembre 1981 est déclarée illégale.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à la société anonyme BRETANOR et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.