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25/11/1987 | FRANCE | N°87242

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 25 novembre 1987, 87242


Vu la requête enregistrée le 11 mai 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Gilbert X..., demeurant ... à Paris 75008 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule la décision en date du 11 mars 1987 par laquelle la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins a annulé la décision en date du 15 décembre 1985 du conseil régional de l'Ile-de-France de l'Ordre des médecins infligeant à M. X... la sanction de l'interdiction d'exercer la médecine pendant six mois, a décidé que la sanction prendrait effet le 1er juille

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Vu la requête enregistrée le 11 mai 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Gilbert X..., demeurant ... à Paris 75008 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule la décision en date du 11 mars 1987 par laquelle la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins a annulé la décision en date du 15 décembre 1985 du conseil régional de l'Ile-de-France de l'Ordre des médecins infligeant à M. X... la sanction de l'interdiction d'exercer la médecine pendant six mois, a décidé que la sanction prendrait effet le 1er juillet 1987, et a mis à la charge de M. X... les frais d'instance d'un montant de 1 317 F ;
°2 renvoie l'affaire devant la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins ;
°3 ordonne qu'il soit sursis à l'exécution de ladite décision de la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de déontologie médicale ;
Vu le décret du 26 octobre 1948, modifié par les décrets du 17 octobre 1956, du 28 avril 1977 et du 23 janvier 1986, relatif au fonctionnement des conseils de l'Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, et de la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins ;
Vu le décret °n 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret °n 84-819 du 29 août 1984 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Vestur, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Waquet avocat de M. Gilbert X... et de la S.C.P. Vier, Barthélémy avocat du conseil national de l'Ordre des médecins,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la décision attaquée :

Considérant que si aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal Officiel par décret du 3 mai 1974 : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, les juridictions disciplinaires ne statuent pas en matière pénale et ne tranchent pas de contestations sur des droits et obligations de caractère civil ; que, dès lors, les dispositions précitées de l'article 6-1 de la convention européenne susvisée ne leur sont pas applicables ; qu'aucun principe général du droit n'impose la publicité des débats dans le cas où une juridiction statue en matière disciplinaire ; qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé à soutenir que la décision de la section disciplinaire du conseil nationalde l'Ordre des médecins, prise, après que les débats aient eu lieu, conformément à l'article 26 du décret 26 octobre 1948, en audience non publique, serait intervenue dans des conditions irrégulières ;
Considérant qu'aux termes de l'article 26 du décret du 26 octobre 1948 susvisé : " ... dans tous les cas le praticien incriminé peut prendre la parole en dernier ..." ; que ces dispositions font obligation à l'instance disciplinaire de donner la parole en dernier au praticien incriminé ou à son conseil, s'ils en font la demande ; que le requérant n'allègue pas que son avocat ou lui-même aient demandé la parole après l'audition du rapporteur, de la partie plaignante, et du témoin entendu ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaisance des dispositions susrappelées doit être rejeté ;

Considérant que si, conformément aux dispositions de l'article 17 du décret du 26 octobre 1948 dans sa rédaction résultant de l'article 12 du décret du 28 avril 1977, la personne dont la plainte a provoqué la saisine du conseil régional peut être entendue par ledit conseil et "est informée par écrit de la décision prise" par celui-ci, elle n'est pas au nombre des destinataires d'une notification faisant courir le délai d'appel, notification réservée en vertu de l'article 28 du décret du 26 octobre 1948 dans sa rédaction résultant de l'article 14 du décret du 28 avril 1977 aux seules personnes en cause dans l'instance disciplinaire ; que, dès lors, elle n'a pas la qualité de partie devant le juge de fond ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la décision de la section disciplinaire serait irrégulière en raison de l'audition comme témoin de la personne dont la plainte a provoqué la saisine du conseil régional ne saurait être accueilli ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.417 du code de la santé publique : "Le conseil régional exerce, au sein de l'Ordre des médecins, la compétence disciplinaire en première instance. - Le conseil régional peut être saisi ... par les conseils départementaux de l'Ordre ... qu'ils agissent de leur propre initiative ou à la suite de plaintes ..." ; qu'aux termes de l'article L.395 du même code : "Le conseil départemental n'a pas de pouvoir disciplinaire. Au cas où des plaintes sont portées devant lui contre les médecins, il les transmet au conseil régional avec un avis motivé" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le conseil régional a été saisi, par deux lettres en date du 13 décembre 1984, d'une part, de la plainte de Mme Y... transmise par le conseil départemental de la ville de Paris et, d'autre part, d'une plainte du même conseil départemental ainsi qu'il ressort du procès-verbal de la délibération du 10 octobre 1984 par laquelle ledit conseil a décidé "de transmettre la plainte de Mme Y... en vertu de l'article L.395 du code de la santé publique et de déférer le Dr X... au conseil régional de l'Ile-de-France avec un avis motivé par les articles 18 et 48, 1er paragraphe, du code de déontologie." ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. X..., le conseil régional a été saisi à la fois d'une plainte transmise par le conseil départemental de la ville de Paris et par ce conseil départemental ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la saisine du conseil régional serait intervenue dans des conditions irrégulières doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant, d'une part, qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme Y... a réglé à M. X..., par avance, une somme de 12 580 F pour le traitement que ce dernier se proposait de lui faire suivre ; que la section disciplinaire, en estimant que "s'il soutient, il est vrai, que ce serait Mme Y... qui, soucieuse de l'efficacité du traitement, aurait exigé de lui qu'elle payât par avance les honoraires, ses explications sur ce point ne peuvent être retenues en raison de leur invraisemblance alors surtout que, si Mme Y... avait eu de telles exigences, il n'était nullement contraint d'y céder", s'est livrée à une appréciation des faits qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat, juge de cassation, de connaître ; qu'en jugeant que pour avoir ainsi fait payer par avance ses honoraires au malade, M. X... avait méconnu la règle selon laquelle la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce, la section disciplinaire, qui a sur ce point suffisamment motivé sa décision, a exactement qualifié les faits de la cause ; que s'il est vrai qu'elle a estimé que, ce faisant, M. X... avait également méconnu "la règle selon laquelle le médecin doit déterminer ses honoraires avec tact et mesure sans imposer aucun mode particulier de règlement", cette seconde qualification juridique des mêmes faits présente, en tout état de cause, un caractère surabondant ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. X... a procédé, au cours des séances de soins qu'il a dispensées à Mme Y..., à l'injection de trois médicaments qui n'étaient pas fournis par la patiente, mais par lui-même ; qu'en jugeant "qu'il ne saurait valablement soutenir qu'il procédait gratuitement à la remise du médicament eu égard au montant de ses honoraires", la section disciplinaire, qui n'a pas dénaturé les faits, s'est livrée à une appréciation de ceux-ci qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat, juge de cassation, de connaître ; qu'en jugeant que ces faits constituaient une méconnaissance de "la règle ... selon laquelle la médecine ne doit pas distribuer à des fins lucratives des remèdes ou des produits présentés comme ayant un intérêt pour la santé", la section disciplinaire, qui a sur ce point suffisamment motivé sa décision, et n'a pas entaché sa décision d'une contradiction de motifs, les a exactement qualifiés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision en date du 11 mars 1987 de la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - TRAITES - ABSENCE DE VIOLATION - Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales [art - 6-1] - Publicité devant les juridictions disciplinaires.

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT - PRINCIPES REGISSANT L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS - Ne constitue pas un principe général du droit - Publicité des débats devant les juridictions disciplinaires.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - ORDRES PROFESSIONNELS - QUESTIONS PROPRES A CHAQUE ORDRE PROFESSIONNEL - ORDRE DES MEDECINS - Conseil régional - Saisine à la fois par un conseil départemental de l'ordre et par une plainte - Régularité.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - SANCTIONS - FAITS DE NATURE A JUSTIFIER UNE SANCTION - Médecins - Honoraires fixés sans tact ni mesure - Exercice de la médecine comme un commerce.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - Audition de l'auteur de la plainte devant le conseil régional de l'ordre des médecins - Procédure régulière.


Références :

. Décret 48-1671 du 26 octobre 1948 art. 17, art. 26, art. 28
. Décret 77-456 du 28 avril 1977 art. 12, art. 14
Code de la santé publique L395, L417
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6-1
Décret 74-360 du 03 mai 1974
Loi 73-1227 du 31 décembre 1973


Publications
Proposition de citation: CE, 25 nov. 1987, n° 87242
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Vestur
Rapporteur public ?: Daël

Origine de la décision
Formation : 4 / 1 ssr
Date de la décision : 25/11/1987
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 87242
Numéro NOR : CETATEXT000007723031 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1987-11-25;87242 ?
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