Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 juillet 1983 et 10 novembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Angèle X..., demeurant ... à Nice 06000 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule la décision en date du 9 mars 1983 par laquelle la commission du contentieux de l'indemnisation de Nice a rejeté sa demande tendant à la réformation de la décision en date du 29 juin 1976 par laquelle le directeur général de l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer a fixé la valeur d'indemnisation des biens dont elle était propriétaire en Algérie ;
2° la renvoie devant l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer pour qu'il soit procédé à la révision de la valeur d'indemnisation de ses biens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 ;
Vu le décret n° 70-720 du 5 août 1970 ;
Vu le décret n° 72-128 du 10 février 1972 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lecat, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Massot, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions relatives aux droits de Mme X... sur le lot n° 41 situé à Duquesne Algérie :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 15 juillet 1970 : "Pour prétendre à indemnisation de biens agricoles, le demandeur doit apporter la justification à la date de la dépossession : 1° de son droit de propriété ..." ; que Mme X..., qui exploitait à la date de la dépossession le "lot d'agrandissement" n° 41 d'une superficie de 24 hectares 42 ares, a prétendu être propriétaire de ce lot et bénéficier de l'indemnisation prévue pour la terre nue par l'article 6 du décret du 5 août 1970 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'article 15 de l'acte administratif en vertu duquel Mme X... exploitait le lot n° 41 stipulait au bénéfice de Mme X... et de son mari une promesse de vente dudit lot, à l'expiration d'une période de location de 5 années, et pour un prix fixé à 176 000 F ; que la réalisation de cette promesse dépendait toutefois de la volonté du preneur et de la condition d'avoir satisfait aux obligations générales et spéciales, notamment de mise en culture, prévues à l'acte ; qu'enfin la réalisation de la vente était subordonnée à l'établissement d'un acte dressé en application des dispositions du décret du 9 septembre 1924 modifié ; qu'il n'est pas contesté que cet acte n'est jamais intervenu ; que, dans ces conditions, Mme X... ne peut pas être regardée comme ayant été propriétaire du lot n° 41 ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à contester sur ce point la décision de la commission du contentieux de l'indemnisation de Nice qui a refusé de lui reconnaître la qualité de propriété dudit lot ;
Considérant, en second lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 17 de la loi précitée du 15 juillet 1970, la valeur d'indemnisation des biens agricoles, établie forfaitairement à partir de barèmes fixés par décret en Conseil d'Etat, couvre notamment la valeur des bâtiments d'habitation et d'exploitation ; qu'aucune des dispositions de cette loi ou du décret du 5 août 1970 relatif à la détermination et à l'évaluation des biens situés en Algérie n'a prévu de dérogation à cette évaluation forfaitaire en ce qui regarde les bâtiments à usage d'exploitation des propriétés agricoles ; que Mme X... n'est, dès lors, pas fondée à demander l'évaluation des bâtiments affectés à l'exploitation de la parcelle agricole n° 41 sur la base des barêmes du décret du 5 août 1970 modifié afférents aux bâtiments d'habitation à usage de résidence principale des propriétaires agricoles exploitants, catégorie dont ne relève d'ailleurs pas l'intéressée ;
Considérant, enfin, que Mme X... n'apporte aucun élément de nature à établir que, compte-tenu de la surface construite, le directeur général de l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer a commis une erreur en estimant à 24 ha 20 ares la surface effectivement cultivée à la date de la dépossession ;
Sur les conclusions relatives à l'indemnisation du jardin situé sur le lot n° 55 à Duquesne :
Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 15 juillet 1970 : "Pour prétendre à indemnisation de biens agricoles, le demandeur doit apporter la justification à la date de la dépossession : 1° de son droit de propriété ou des titres qui fondaient sa qualité d'exploitant agricole ; 2° du mode d'exploitation ; 3° de la superficie et de la nature des cultures et activités ..." ; qu'en vertu de l'article 5 du décret du 5 août 1970 : "La nature des cultures ou activités et la répartition des superficies entre ces cultures ou activités sont justifiées par tous documents administratifs ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des documents administratifs joints au dossier, que la parcelle de 1036 m 2 située sur le lot n° 55 à Duquesne dont Mme X... demande l'indemnisation était cultivée en nature de jardin potager ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer Mme X... devant l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer pour qu'il soit procédé à l'indemnisation de cette parcelle ;
Article 1er : La décision de la commission du contentieux de l'indemnisation de Nice en date du 9 mars 1983 et la décision du directeur général de l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer en date du 29 juin 1976 sont annulées en tant qu'elles n'ont pas prévu l'indemnisation du jardin dont Mme X... était propriétaire sur le lot n° 55 à Duquesne.
Article 2 : Mme X... est renvoyée devant l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer pour que soit fixée la valeur d'indemnisation du jardin dont elle était propriétaire sur le lot n° 55 à Duquesne.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., au directeur général de l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation.