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02/12/1987 | FRANCE | N°58112

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 02 décembre 1987, 58112


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 avril 1984 et 2 août 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société "S.A. ANODISATION", dont le siège social est à La Penne-sur-Huveaune 13400 , représentée par son président directeur général en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement du 25 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 1 864 949,19 F en réparation du préjudice

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 avril 1984 et 2 août 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société "S.A. ANODISATION", dont le siège social est à La Penne-sur-Huveaune 13400 , représentée par son président directeur général en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement du 25 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 1 864 949,19 F en réparation du préjudice à elle causé par le refus de lui prêter le concours de la force publique pour l'exécution d'une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Marseille ordonnant l'expulsion de toute personne occupant indûment les locaux de son usine ;
2- condamne l'Etat à lui verser la somme de 1 864 949,19 F, ainsi que les intérêts à compter du 17 mai 1982, et au plus tard du 25 janvier 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Medvedowsky, Auditeur,
- les observations de la SCP Labbé, Delaporte, avocat de la SOCIETE "L'ANODISATION",
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après s'être mis en grève, les ouvriers du département "oxydation anodique" de la société "S.A. ANODISATION" ont occupé l'usine à compter du 25 janvier 1982, empêchant ainsi le fonctionnement des deux autres départements de l'entreprise ; que par ordonnance du 1er février 1982, le Président du tribunal de grande instance de Marseille a prescrit l'évacuation des locaux avec le concours de la force publique ; qu'il n'est pas contesté que la société a requis l'intervention des autorités de police pour assurer l'exécution de cette décision le 2 février puis à nouveau le 17 février ; que ladite ordonnance est restée inexécutée jusqu'au 9 mars 1982, date à laquelle les grévistes ont spontanément libéré les lieux ;
Considérant que le justiciable nanti d'une décision de justice dûment revêtue de la formule exécutoire est en droit de compter sur l'appui de la force publique pour assurer l'exécution du titre qui lui a ainsi été délivré ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans les circonstances de l'affaire, aucun motif tiré des nécessités de l'ordre public n'autorisait l'administration à refuser son intervention ; que cette abstention est constitutive d'une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant que la société requérante a droit à la réparation des préjudices résultant directement de l'occupation de l'usine au-delà du délai dont disposait normalement l'administration pour agir et qui, dans les circonstances de l'affaire, était arrivé à expiration le 17 février 1982 ; que si aucune indemnité n'est due à ce titre pour les honoraires des conseils juridiques ainsi que les indemnités de chômage partiel et de licenciement versées dans les mois qui ont suivi le conflit, l'entreprise est en revanche fondée, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, à demander l'indemnisation des charges fixes et de personnel qu'elle a supportées sans contrepartie, de la réduction de marge brute entraînée par l'annulation de certaines commandes au cours du conflit, des frais de remplacement des matériaux confiés par des clients et détériorés par suite d'un stockage extérieur prolongé, et d'une partie des frais financiers supplémentaires liés à la diminution de son chiffre d'affaires ; qu'il y a lieu toutefois de tenir compte, pour leur évaluation, de ce que la production du département "oxydation anodique" aurait été considérablement réduite du fait de la grève, même si les locaux avaient été évacués ; qu'ainsi définie, l'indemnité due à la société "S.A. ANODISATION" doit être fixée à 390 000 F ;

Considérant que la société requérante a droit aux intérêts de la somme de 390 000 F à compter du jour de la réception par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de la décentralisation de sa demande d'indemnité, soit le 24 mai 1982 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 25 janvier 1984 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société "S.A. ANODISATION" la somme de 390 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 1982.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société "S.A. ANODISATION" est rejeté, ainsi que le surplus des conclusions de la demande de cette société devant le tribunal administratif de Marseille.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société "S.A. ANODISATION" et au ministre de l'intérieur.


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