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13/01/1988 | FRANCE | N°68166

France | France, Conseil d'État, Section, 13 janvier 1988, 68166


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 avril 1985 et 23 août 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la MUTUELLE GENERALE DES Y... DES COLLECTIVITES LOCALES ET DE LEURS ETABLISSEMENTS, dont le siège est ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 26 février 1985 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande du préfet, Commissaire de la République du département de la Gironde, d'une part la délibération du 13 avril 1984 du conseil municipal de Langon autorisant

le maire de cette commune à passer un contrat d'assurance collective...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 avril 1985 et 23 août 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la MUTUELLE GENERALE DES Y... DES COLLECTIVITES LOCALES ET DE LEURS ETABLISSEMENTS, dont le siège est ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 26 février 1985 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande du préfet, Commissaire de la République du département de la Gironde, d'une part la délibération du 13 avril 1984 du conseil municipal de Langon autorisant le maire de cette commune à passer un contrat d'assurance collective avec la MUTUELLE GENERALE DES Y... DES COLLECTIVITES LOCALES, d'autre part la décision du maire de Langon de passer ce contrat ;
2° rejette la requête présentée par le Commissaire de la République de la Gironde devant le tribunal administratif de Bordeaux,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le code des communes ;
Vu le code la mutualité ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Sauzay, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Vier, Barthelemy, avocat de la MUTUELLE GENERALE DU X... DES COLLECTIVITES LOCALES ET DE LEURS ETABLISSEMENTS,
- les conclusions de M. Roux, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne la délibération du 13 avril 1984 du conseil municipal de Langon :

Considérant qu'aux termes de l'article 2-I de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée par la loi n° 82-623 du 22 juillet 1982 : "Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement" et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : "Le représentant de l'Etat défère au tribunal administratif les actes... qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission" ;
Considérant que, par délibération en date du 13 avril 1984, le conseil municipal de Langon a autorisé le maire à signer avec la MUTUELLE GENERALE DU X... DES COLLECTIVITES LOCALES ET DE LEURS ETABLISSEMENTS, une convention d'assurance collective valable à compter du 1er avril 1984 ; que cette délibération est parvenue à la sous-préfecture de Langon le 19 avril 1984, non accompagnée de la convention elle-même, qui n'y a été reçue que le 3 septembre 1984 ; que le déféré formé à l'encontre de la délibération du 13 avril 1984 a été enregistré au tribunal administratif de Bordeaux le 25 octobre 1984 ;
Considérant que, lorsque la transmission de l'acte au représentant de l'Etat ou à son délégué dans l'arrondissement, faite en application de l'article 2 de la loi du 2 mars 1982, ne comporte pas le texte intégral de cet acte ou n'est, comme en l'espèce, pas accompagnée des documents annexes nécessaires pour mettre le commissaire de la République à même d'apprécier la portée et la légalité de l'acte, il appartient au représentant de l'Etat de demander à l'autorité communale, dans le délai de deux mois de la réception de l'acte transmis, de compléter cette transmission ; que, dans ce cas, le délai de deux mois imparti au commissaire de la République par l'article 3 précité de la loi du 2 mars 1982 pour déférer l'acte au tribunal administratif court soit de la réception du texte intégral de l'acte ou des documents annexes réclamés, soit de la décision, explicite ou implicite, par laquelle l'autorité communale refuse de compléter la transmission initiale ; qu'en revanche, à défaut d'un recours gracieux dirigé contre l'acte ou d'une demande tendant à ce que l'autorité communale en complète la transmission, présentés par le commissaire de la République dans le délai de deux mois de la réception de l'acte, le délai imparti au commissaire de la République pour déférer cet acte au tribunal administratif court à compter de ladite réception ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le commissaire de la République n'a, dans le délai de deux mois de la réception de la délibération du conseil municipal de Langon, formé auprès de la commune de Langon ni recours gracieux contre cette délibération ni demande tendant à ce que la transmission en soit complétée par celle de la convention que cette délibération autorisait le maire à passer ; que, dans ces conditions, le délai imparti au commissaire de la République par l'article 3 précité de la loi du 2 mars 1982 pour déférer cette délibération au tribunal administratif était expiré lorsque le déféré formé contre elle a été, le 25 octobre 1984, enregistré au greffe du tribunal administratif ; que la MUTUELLE GENERALE DES Y... DES COLLECTIVITES LOCALES ET DE LEURS ETABLISSEMENTS est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a admis la recevabilité de ce déféré et annulé la délibération du 13 avril 1984, ainsi qu'à demander dans cette mesure l'annulation dudit jugement ;
En ce qui concerne la convention passée entre la ville de Langon et la MUTUELLE GENERALE DU X... DES COLLECTIVITES LOCALES ET DE LEURS ETABLISSEMENTS :
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant, d'une part, que c'est par une exacte interprétation des conclusions de la requête du commissaire de la République de la Gironde tendant à l'annulation de la convention passée entre la commune de Langon et la MUTUELLE GENERALE DU X... DES COLLECTIVITES LOCALES ET DE LEURS ETABLISSEMENTS que le tribunal administratif a estimé que ces conclusions devaient être regardées comme dirigées contre la décision du maire de Langon de passer ladite convention ;

Considérant, d'autre part, qu'en prévoyant expressément, à l'article 3 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée par la loi n° 82-623 du 22 juillet 1982, que le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article 2-II de ladite loi qu'il estime contraires à la légalité, le législateur n'a pas entendu limiter la faculté qu'a le préfet de former un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de tous les actes des collectivités territoriales ; que, dans ces conditions, la circonstance que la décision du maire de Langon de passer la convention en cause n'aurait pas été au nombre des actes soumis à l'obligation de transmission en vertu de l'article 2-II de la loi du 2 mars 1982 modifiée ne pouvait avoir pour effet de rendre irrecevables les conclusions de la requête du commissaire de la République de la Gironde tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur la légalité de la décision du maire de Langon de passer la convention :
Considérant que le contrat d'assurance collective passé avec la MUTUELLE GENERALE DU X... DES COLLECTIVITES LOCALES ET DE LEURS ETABLISSEMENTS prévoit, moyennant des cotisations intégralement prises en charge par le budget communal, des prestations médicales et sociales particulières en faveur de "l'ensemble des personnels auxiliaires et titulaires de la commune, permanents à temps complet" ;
Considérant que le paiement de ces cotisations, entièrement à la charge de la commune, constitue pour les agents intéressés, un avantage financier indirect, équivalent à un complément de traitement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 114 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale "les dispositions réglementaires portant statut des corps ou emplois en vigueur à la date de la présente loi demeurent applicables jusqu'à intervention des statuts particuliers pris en application de la présente loi" ; qu'il en résulte que si l'article 119 de la même loi abroge, sous les réserves qu'il définit, "les dispositions du livre IV du code des communes", l'abrogation des dispositions statutaires contenues dans ledit livre IV se trouve, par l'effet de l'article 114, différée jusqu'à l'intervention des statuts particuliers pris en application de la loi du 26 janvier 1984 ; que, parmi les dispositions ainsi maintenues en vigueur et applicables à la date de la décision attaquée en l'absence d'intervention de ces statuts particuliers, figurent notamment les articles L.413-1, L.413-7 et L.422-1 du code des communes ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.413-1, applicable aux agents titulaires "la rémunération des agents communaux comprend le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement, les prestations sociales obligatoires ainsi que toutes autres indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire et ayant le caractère d'un complément de traitement" ; qu'il résulte de cette disposition que les cotisations prévues par le contrat que le maire de Langon a passé par la décision attaquée, lesquelles présentent, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le caractère d'un complément de traitement, ne pouvaient, en l'absence de texte législatif ou réglementaire le prévoyant, être légalement instituées par la commune de Langon ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.413-7, applicable aux agents titulaires et, en vertu de l'article L.422-1, aux agents non titulaires à temps complet, "les rémunérations allouées par les communes à leurs agents ne peuvent en aucun cas dépasser celles que l'Etat attribue à ses fonctionnaires remplissant des fonctions équivalentes" ; qu'il est constant que les agents de l'Etat remplissant des fonctions équivalentes ne bénéficient pas de l'élément de rémunération que constituent les cotisations prévues au contrat passé par la commune de Langon par la décision attaquée, et auquel ne saurait être assimilée la participation que peut verser l'Etat, sous forme de subvention, dans les conditions déterminées par l'arrêté interministériel du 19 septembre 1962 pris en application de l'article 89 du code de la mutualité, à la couverture des risques sociaux assurés par les sociétés mutualistes constituées entre les fonctionnaires, agents et employés de l'Etat et des établissements publics nationaux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision attaquée a été prise, en tant qu'elle concerne les agents titulaires, en méconnaissance des articles L.413-1 et L.413-7 et, en tant qu'elle concerne les agents non titulaires, en méconnaissance des articles L.413-7 et L.422-1 du code des communes ; qu'elle est, par suite, entachée d'excès de pouvoir ; que la mutuelle requérante n'est, dès lors, pas fondée à se plaindre de ce que le jugement attaqué en a prononcé l'annulation ;
Article 1er : Le jugement rendu le 26 février 1985 parle tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il a annulé la délibération du 13 avril 1984 du conseil municipal de Langon.
Article 2 : Le déféré formé devant le tribunal administratif de Bordeaux par le préfet, commissaire de la République de la Gironde contre la délibération du 13 avril 1984 du conseil municipal de Langon est rejeté.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la MUTUELLE GENERALE DU X... DES COLLECTIVITES LOCALES ET DE LEURS ETABLISSEMENTS est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la MUTUELLE GENERALE DU X... DES COLLECTIVITES LOCALES ET DE LEURS ETABLISSEMENTS, à la commune de Langon et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 68166
Date de la décision : 13/01/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

COLLECTIVITES LOCALES - QUESTIONS COMMUNES ET COOPERATION - CONTROLE DE LEGALITE DES ACTES DES AUTORITES LOCALES - TRANSMISSION DES ACTES AU REPRESENTANT DE L'ETAT - ACTES SOUMIS A TRANSMISSION - TRANSMISSION INCOMPLETE - Demande d'information complémentaire incombant au représentant de l'Etat.

135-02-01-02-01 Lorsque la transmission de l'acte au représentant de l'Etat ou à son délégué dans l'arrondissement, faite en application de l'article 2 de la loi du 2 mars 1982, ne comporte pas le texte intégral de cet acte ou n'est, comme en l'espèce, pas accompagnée des documents annexes nécessaires pour mettre le commissaire de la République à même d'apprécier la portée et la légalité de l'acte, il appartient au représentant de l'Etat de demander à l'autorité communale, dans le délai de deux mois de la réception de l'acte transmis, de compléter cette transmission.

COLLECTIVITES LOCALES - QUESTIONS COMMUNES ET COOPERATION - CONTROLE DE LEGALITE DES ACTES DES AUTORITES LOCALES - DEFERE PREFECTORAL - ACTES SUSCEPTIBLES D'ETRE DEFERES - Décision d'un maire de passer un contrat - à supposer même que cet acte ne soit pas soumis à l'obligation de transmission en vertu de l'article 2-II de la loi du 2 mars 1982 modifiée.

135-02-02-04 Dans le cas d'une transmission incomplète d'un acte pris par une autorité locale, à la suite de laquelle le représentant de l'Etat a demandé un complément d'information, le délai de deux mois imparti au commissaire de la République par l'article 3 de la loi du 2 mars 1982 pour déférer l'acte au tribunal administratif court soit de la réception du texte intégral de l'acte ou des documents annexes réclamés, soit de la décision, explicite ou implicite, par laquelle l'autorité communale refuse de compléter la transmission initiale. En revanche, à défaut d'un recours gracieux dirigé contre l'acte ou d'une demande tendant à ce que l'autorité communale en complète la transmission, présentés par le commissaire de la République dans le délai de deux mois de la réception de l'acte, le délai imparti au commissaire de la République pour déférer cet acte au tribunal administratif court à compter de ladite réception.

COLLECTIVITES LOCALES - QUESTIONS COMMUNES ET COOPERATION - CONTROLE DE LEGALITE DES ACTES DES AUTORITES LOCALES - DEFERE PREFECTORAL - DELAI DU DEFERE - Point de départ du délai - Transmission incomplète - a) Préfet demandant un complément de transmission - Délai courant à compter de la réception du texte intégral - b) Préfet ne demandant pas un complément de transmission - Délai courant à compter de la réception du texte incomplet.

135-02-02-01 En prévoyant expressément, à l'article 3 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée par la loi n° 82-623 du 22 juillet 1982, que le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article 2-II de ladite loi qu'il estime contraires à la légalité, le législateur n'a pas entendu limiter la faculté qu'a le préfet de former un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de tous les actes des collectivités territoriales. Dans ces conditions, la circonstance que la décision du maire de Langon de passer une convention n'aurait pas été au nombre des actes soumis à l'obligation de transmission en vertu de l'article 2-II de la loi du 2 mars 1982 modifiée ne pouvait avoir pour effet de rendre irrecevables les conclusions de la requête du commissaire de la République de la Gironde tendant à l'annulation de cette décision.

COMMUNE - AGENTS COMMUNAUX - REMUNERATION - COMPLEMENT DE TRAITEMENT - Primes et indemnités diverses - Prestations médicales et sociales destinées au personnel communal - assurées par des cotisations intégralement prises en charge par la commune - Illégalité - en ce qui concerne les titulaires (articles L - 413-1 et L - 413-7 du code des communes) et en ce qui concerne les non-titulaires (articles L - 413-7 et L - 422-1 du code des communes).

16-06-07-02 Le versement de prestations médicales et sociales à des agents communaux, assuré par des cotisations intégralement prises en charge par le budget communal est illégal, en ce qui concerne les agents titulaires en vertu des articles L.413-1 et L.413-7 du code des communes et en ce qui concerne les non-titulaires en vertu des articles L.413-7 et L.422-1 du code des communes.


Références :

Arrêté du 19 septembre 1962
Code de la mutualité 89
Code des communes L413-1, L413-7, L422-1
Loi 82-213 du 02 mars 1982 art. 2, art. 3
Loi 82-623 du 22 juillet 1982 art. 3, art. 2
Loi 84-53 du 26 janvier 1984 art. 114, art. 119


Publications
Proposition de citation : CE, 13 jan. 1988, n° 68166
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Sauzay
Rapporteur public ?: M. Roux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:68166.19880113
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