La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/01/1988 | FRANCE | N°46879;52707

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 18 janvier 1988, 46879 et 52707


Vu, 1°, sous le n° 46 879, la requête enregistrée le 22 novembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société "YACHT CLUB INTERNATIONAL DE MARINA X...", société anonyme, dont le siège social est à Villeneuve Loubet (06270), représentée par son président-directeur général en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 16 juillet 1982 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif a rejeté pour les années 1978 à 1981, sa demande en réduction, à concur

rence de 75 % du montant, de la redevance d'occupation des terre-pleins d'o...

Vu, 1°, sous le n° 46 879, la requête enregistrée le 22 novembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société "YACHT CLUB INTERNATIONAL DE MARINA X...", société anonyme, dont le siège social est à Villeneuve Loubet (06270), représentée par son président-directeur général en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 16 juillet 1982 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif a rejeté pour les années 1978 à 1981, sa demande en réduction, à concurrence de 75 % du montant, de la redevance d'occupation des terre-pleins d'origine privée incorporés au domaine public maritime,
2°) lui accorde la réduction susmentionnée et décide que seront rectifiés en conséquence les avis de mise en recouvrement des droits correspondants ;
Vu, 2° sous le n° 52 707, la requête enregistrée le 26 juillet 1983 présentée pour la société "YACHT CLUB INTERNATIONAL DE MARINA X..." dont le siège social est à Villeneuve-Loubet (06270), représentée par son président-directeur général en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 17 mai 1983 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande qui tendait à la réduction à concurrence de 75 % du montant de la redevance d'occupation des terrains qu'elle a cédés à l'Etat pour la concession du port de plaisance du Marina, due au titre de l'année 1982,
2°) lui accorde la réduction susmentionnée et décide que sera rectifié en conséquence l'avis de mise en recouvrement du 18 février 1982 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Martin Martinière, Ricard, avocat de la société "YACHT-CLUB INTERNATIONAL DE MARINA X...",
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté interministériel du 26 février 1970, l'Etat a concédé, pour une durée de 50 ans, à la société du "Yacht club international de Marina X..." et à la "société financière du port de Marina X...",lesquelles ont ultérieurement fusionné, l'établissement et l'exploitation d'un port de plaisance à Villeneuve-Loubet sur des terrains pour partie compris dans le domaine public maritime et, pour le surplus, apportés par le concessionnaire suivant les conditions fixées par un cahier des charges ; que la requête formée sous le n° 46 879 par la société du "Yacht club international de Marina X..." tend à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice en date du 16 juillet 1982 en tant que, par ce jugement, ce tribunal a rejeté sa demande en réduction, au titre des années 1979, 1980 et 1981, des redevances domaniales auxquelles elle a été assujettie à raison des terrains apportés par elle et compris dans l'emprise du port de plaisance, cependant que le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, demande, par la voie du recours incident, le rétablissement intégral des redevances de même nature assignées à la société et dont le tribunal a, par ledit jugement, accordé partiellement la décharge au titre des années 1975, 1976 et 1977 ; que la requête présentée sous le n° 52 707 par la même société est dirigée contre un jugement du 17 mai 1983 par lequel le même tribunal administratif a rejeté sa demande relative à la redevance établie au titre de l'année 1982 ; que ces deux requêtes concernent des redevances domaniales supportées par le même contribuable ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Sur le recours incident du ministre :

Considérant qu'aux termes du 8° de l'article 1er du cahier des charges de la concession accordée à la société du "Yacht club internationnal Baie des Anges" par l'arrêté susmentionné du 26 février 1970, dans la rédaction donnée à cet article par un avenant du 13 juin 1975 : "Les terrains ... qui appartiennent à la société du "Yacht club international de Marina X..." seront remis à l'Etat pour être incorporés au domaine public maritime ... les formalités administratives nécessaires à l'exécution de ces engagements devront être achevées dans un délai de six ans à compter de la publication de l'arrêté de concession du 26 février 1970" ; qu'en adoptant ces stipulations les parties ont entendu fixer le transfert à l'Etat de la propriété des terrains apportés par le concessionnaire non à la date de l'arrêté de concession mais à celle de l'accomplissement des formalités exigées pour ce transfert ou bien, à défaut de l'exécution de celles-ci, à la date de l'expiration du délai de six ans ayant couru de la publication dudit arrêté ; qu'eu égard à cette date de publication soit le 14 avril 1970, l'Etat, à qui, en vertu de l'article 43 du cahier des charges, doivent être remises en fin de concession toutes les installations et dépendances immobilières de ladite concession, doit, dès lors qu'il est constant que les formalités administratives stipulées n'ont pas été accomplies dans le délai prévu, être regardé comme ayant acquis la propriété des terrains apportés par le concessionnaire le 14 avril 1976 ; qu'il en résulte que le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif, dans le jugement du 16 juillet 1982, estimant que les terres-pleins aménagés par le concessionnaire en 1975 et 1976 n'avaient été incorporés au domaine public qu'à partir de l'année 1978 au cours de laquelle les installations du port ont été affectées à la navigation, a déchargé la société de la fraction des redevances domaniales auxquelles elle avait été assujettie à raison des terrains apportés par elle, d'une part, au titre de l'année 1975 et, d'autre part, au titre de la période du 1er janvier au 14 avril 1976 ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte également de ce qui précède que l'administration est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, pour le motif susénoncé, déchargé dans la même mesure, la société concessionnaire de la fraction susindiquée de la redevance domaniale qui lui a été assignée au titre, d'une part, de la période du 15 janvier au 31 décembre 1976 et, d'autre part, au titre de l'année 1977 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de cette partie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société requérante, tant en première instance qu'en appel, au soutien de ses prétentions relatives au montant de la redevance due au titre de la période du 15 avril au 31 décembre 1976 et de l'année 1977 ;
Considérant, en premier lieu, que l'incorporation au domaine public des terrains apportés ayant eu lieu, comme il a été dit, dès le 14 avril 1976, le moyen tiré de ce que cette incorporation serait subordonnée à l'accomplissement de formalités qui n'ont jamais été effectuées doit être rejeté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de ses termes mêmes que la lettre adressée le 6 mars 1970 par le directeur général des impôts au directeur des services fiscaux du département des Alpes-Maritimes se borne à lui recommander de fixer, pour les premières années de la concession, un taux réduit de la redevance domaniale due par le concessionnaire ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que cette lettre aurait reconnu au concessionnaire le droit à un abattement permanent de 75 % sur le montant de cette redevance manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, que la société requérante ne peut en tout état de cause, invoquer utilement les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs dès lors que celle-ci est postérieure à la mise en recouvrement, intervenue le 3 janvier 1978, de la redevance domaniale due au titre de la période du 15 avril au 31 décembre 1976 et de l'année 1977 ;
Considérant, en quatrième lieu, que le montant de la redevance contestée a été fixé sur le fondement des dispositions tant du code des domaines que du cahier des charges annexé à la concession et que cette redevance ne présente pas le caractère d'une imposition ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'assujettissement de la société requérante à ladite redevance porterait atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques est inopérant ;
Considérant, enfin, que, si la société soutient que le montant de la redevance à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 15 avril au 31 décembre 1976 et au titre de l'année 1977 aurait été fixé sur des bases entachées d'erreur elle ne l'établit pas ; que la circonstance que l'administration, de 1971 à 1974, a fixé le montant de la redevance domaniale à un chiffre inférieur à celui qu'elle eût été en droit de retenir est sans influence sur le bien-fondé des bases sur lesquelles la redevance contestée a été établie au titre des périodes ultérieures ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à demander le rétablissement de la redevance domaniale due par la société requérante au titre de la période du 15 avril au 31 décembre 1976 et de l'année 1977 et la réformation en ce sens du jugement du 16 juillet 1982 du tribunal administratif de Nice ;
Sur les conclusions de la société tendant à la réduction des redevances dues au titre des années 1978 à 1982 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 30 du code du domaine de l'Etat : "Le département des finances est seul compétent pour fixer définitivement, sur l'avis et sur la proposition des services techniques, les prix des ... concessions relatives au domaine national ... quels que soient la forme et l'objet de ces ... concessions" ; qu'aux termes de l'article L. 33 : "Le service des domaines peut réviser les conditions financières des ... concessions, à l'expiration de chaque période stipulée pour la redevance, nonobstant, le cas échéant, toutes dispositions contraires de l'acte de ... concession" ; qu'aux termes de l'article R. 55 du même code : "Les directeurs départementaux des impôts chargés du domaine fixent les redevances dues à raison des occupations et des utilisations de toute nature du domaine public national" ; qu'aux termes, enfin, de l'article R. 56 de ce code : "Toute redevance stipulée au profit du Trésor doit tenir compte des avantages de toute nature procurés au concessionnaire" ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a déjà été dit que la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de ce que l'administration lui aurait, par la lettre du 6 mai 1970, accordé le bénéfice d'une réduction de 75 % du tarif de la redevance pour la durée de la concession ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les montants litigieux de la redevance due au titre des années 1978 à 1982 ont été arrêtés à la suite d'un examen de la situation particulière de la concession, en tenant compte notamment de la longueur des quais accostables, des surfaces des terre-pleins selon leur destination ainsi que des conditions dans lesquelles ont été apportés à l'Etat les terrains appartenant au concessionnaire ; qu'en retenant ces éléments, propres à la situation particulière de l'exploitant, le chef des services fiscaux a, contrairement à ce que soutient la requérante, fait une exacte application des dispositions précitées du code du domaine de l'Etat ;

Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte que la société du "Yacht club international de Marina X..." n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 22 novembre 1978 qui a rejeté sa demande en réduction du montant de la redevance domaniale due au titre des années 1978 à 1982 ;
Article 1er : La redevance fixée à la société du "Yacht club international de Marina X..." au titre de l'année 1976 est remise à la charge de celle-ci à concurrence des droits dus à compter du 15 avril 1976 ; la redevance fixée à ladite société au titre de l'année 1977 est remise intégralement à la charge de celle-ci.
Article 2 : Le jugement du 16 juillet 1982 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Les requêtes de la société du "Yacht club international de Marina X..." et le surplus du recours incident du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société du "Yacht club international de Marina X...", et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 46879;52707
Date de la décision : 18/01/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - CONSISTANCE ET DELIMITATION - DOMAINE PUBLIC NATUREL - CONSISTANCE DU DOMAINE PUBLIC MARITIME - TERRAINS FAISANT PARTIE DU DOMAINE PUBLIC MARITIME - Date d'entrée de terrains dans le domaine public maritime - Dépendances d'une concession - Stipulations du cahier des charges.

24-01-01-02-01-01, 24-01-02-01-01-04 Aux termes du 8° de l'article 1er du cahier des charges de la concession accordée à la société du "Yacht club international de Marina Baie des Anges" par l'arrêté du 26 février 1970, dans la rédaction donnée à cet article par un avenant du 13 juin 1975 : "Les terrains ... qui appartiennent à la société du "Yacht club international de Marina Baie des Anges" seront remis à l'Etat pour être incorporés au domaine public maritime ... les formalités administratives nécessaires à l'exécution de ces engagements devront être achevées dans un délai de six ans à compter de la publication de l'arrêté de concession du 26 février 1970". En adoptant ces stipulations, les parties ont entendu fixer le transfert à l'Etat de la propriété des terrains apportés par le concessionnaire non à la date de l'arrêté de concession mais à celle de l'accomplissement des formalités exigées pour ce transfert ou bien, à défaut de l'exécution de celles-ci, à la date de l'expiration du délai de six ans ayant couru de la publication dudit arrêté. Eu égard à cette date de publication, soit le 14 avril 1970, l'Etat, à qui, en vertu de l'article 43 du cahier des charges, doivent être remises en fin de concession toutes les installations et dépendances immobilières de ladite concession, doit, dès lors qu'il est constant que les formalités administratives stipulées n'ont pas été accomplies dans le délai prévu, être regardé comme ayant acquis la propriété des terrains apportés par le concessionnaire le 14 avril 1976. Dès lors la redevance domaniale sur ces terrains est due à compter de cette date.

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - REGIME - OCCUPATION - UTILISATIONS PRIVATIVES DU DOMAINE - REDEVANCES - Redevance domaniale due à compter de la date d'entrée de terrains dans le domaine public maritime.


Références :

Code du domaine de l'Etat L30, L33, R55, R56
Loi 79-587 du 11 juillet 1979


Publications
Proposition de citation : CE, 18 jan. 1988, n° 46879;52707
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Ducamin
Rapporteur ?: M. Dulong,
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:46879.19880118
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award