La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/01/1988 | FRANCE | N°71676

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 22 janvier 1988, 71676


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 août 1985 et 17 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE D'EGLETONS (19300), agissant poursuites et diligences de son maire dûment habilité à cet effet par une délibération du conseil municipal en date du 21 février 1985, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 4 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Limoges a, d'une part, annulé la délibération du conseil municipal d'Egletons en date du 22 décembre 1984 portant

augmentation des tarifs de la cantine scolaire de Beynes, et d'autre pa...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 août 1985 et 17 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE D'EGLETONS (19300), agissant poursuites et diligences de son maire dûment habilité à cet effet par une délibération du conseil municipal en date du 21 février 1985, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 4 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Limoges a, d'une part, annulé la délibération du conseil municipal d'Egletons en date du 22 décembre 1984 portant augmentation des tarifs de la cantine scolaire de Beynes, et d'autre part annulé la délibération du 21 février 1985 du même conseil municipal en tant qu'elle fixe à 12 francs le tarif de la cantine scolaire applicable aux enfants dont les parents résident à Egletons et sont imposables au-delà de 6 500 F et à 19 francs le tarif applicable aux enfants domiciliés dans les communes voisines ;
°2) rejette le déféré présenté par le commissaire de la République de la Corrèze devant le tribunal administratif de Limoges ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les ordonnances °ns 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 relatives aux prix ;
Vu les arrêtés ministériels des 22 octobre 1982, 25 novembre 1983 et 19 novembre 1984 relatifs aux prix des services ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lambron, Auditeur,
- les observations de Me Jacoupy, avocat de la COMMUNE D'EGLETONS,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la délibération du conseil municipal d'Egletons en date du 22 décembre 1984 :

Considérant qu'en vertu de l'article 3 de l'arrêté ministériel °n 84-74/A du 19 novembre 1984 relatif aux prix de tous les services, seul applicable, à défaut d'un arrêté préfectoral fixant un régime de prix particulier, à la date de la délibération en date du 22 décembre 1984 par laquelle le conseil municipal d'Egletons (Corrèze) a fixé les tarifs applicables pour l'année 1985 à la cantine scolaire de Beynes, laquelle a le caractère d'un service public local administratif, les prix des prestations de services ne pouvaient être majorés que de 1,5 % au maximum à compter du 15 avril 1985 et de 1,5 % au maximum à compter du 15 octobre 1985 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération du 22 décembre 1984 prévoit des majorations de tarifs supérieures pour les prestations de services dont s'agit ; que si la commune soutient, d'une part que les tarifs pratiqués par la cantine scolaire étaient notoirement insuffisants et contribuaient à déséquilibrer le budget communal, d'autre part que les majorations tarifaires susmentionnées étaient destinées à compenser une réduction des subventions communales allouées à ladite cantine, ces circonstances ne pouvaient faire obstacle à l'exercice par les autorités chargées de la réglementation des prix, des pouvoirs qui leur ont été conférés par l'ordonnance susvisée du 30 juin 1945 ; que, par suite, la délibération dont s'agit est entachée d'illégalité ; que, dès lors, la COMMUNE D'EGLETONS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, en date du 4 juin 1985, le tribunal administratif de Limoges a annulé la délibération susvisée en date du 22 décembre 1984 ;
Sur la légalité de la délibération du conseil municipal d'Egletons en date du 21 février 1985 :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance °n 45-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix : "Les décisions relatives aux prix de tous les produits et services sont prises : °1) par arrêtés interministériels... °2) par arrêtés du ministre de l'économie et des finances... °3) par arrêtés du commissaire régional de la République en vertu d'une délégation de compétence du ministre de l'économie et des finances accordée par arrêté : l'arrêté de délégation fixe l'objet et l'étendue des pouvoirs du commissaire régional" ; que les attributions des commissaires régionaux de la République en cette matière ont été transférées aux préfets par un décret du 30 avril 1946 ; qu'en vertu de l'article 1er du décret °n 82-389 du 10 mai 1982, le commissaire de la République exerce les compétences précédemment dévolues au préfet du département ; que les articles 2 à 5 de l'arrêté °n 82-96/A du ministre de l'économie et des finances en date du 22 octobre 1982 ont prévu les conditions dans lesquelles les prix licites de toutes les prestations de services pourraient être majorés à compter du 1er novembre 1982 et jusqu'au 31 décembre 1983 ; qu'aux termes de l'article 6 du même arrêté : "délégation de compétence est donnée aux commissaires de la République pour arrêter par entreprise ou par secteur d'activité un régime de prix différent de celui qui résulte des articles précédents. Délégation de compétence est également donnée aux commissaires de la République pour assortir leurs arrêtés de mesures accessoires destinées à assurer l'application et à faciliter le contrôle de leur exécution" ; qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté °n 84-74/A du ministre de l'économie, des finances et du budget en date du 19 novembre 1984 : "Les délégations de compétence données aux commissaires de la République visées à l'article 6 de l'arrêté °n 82-96/A du 22 octobre 1982 sont confirmées" ;

Considérant que, par arrêté en date du 5 février 1985, le préfet, commissaire de la Répbulique du département de la Corrèze a, par application de l'ordonnance du 30 juin 1945 relative aux prix et en vertu de la délégation de compétence qu'il tenait des articles 6 de l'arrêté ministériel °n 82-96/A du 22 octobre 1982 et 5 de l'arrêté °n 84-74/A du 19 novembre 1984, fixé à 4 % la limite dans laquelle, pour l'année civile 1985, les prix des services publics locaux à caractère administratif pouvaient augmenter par rapport aux prix licitement pratiqués au 31 décembre 1984 ou à la date antérieure la plus proche ;
Considérant que, s'il appartenait éventuellement au ministre de l'économie et des finances, après avoir déterminé la réglementation applicable aux prix des activités de services, de prévoir que des arrêtés préfectoraux pourraient déroger à cette réglementation en ce qui concerne certaines entreprises ou certains secteurs d'activités, il ne pouvait se dispenser de fixer avec une précision suffisante les conditions dans lesquelles de telles mesures dérogatoires pourraient intervenir ; qu'en se bornant à accorder aux commissaires de la République le pouvoir d'arrêter "par entreprise ou par secteur d'activité un régime de prix différent de celui qui résulte des articles précédents", l'article 6 précité de l'arrêté ministériel °n 82-96/A du 22 octobre 1982 n'a pas défini avec une précision suffisante l'objet et l'étendue de la compétence ainsi déléguée ; que ledit article 6 ainsi que l'article 5 de l'arrêté °n 84-74/A précité sont, dès lors, illégaux ; que, par voie de conséquence, l'arrêté préfectoral du 5 février 1985 pris en vertu de ces articles était entaché d'incompétence ; que, par suite, c'est à tort que le jugement attaqué s'est fondé sur cet arrêté pour annuler la délibération susvisée en date du 21 février 1985 ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens du déféré du commissaire de la République de la Corrèze devant le tribunal administratif de Limoges ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que le conseil municipal d'Egletons a, par délibération du 21 février 1985, maintenu dans leur intégralité les dispositions de la délibération susmentionnée du 22 décembre 1984 fixant les tarifs applicables pour l'année 1985 à la cantine scolaire de Beynes ; que, toutefois, ladite délibération du 21 février 1985 n'a pas constitué une décision purement confirmative de la délibération du 22 décembre 1984, dès lors qu'entre ces deux dates l'arrêté préfectoral du 5 février 1985 avait fixé un régime de prix différent de celui résultant de l'arrêté ministériel °n 84-74/A du 19 novembre 1984 ; qu'en vertu dudit arrêté ministériel, seul applicable à la date du 21 février 1985 eu égard à l'incompétence dont était entaché l'arrêté préfectoral du 5 février 1985, et en l'absence d'accord de régulation ou d'engagement de lutte contre l'inflation applicable aux cantines scolaires gérées par les collectivités publiques, les prix des prestations de services ne pouvaient être majorés que de 1,5 % à compter du 15 avril 1985 et de 1,5 % à compter du 15 octobre 1985 ; que la délibération du 21 février 1985, dès lors qu'elle prévoit des majorations de tarifs supérieures pour la cantine scolaire de Beynes, est entachée d'illégalité ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, la COMMUNE D'EGLETONS n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé la délibération susmentionnée du 21 février 1985 en tant qu'elle fixe les tarifs applicables en 1985 à la cantine scolaire de Beynes ;
Article ler : La requête de la COMMUNE D'EGLETONS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE D'EGLETONS et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 71676
Date de la décision : 22/01/1988
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - DELEGATIONS - SUPPLEANCE - INTERIM - DELEGATION DE POUVOIRS - Article 6 de l'arrêté ministériel du 22 octobre 1986 déléguant aux préfets compétence en matière de fixation dérogatoire des prix des services - Délégation de compétence insuffisamment précisée - Illégalité - Conséquences - Arrêté préfectoral pris sur le fondement de cette décision ne pouvant être utilement invoqué pour critiquer Une délibération d'un conseil municipal fixant les tarifs d'un service public local.

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REGLEMENTATION DES PRIX - ORDONNANCE DU 30 JUIN 1945 - ACTES PRIS SUR LE FONDEMENT DE CETTE ORDONNANCE - Arrêtés de blocage ou de limitation des prix - Champ d'application - Services publics locaux administratifs.

COMMUNE - SERVICES PUBLICS MUNICIPAUX - Tarifs - Application de la réglementation des prix - Cantine scolaire.


Références :

Arrêté 82-96 A Economie, finances du 22 octobre 1982 art. 2, art. 5, art. 6
Arrêté 84-74 A Economie, finances du 19 novembre 1984 art. 3, art. 5
Décret 46-862 du 30 avril 1946
Décret 82-389 du 10 mai 1982 art. 1
Ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 22 jan. 1988, n° 71676
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Lambron
Rapporteur public ?: Mme Hubac

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:71676.19880122
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award