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05/02/1988 | FRANCE | N°54197

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 05 février 1988, 54197


Vu la requête enregistrée le 14 septembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE GERLY, société à responsabilité limitée, dont le siège est zone industrielle à Pougues-les-Eaux (58320), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement en date du 28 juin 1983, par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1970, 1971 et 1972 et a mis à la char

ge les frais de l'expertise ;
2°) lui accorde la décharge des impositions co...

Vu la requête enregistrée le 14 septembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE GERLY, société à responsabilité limitée, dont le siège est zone industrielle à Pougues-les-Eaux (58320), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement en date du 28 juin 1983, par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1970, 1971 et 1972 et a mis à la charge les frais de l'expertise ;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes et mette les frais de l'expertise à la charge de l'Etat ;
3°) ordonne qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Teissier du Cros, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lesourd, Baudin, avocat de la société "GERLY",
- les conclusions de M. Le Roy, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige en appel :

Considérant que la société à responsabilité limitée "GERLY" se borne, en appel, à demander la réduction des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1970, 1971 et 1972, à raison seulement de redressements autres que celui qui porte sur les salaires et avantages en nature accordés à Mme Y... ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif de Dijon, qui n'avait pas examiné dans son premier jugement, en date du 21 juillet 1981, les conclusions de la demande de la société "GERLY" concernant le rehaussement de ses bénéfices des exercices clos en 1971 et 1972 passibles de l'impôt sur les sociétés, qui découlait, d'une part, de la prise en compte de commissions perçues par M. Z..., d'autre part, de la réintégration de l'avantage en nature qu'aurait constitué la mise à la disposition de Mme Z... par la société d'un véhicule automobile, n'a pas davantage statué sur ces conclusions dans le jugement attaqué en date du 23 juin 1983 ; que ledit jugement étant, ainsi, entaché d'une omission de statuer, il y a lieu de l'annuler en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de la société relatives à ces chefs d'imposition et d'évoquer lesdites conclusions afin d'y statuer immédiatement ;
Sur les impositions à l'impôt sur les sociétés :
Considérant que l'administration, qui a suivi la procédure contradictoire d'imposition, a notifié à la société à responsabilité limitée "GERLY", le 26 décembre 1973, des redressements correspondant àla réintégration dans les bénéfices imposables de celle-ci notamment des commissions perçues par M. Z... et de l'avantage en nature ayant bénéficié à M. Z... ; que la société a exprimé, dans le délai de 30 jours, son désaccord avec ces deux redressements, sur lesquels le tribunal administratif, ainsi qu'il a été dit, a omis de statuer tant dans son premier jugement que dans le jugement dont il est fait appel ;
En ce qui concerne les commissions perçues par M. Z... :

Considérant que l'administration a estimé que des commissions, d'un montant hors taxe de 13 825 F et 22 391 F, versées à M. Z..., gérant de la société "GERLY", qui exploite une entreprise de confection de vêtements, par des fournisseurs de ladite entreprise, la société "ASPE X... et compagnie" et la "compagnie des machines" au cours des exercices clos respectivement en 1971 et 1972, avaient le caractère de remises sur achats consenties par ces fournisseurs à la société "GERLY" ; qu'elle a, par suite, réintégré dans les bénéfices imposables le montant desdites commissions, regardées comme des minorations de recettes s'élevant, toutes taxes comprises, à, respectivement, 17 004 F et à 27 540 F ; que, pour justifier l'imposition de ces commissions, alors même qu'elles n'avaient pas été appréhendées par la société, l'administration se fonde sur le caractère de recettes sociales des sommes litigieuses et sur l'acte anormal de gestion qu'aurait constitué l'abandon desdites recettes sociales au dirigeant ;
Considérant, toutefois, que la société requérante fait valoir, sans être contredite, que M. Z..., qui était chargé de l'achat des machines pour les fabrications de l'usine, s'est rendu à plusieurs reprises chez ses fournisseurs d'outillages, à la demande de ceux-ci, afin d'étudier les modifications et améliorations à apporter aux matériels en vue notamment d'accroître leur rendement et a ainsi rendu, à titre personnel, des services auxdits fournisseurs ; qu'elle produit, notamment, à l'appui de ses dires, une attestation, en date du 20 mai 1976, de la société anonyme "ASPE X... et compagnie" selon laquelle les rémunérations versées à titre à M. Z... l'ont été en vertu d'"accords" afin de rémunérer "la collaboration technique et commerciale" de ce dernier ; qu'eu égard aux éléments d'appréciation fournis par le dossier, qui démontrent que les recettes en cause n'entraient pas dans l'objet social de l'entreprise, l'administration ne saurait être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'acte anormal de gestion allégué ; qu'il y a lieu, dès lors, de réduire les bases taxables des exercices clos en 1971 et 1972 respectivement de 17 004 F et de 27 540 F ;
En ce qui concerne l'avantage en nature dont aurait bénéficié Mme Z... :

Considérant que la société requérante justifie, notamment par la circonstance que Mme Z... occupait un emploi de secrétaire à temps partiel dans l'entreprise et que le véhicule automobile mis à sa disposition était le seul véhicule de tourisme de l'entreprise, laquelle est situé dans une zone industrielle à distance d'une agglomération, que la prise en charge par celle-ci de la moitié du montant de la redevance correspondant à la location-vente dudit véhicule, soit 3 003 F et 5 401 F au titre respectivement des exercices clos en 1971 et 1972, a été exposée dans l'intérêt de l'exploitation de l'entreprise ;
En ce qui concerne les minorations de recettes :
Sur la charge de la preuve :
Considérant qu'il ressort des motifs constituant le support nécessaire du dispositif du premier jugement, en date du 21 juillet 1981, par lequel le tribunal administratif de Dijon, statuant sur les conclusions de la demande relatives au redressement à raison des minorations de recettes, a ordonné une expertise, d'une part, que la société, dont la comptabilité n'était pas régulière et probante, était en situation de rectification d'office de ses résultats des exercices clos en 1970, 1971 et 1972, d'autre part, que la société a la charge de prouver l'exagération de ce redressement ;
Considérant, en premier lieu, que l'administration a arrêté d'office les minorations de recettes de la société requérante à des sommes évaluées toutes taxes comprises et ramenées, après dégrèvement, à 2 147 046 F, 2 850 560 F et 945 864 F pour les exercices clos en 1970, 1971 et 1972 respectivement ; qu'elle a utilisé à cet effet une méthode de reconstitution qui a consisté à calculer, pour chacun de ces exercices, après déduction des temps morts, le temps total de travail effectué sur l'ensemble des chaînes de fabrication de l'usine ; que le vérificateur a ensuite divisé ce "temps total" par le "temps de fragmentation", c'est-à-dire le temps moyen écoulé entre les sorties successives de deux vêtements fabriqués par l'usine pendant l'exercice ; que ce nombre, multiplié par le prix de vente moyen des vêtements, a permis de déterminer le chiffre d'affaires et, par rapprochement avec le chiffre d'affaires déclaré, le bénéfice imposable ; que le service a utilisé, en outre, à des fins de recoupement, deux autres méthodes, dont les résultats se sont avérés concordants, l'une se référant à une analyse, effectuée par les services du contrôle des prix, des quantités livrées à la société "Symtex", avec laquelle l'entreprise réalisait une part prépondérante de son chiffre d'affaires, l'autre établie à partir des bases de calcul des "primes de production" allouées au chef de fabrication ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la méthode retenue par l'administration, recoupée dans les conditions ci-dessus décrites, serait viciée dans son principe ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas davantage fondée à prétendre que l'administration ne lui a pas fait connaître avec une précision suffisante la méthode qu'elle a suivie ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des calculs effectués en première instance par la société requérante, auxquels celle-ci se réfère dans sa requête, que les quantités produites, telles qu'elle les a elle-même reconstituées, ne diffèrent sensiblement de celles retenues par le service qu'en raison de sa propre évaluation du "temps de fragmentation" et des "temps morts", arrêtée à des durées très supérieures à celles qui avaient été admises par le vérificateur ; qu'il résulte, toutefois, tant de l'étude du "centre d'études techniques des industries de l'habillement", faite à la demande de la société elle-même, que de l'appréciation exprimée par la majorité des experts désignés par le jugement susmentionné du 21 juillet 1981 que le "temps de fragmentation" à prendre en compte dans le calcul est, eu égard aux conditions d'exploitation de l'entreprise et aux constatations faites sur place en ce qui concerne les temps morts ralentissant les cadences de production, inférieur à celui qui a été finalement retenu par l'administration pour l'établissement des impositions ;
Considérant, en troisième lieu, que la société requérante, par les calculs théoriques et sommaires qu'elle produit, ne justifie pas que les prix de vente unitaires moyens retenus par le vérificateur à partir du dépouillement de factures comptabilisées dans le journal des ventes, soit respectivement 19 F, 14,02 F et 13,85 F, sont inexacts ou exagérés ;
Considérant, enfin, que, si la société requérante soutient que les calculs de l'administration, aboutissent à des taux de marge brute excessifs, elle ne le démontre pas et ne propose pas, elle-même, une méthode de reconstitution de ses bénéfices qui permettrait au juge de l'impôt de déterminer ceux-ci avec une meilleure approximation que par la méthode utilisée par l'administration ;

Considérant qu'il suit de là que la société requérant n'apporte pas la preuve qui lui incombe ; que, par suite, il y a lieu seulement de réduire les bases taxables de 20 007 F, total des sommes de 17 004 F et 3 003 F ci-dessus pour l'année 1971 et de 32 941 F, total des sommes de 27 540 F et 5 401 F ci-dessus, pour l'année 1972 ;
Sur les impositions à l'impôt sur le revenu :
Considérant qu'en l'absence de tout moyen, les conclusions de la requête tendant à la décharge desdites impositions ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte que la société "GERLY" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande en décharge des impositions à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1970, 1971 et 1972 à raison des minorations de recettes ;
Article 1er : Les bases d'imposition de la société "GERLY" à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1971 et 1972 sont réduites respectivement de 20 007 F et 32 941 F.
Article 2 : Il est accordé à la société "GERLY" la réduction descotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1971 et 1972 résultant de ce qui est dit à l'article 2 ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon, en date du 28 juin 1983, est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société "GERLY" est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société "GERLY" et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 54197
Date de la décision : 05/02/1988
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES


Publications
Proposition de citation : CE, 05 fév. 1988, n° 54197
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Teissier du Cros
Rapporteur public ?: Le Roy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:54197.19880205
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