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12/02/1988 | FRANCE | N°53763

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 12 février 1988, 53763


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 août 1983 et 27 décembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement en date du 14 juin 1983 en tant que par ledit jugement du tribunal administratif de Marseille l'a condamnée conjointement et solidairement avec la société SERMA à payer la somme de 10 342 007 F à l'

office public d'aménagement et de contruction (OPAC) des Bouches-du-Rhône...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 août 1983 et 27 décembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement en date du 14 juin 1983 en tant que par ledit jugement du tribunal administratif de Marseille l'a condamnée conjointement et solidairement avec la société SERMA à payer la somme de 10 342 007 F à l'office public d'aménagement et de contruction (OPAC) des Bouches-du-Rhône, avec les intérêts légaux et rejeté sa demande reconventionnelle tendant à ce que l'O.P.A.C. soit condamné à lui verser 6 045 192 F ;
2°) rejette la demande de l'O.P.A.C. et le condamne à lui verser à titre de dommages intérêts ladite somme de 6 045 192 F avec les intérêts à compter du 30 janvier 1970 ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Durand-Viel, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS (S.M.T.P.) , de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de l'Office public d'aménagement et de construction des Bouches-du-Rhône et de Me Consolo, avocat de Me Claude Y..., agissant en sa qualité de Syndic de la liquidation des biens de la société des Entreprises René Z... (SERMA),
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par deux marchés en date des 3 avril 1968 et 12 mai 1969, l'office public d'aménagement et de construction des Bouches-du-Rhône a confié au groupement formé par la Société Entreprise René Z... (SERMA) et la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS (S.M.T.P.), représentée par la société Entreprise René Z..., l'exécution de lots de travaux distincts pour la construction de 721 logements en 14 groupes d'immeubles ; que la mise en réglement judiciaire de la société Entreprise René Z... le 22 septembre 1969 et de la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS le 29 janvier 1970 a entraîné la résiliation de plein droit de ces marchés alors que les travaux n'étaient pas achevés ; que, saisi par l'office d'aménagement et de construction de conclusions tendant à la condamnation des deux sociétés à lui régler diverses sommes dues par elles à la résiliation des marchés, le tribunal administratif de Marseille les a, par le jugement attaqué, condamnées conjointement et solidairement à lui payer la somme de 10 342 007 F ;
Sur les conclusions de la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS :
Sur la solidarité :
Considérant que par ses "lettres d'accord" en date des 2 octobre 1967 et 18 mars 1969, la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS a donné mandat à M. René Z... agissant au nom de la société Entreprise René Z... pour soumissionner en son nom et la représenter auprès de l'office d'aménagement et de construction des Bouches-du-Rhône pour ces deux marchés ; que si lesdites lettres présentent la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS comme agissant conjointement et solidairement en vue de l'exécution éventuelle des marchés, elles stipulent que la société Entreprise René Z..., mandataire, est solidaire de la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS dans la responsabilité directe et personnelle de cette dernière vis à vis du maître de l'ouvrage pour les travaux qui lui incombent et ne comporte aucun engagement inverse de la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS à être tenu solidairement des obligations contractées par la société Entreprise René Z... ; que, d'ailleurs, les soumissions signées par la société Entreprise René Z... mandataire, comportent les mêmes clauses en ne prévoyant d'engagement solidaire qu'à la charge de cette dernière ; qu'enfin si a été ajoutée aux soumissions la mention "acceptée ... pour valoir marché en ce qui concerne les travaux à exécuter par les entreprises société Entreprise René Z... et SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS, conjointes et solidaires", cette mention n'a pu, en tout état de cause, avoir pour effet de faire naître à la charge de la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS une obligation de répondre solidairement des engagements de la société Entreprise René Z... à laquelle elle n'avait pas souscrit ; qu'il suit de là que la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS est fondée à soutenir que c'est en méconnaissance des documents contractuels que le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée solidairement avec la société Entreprise René Z... à régler à l'office public d'aménagement et de construction des sommes dues à raison de l'ensemble des travaux des marchés dont s'agit ainsi que l'ensemble des frais d'expertise ;
En ce qui concerne les malfaçons :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS ne saurait être condamnée à payer à l'office public d'aménagement et de construction des Bouches-du-Rhône la réparation des malfaçons constatées dans les travaux de gros oeuvre, d'étanchéïté et de menuiseries intérieures et extérieures qui ne lui avaient pas été confiés ; que par suite, il y a lieu de la décharger des sommes retenues par les premiers juges, récapitulées dans le rapport dressé par les trois experts commis par le tribunal administratif de Marseille sous la rubrique "dépenses à prévoir" qui sont relatives aux travaux d'étanchéïté des terrasses, d'imperméabilisation des murs et d'isolation thermique rendus nécessaires par les malfaçons affectant l'étanchéïté et les panneaux préfabriqués des façades et des murs pignons, ainsi que des dépenses de reprise des joints des portes-fenêtres ;
Considérant en revanche, qu'il ressort du rapport de l'expert désigné par le tribunal de commerce de Marseille, confirmé par le rapport des experts désignés par le tribunal administratif de Marseille, que les travaux exécutés par la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS au moment de l'interruption des différents chantiers présentaient des défauts nécessitant des travaux de reprise par les entreprises qui ont achevé la construction des immeubles ; que des matériaux livrés par elle et réglés par l'office public d'aménagement et de construction étaient défectueux ou ont été dérobés faute de surveillance des chantiers ; que le total des dépenses du maître de l'ouvrage pour remédier à ces défauts imputables à la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS, constatés sur les chantiers des différents groupes d'immeubles, s'élève d'après les évaluations non contestées des experts, à la somme de 1 683 982 F ;
En ce qui concerne les avances versées au démarrage des travaux :

Considérant qu'il ressort de l'instruction que la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS a perçu lors du démarrage des travaux des avances s'élevant pour l'ensemble des 14 groupes d'immeubles à une somme de 877 480 F ; que, faute d'un avancement suffisant des travaux à la date de la résiliation des marchés le maître de l'ouvrage n'a pu déduire ces avances des acomptes pour travaux ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'elle prétend, la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS est tenue de reverser la somme de 877 480 F perçue en sus des travaux exécutés ;
En ce qui concerne les demandes reconventionnelles de la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS :
Considérant, d'une part, que la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS n'assortit d'aucune précision sa demande tendant au remboursement d'une somme de 1 045 192 F dont l'office public d'aménagement lui resterait redevable pour des travaux exécutés par elle et des matériaux livrés sur les chantiers lors de l'interruption des travaux ; que la comparaison par les experts des sommes payées par le maître de l'ouvrage et des ouvrages exécutés d'après les relevés des architectes et l'expert commis par le tribunal de commerce de Marseille ne fait apparaître aucune créance de la société requérante ;
Considérant, d'autre part, que la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS n'est pas fondée à prétendre que le maître de l'ouvrage a, par son comportement durant l'opération des travaux publics, été à l'origine de ses difficultés financières ; que, par suite, sa demande d'indemnité pour faute doit être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme mise à la charge de la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS par le jugement attaqué doit être ramenée de 10 342 007 F à 2 561 462 F ; que les frais d'expertise mis à sa charge doivent être réduits dans la même proportion, soit 6 370 F pour l'expert B..., 12 000 F pour l'expert X... et 6 570 F pour l'expert A... ;
Sur les intérêts de la somme de 2 561 462 F :
Considérant que ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 1972, à concurrence de 1 890 092 F, et du 28 septembre 1978, à concurrence de 671 370 F ;
Sur les conclusions d'appel provoqué formé par la société des Entreprises René Z... (SERMA) contre l'office public d'aménagement et de construction des Bouches-du-Rhône :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport des experts désignés par le tribunal administratif de Marseille qui ont confirmé les évaluations faites par l'expert désigné par le tribunal de commerce de Marseille que les ouvrages exécutés par les entreprises titulaires des marchés présentaient à la date d'interruption des chantiers, des malfaçons nécessitant des travaux de reprise effectués par les entreprises qui ont achevé la construction des immeubles ; que la société Entreprise René Z... avait alors admis ces travaux de reprise ; que certaines de ces malfaçons affectant les panneaux préfabriqués faisant partie du gros oeuvre ont nécessité des travaux de rénovation postérieurement à l'achèvement des constructions par les entreprises de substitution ; que les désordres affectant les panneaux préfabriqués selon le procédé dit "TRACOBA" ne peuvent être imputés au choix dudit procédé mais à l'exécution défectueuse des travaux de fabrication et de pose des panneaux dont était chargée la société Entreprise René Z... ; que le tribunal administratif de Marseille a fait une juste évaluation du coût total de ces réparations en le fixant à la somme de 9 072 527 F ;

Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les entreprises titulaires des marchés ont perçu lors du démarrage des travaux des avances ; que, faute d'un avancement suffisant des travaux à la date de résiliation desdits marchés, le maître de l'ouvrage n'a pu les déduire en totalité des acomptes pour travaux ; que sur la base des calculs effectués par les experts, le tribunal administratif de Marseille a fait une exacte évaluation des sommes dues de ce chef par les entreprises titulaires des marchés résiliés en mettant à leur charge une somme globale de 1 269 480 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Entreprise René Z..., qui ne conteste pas avoir accepté de s'engager solidairement pour l'ensemble des travaux des différents lots des marchés, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à payer à l'office public d'aménagement des Bouches-du-Rhône la somme de 10 342 007 F ;
Article 1er : La SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS est déchargée des condamnations prononcées par les articles 1er, 4 et 5 du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 14 juin 1983, au titre de la solidarité à raison des sommes dues par la société des Entreprises René Z.... L'indemnité mise à la charge de la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS est ramenée à la somme de 2 561 462 F. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 23 octobre 1972 à concurrence de 1 890 092 F et du 28 septembre 1978 à concurrence de 671 370 F.
Article 2 : Les sommes dues par la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS au titre de l'expertise en référé sont ramenées à 6 370 F ( M. B...), 12 000 F ( M. X...) et 6 570 ( M. A...).
Article 3 : Les articles 1er, 4 et 5 du jugement susvisé du tribunal administratif de Marseille en date du 14 juin 1983 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS et les conclusions de la société des Entreprises René Z... sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX PUBLICS, à la société des Entreprises RenéManuel, à l'office public d'aménagement des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - RESILIATION - MOTIFS - Entrepreneur en réglement judiciaire - Effet sur le contrat - Résiliation de plein droit.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - RESILIATION - DROIT A INDEMNITE - Travaux inachevés.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - QUESTIONS GENERALES - MISE EN JEU DE LA RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR EN REGLEMENT JUDICIAIRE (LOI DU 13 JUILLET 1967) - Travaux inachevés.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR - FAITS DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE - (1) Travaux réalisés - Malfaçons - Matériaux dérobés - (2) Avances - Etat d'avancement des travaux insuffisant - Impossibilité de déduire ces avances des acomptes pour travaux.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - CONDAMNATION SOLIDAIRE - Clauses du contrat - Solidarité - Absence.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 12 fév. 1988, n° 53763
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Durand-Viel
Rapporteur public ?: Daël

Origine de la décision
Formation : 4 / 1 ssr
Date de la décision : 12/02/1988
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 53763
Numéro NOR : CETATEXT000007741386 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1988-02-12;53763 ?
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